• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 : Discussion Générale

4.1. Mise en discussion du modèle séquentiel

4.1.2. Sources de burnout chez les conseillers d’orientation au Québec

Cette section a pour objectif de clarifier les éléments qui influencent le niveau de burnout éprouvé par les c.o. en milieu scolaire. Tout d’abord, le rôle de la SIM à l’égard du facteur global du burnout et des trois dimensions spécifiques sera exploré. Ensuite, les liens indirects sur ce syndrome seront présentés ainsi que l’apport de la SIM en tant que variable intermédiaire.

4.1.2.1. Liens entre la souffrance identitaire de métier et le burnout

Les résultats de la présente recherche soulignent l’effet potentiel de la SIM sur le niveau de burnout éprouvé. Ainsi, les résultats obtenus concordent avec les études précédentes, qui démontrent un lien positif entre une identité professionnelle menacée et le burnout auprès d’ergothérapeutes, d’infirmiers et de travailleurs sociaux (Edwards & Dirette, 2010; Geng et al., 2011; Sabanciogullari & Dogan, 2015). Ce lien n’avait toutefois pas encore été examiné auprès de c.o. en milieu scolaire. Cette étude permet donc d’approfondir les connaissances quant aux conséquences potentielles liées aux difficultés identitaires des c.o. ainsi que d’appuyer l’importance de favoriser une bonne santé mentale par la capacité à établir une identité professionnelle. De manière précise, les résultats du modèle séquentiel démontrent que les c.o. éprouvant plus de SIM sont également enclins à vivre plus de burnout (c.-à-d., facteur global) et d’épuisement émotionnel. On peut supposer que la lutte émergeant du réel qui fait obstacle au désir de métier et à l’accomplissement de soi serait un élément particulièrement stressant. Cette expérience adverse pourrait également avoir pour effet d’appauvrir les ressources émotionnelles et physiques des c.o. menant à des sentiments d’épuisement, d’impuissance et de désespoir. Les résultats soulignent que la dimension épuisement émotionnel est cruciale. Elle est notamment une dimension centrale du burnout étant, avec la dépersonnalisation, les dimensions primaires pour évaluer ce syndrome (Maslach & Leiter, 2008).

Par ailleurs, il semble que les résultats du modèle révélant un lien entre la SIM et le burnout puissent enrichir les connaissances antérieures sur le burnout. Selon Maslach et ses collègues (2001), la dimension épuisement émotionnel n’évalue pas les aspects rencontrés en milieu de travail qui mènent à l’appauvrissement des ressources émotionnelles et physiques. Ainsi, le rapport entre l'individu et le travail n’est pas considéré. À cet égard, il semble que la SIM apporte un éclairage sur le processus qui appauvrit l’individu de ses ressources disponibles le menant à éprouver de l’épuisement émotionnel. En d’autres mots, l’expérience de SIM permet de comprendre en quoi le travail peut être épuisant émotionnellement. Selon les résultats du modèle séquentiel présenté, la perception des c.o. quant à leurs activités professionnelles réalisées en milieu de travail prédit le niveau de SIM vécu, ce qui prédit par la suite les ressources personnelles disponibles (c.-à-d., l’épuisement émotionnel). Dans un autre ordre d’idée, certaines études ont démontré que l’épuisement émotionnel est lié aux attentes divergentes provenant de divers acteurs, c’est-à-dire aux conflits de rôle (Stephan, 2005; Wilkerson & Bellini, 2006). Les résultats de la présente étude semblent ajouter à ce lien identifié en suggérant que des niveaux élevés d’épuisement sont présents lorsque les c.o. ont fortement le sentiment que leur expérience de travail semble limiter leur désir de métier et l’accomplissement du soi (la SIM). Bien que la SIM n’évalue pas les conflits de rôles, elle permet d’examiner la perception de l’individu quant à différents éléments provenant de l’organisation du travail, notamment leur impression d’être attribués des tâches inappropriées par la direction d’école et de posséder des valeurs qui ne s’alignent pas avec celles de l’organisation. À la lumière des résultats, plus l’expérience de travail contraint les c.o. à des actions qui s’éloignent de celles préconisées par la profession, plus ils vivent de la SIM, ce qui est, par la suite, associé à des niveaux élevés de burnout. De ce fait, il semble que la SIM puisse expliquer pourquoi les divergences vécues en milieu de travail sont propices au burnout. Les résultats démontrent l’importance du réel, qui peut influencer la possibilité d’accomplir le désir de métier et le soi professionnel; lorsque celle-ci diminue, les niveaux du facteur global du burnout et de l’épuisement émotionnel éprouvés augmentent.

En ce qui concerne les autres liens entre la SIM et les dimensions du burnout, les résultats de l’étude révèlent que la SIM ne prédit pas spécifiquement la dépersonnalisation et l’accomplissement personnel. Au contraire des hypothèses émises, ces dimensions n’ont pas généré de résultats significatifs dans le modèle séquentiel. Bien que la dépersonnalisation, c’est-à-dire les attitudes et les sentiments négatifs envers ses clients (Maslach, Jackson, & Leiter, 1996), obtienne des corrélations significatives avec les deux types de tâches et la SIM, aucun lien prédictif n’a été identifié. Une plus grande taille d’échantillon pourrait possiblement générer des résultats différents. Il est également possible que l’apport du facteur global du burnout et de la dimension épuisement émotionnel est lié à l’absence de lien entre la SIM et la dépersonnalisation. Ainsi, lorsque que les quatre composantes du burnout sont prises en compte, il semble que les c.o. vivant plus de SIM ne sont pas plus portés à éprouver des émotions néfastes à l’égard des élèves côtoyés. Étant donné que la SIM est sensible au sentiment d’accomplissement du soi, il était attendu que la dimension accomplissement personnel émerge

dans le modèle séquentiel. Les résultats du modèle prédictif suggèrent que la perception des c.o. quant à leurs sentiments de compétence et d’efficacité n’est pas spécifiquement associée à la souffrance éprouvée. Cette dimension du burnout semble toutefois détenir des lacunes sur le plan méthodologique. Par exemple, dans la présente étude, elle obtient une consistance interne plus faible que celle rapportée par Dion et Tessier (1994) ainsi que Maslach et Jackson (1986). Ainsi, il est possible que cet élément ait un impact sur les liens testés par cette dimension. Ceci est appuyé par l’absence de corrélations entre l’accomplissement personnel et toutes les autres variables incorporées dans le modèle.

4.1.2.2. Liens indirects du burnout

Les analyses provenant du modèle prédictif ont également permis d’évaluer les liens indirects entre les pratiques, l’expérience en milieu scolaire, le facteur global du burnout et les trois dimensions spécifiques du burnout via la SIM. Les résultats de l’étude révèlent que faire de l’intervention auprès des élèves de manière quotidienne prédit négativement et indirectement, via la SIM, le facteur global du burnout et l’épuisement émotionnel. La réalisation élevée de ce type de tâches est associée à des faibles indicateurs de ces deux derniers par son influence directe sur la SIM. En ce qui a trait aux tâches administratives, seul le facteur global du burnout est indirectement prédit par ce type de tâches via la SIM. Il semble donc que les tâches administratives affectent indirectement le burnout de manière générale plutôt qu’une dimension spécifique. Aucune association indirecte sur le burnout est examinée quant au nombre d’années. En somme, ces liens indirects permettent d’appuyer le rôle intermédiaire de la SIM quant à l’expérience du burnout en milieu scolaire. De plus, lorsque la SIM est prise en considération, les liens directs entre les pratiques réalisées (intervention et tâches administratives) et le burnout ne sont pas significatifs. Ainsi, ces résultats démontrent que la relation entre les pratiques réalisées et le burnout est expliquée par la SIM. Par exemple, il serait épuisant d’accomplir des tâches administratives lorsque celles-ci susciteraient des sentiments d’empêchement quant à son agir professionnel et qu’elles contribueraient à limiter le désir de métier et l’accomplissement du soi. À l’inverse, l’intervention auprès des élèves est bénéfique pour la santé mentale des c.o. si cette pratique quotidienne est considérée comme le désir de métier et comme source d’accomplissement de soi. Compte tenu des résultats obtenus, il est possible d’affirmer que ce type de tâche joue un rôle plus important quant au niveau de burnout vécu comparativement aux tâches administratives. La perception de faire quotidiennement de l’intervention prédit plus des niveaux faibles de burnout que ce que les tâches non liées à la profession prédit des hauts niveaux de burnout.

D’ailleurs, ces résultats permettent d’affirmer que cette recherche se distingue des études antérieures portant sur le burnout par l’intégration d’un facteur intermédiaire, la SIM. Ces dernières ont identifié auprès de c.o. en milieu scolaire l’influence directe des tâches réalisées sur le burnout (p. ex., Bardhoshi et al., 2014;

Mullen & Gutierrez, 2016). Bien que ces connaissances soient pertinentes, il semble que la relation entre les deux est issue d’aspects complémentaires. En appui, certains auteurs ont soulevé que le burnout éprouvé par les c.o. est associé aux conflits de rôle et à une estime de soi collective négative (p. ex., Butler & Constantine, 2005; Wilkerson & Bellini, 2006). Ces résultats soulignent que certains éléments autres que les tâches influencent l’expérience de burnout. Le modèle appuyé sur la SIM a permis d’intégrer ces divers aspects de la dynamique de travail des c.o. afin d’approfondir la compréhension du processus qui conduit les c.o. à vivre des niveaux élevés de burnout. Ce modèle permet également de soutenir l’importance de l’identité professionnelle pour mieux comprendre la relation entre les pratiques professionnelles et le burnout. En d’autres mots, la SIM élucide la façon dont les pratiques réalisées peuvent être épuisantes ou non.