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La Ziara : du rapport au lieu

Islam Théologie et philosophie

II. Les éléments du rituel

II.2. La Ziara : du rapport au lieu

La ziara s’exprime par un rapport au lieu sacré qui se présente généralement comme le sanctuaire d’un saint, la zaouïa d’une confrérie, puis par extension les lieux qui ont été associés à des événements de leur vie comme les grottes où ils ont séjourné les endroits où ils ont fait étape et ceux qui contiennent leurs reliques .La croyance populaire veut qu’un flux sacré en émane : la baraka; ils peuvent devenir de ce fait le centre d’un culte.

Il s’agit d’une visite individuelle ou collective, sur la tombe des saints ou leurs représentants vivants par des personnes en quête de baraka, pour leur demander des faveurs ou les remercier des vœux exaucés. Observée aussi bien en milieu masculin et en milieu féminin qu’en milieu urbain et rural, parmi les lettrés et les illettrés.

Les différentes pratiques de la ziara vont depuis les activités informelles jusqu’aux cérémonies les plus organisées. Elle peut prendre un caractère obligatoire et concerner les membres d’une confrérie religieuse qui se rendent à la zaouia mère24 mais aussi toute personne qui fait un pèlerinage au tombeau du saint.

Quelque soit la forme de ziara pratiquée, celle-ci est basée sur un principe circulaire d’échanges entre visiteurs et saints : demande talab , don ‘ata’, échanges de paroles , de biens matériels et spirituels.

Il s’git d’une séquence rituelle dont les éléments les plus importants sont les actes de purification, les prières, les offrandes, les sacrifices. Une autre série d’échanges, entre visiteurs (échanges de paroles, de conseils, aide mutuelle, partage de nourriture), contribue à accroitre l’efficacité de la ziara.

Elle sera reconnue alors comme le cadre privilégiée des manifestations rituelles, elle est à la fois un acte de dévotion et une conduite rogatoire.

II.2.1. Du rite de la ziara : une gestuelle d’invocations et de serments.

Dans le rite de la ziara, l’état de pureté est une exigence absolue, cette pureté concerne aussi bien l’âme que le corps. Désigné par le terme niyaa, pureté d’intention, la pureté spirituelle se caractérise par la sincérité du suppliant et son respect profond à celui dont il implore la grâce.

23 « Enquête aux pays du levant, II », p158 cité par Émile Dermenghem « le culte des saints dans l’Islam maghrébin » Op.cit, P327.

24 Tout membre d’une confrérie qui se rend à la zaouïa mère, résidence du chef de l’ordre doit y apporter son offrande pieuse qui constitue la contre partie de la part du quémandeur, de la baraka qu’il reçoit .Elle revêt aussi le caractère de cotisation due par les membres d’une association constituée.

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Cette attitude se définit par un geste d’humilité, qui consiste à se croiser les poignets et à s’incliner devant le cercueil du saint en récitant la formule du taslim et s’en remettre totalement à lui.

La pureté du corps est obtenue par les ablutions rituelles, l’idéal étant de prendre un bain complet au hammam. L’espace de la ziara sera toujours tenu propre et purifié des esprits malfaisants par des fumigations d’encens et de parfums.

Les demandes s’expriment sous forme de prières qui vont va de la simple méditation aux séances collectives de dhikr en passant par toutes les formules d’invocation douaa, talab. Considérées comme les plus bénéfiques, les séances de dhikr consistent principalement à répéter de courtes formules liturgiques puisées dans le texte coranique ou dans le répertoire de poèmes et de chants d’une tarîqa ou le madih .

Le dhikr peut être récité individuellement au pied de la tombe du saint et collectivement dans le cadre des hadrat confrérique ou les moussems, il peut aussi prendre plusieurs contenus selon que l’on est adeptes d’un saint ou d’une tarîqa.

Mais toute séance rituelle débutera par la fatiha, sourate introductive, c’est une formule prononcée au début de toute acte de culte qui de ce faite sera placé sous la protection de Dieu. Dans les zaouïas touchées par le réformisme le rituel se limitera à la récitation des litanies en position assise .Dans celle par contre qui ont gardé intacte leurs traditions ancestrales, le rituel de la ziara donnera lieux à des expressions physiques de la transe : râles, pleurs, cris, évanouissements, danses.

Outres les prières, un certain nombre de gestes sont supposés, renforcer l’efficacité symbolique la ziara : Nous les exposerons en ce qui suit.

II.2.2. Les circumambulations.

Dans beaucoup de cultures orientales et extrême-orientales, le vocabulaire « tourner autour »définit le pèlerinage. La circumambulation que l'on trouve déjà dans la racine sémitique hag exprime l'acte pèlerin par excellence25. Le taouaf autour de la kaaba est un rite majeur du Hadj, cinquième pilier de l’Islam, qui remonte à une tradition préislamique intégrée au culte musulman.

Dans l’acte pèlerin de la ziara, les circumambulations sont des actes éminemment symboliques qui renvoient au rituel canonique, et affirment l’intégration de l’institution dans la Norme. Le rituel débutera toujours par le salut. En approchant du sanctuaire, certains disent

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« Ahna billah ou bik… »Nous sommes avec Dieu et avec toi ».Quand le sanctuaire est dans un

cimetière- comme cela est le cas dans la plupart du temps- On appelle la rahma26 , la

miséricorde divine sur les morts. Autour de la tombe du saint, il est d’usage de tourner sept fois, dans le sens contraire aux aiguilles d’une montre en touchant les tissus recouvrant le cercueil mais aussi tout les objets de la zaouïa pour capter la baraka qui en émane.

II.2.3. Les chiffons.

Des chiffons votifs sont souvent accrochés à la balustrade du sanctuaire du saint darbouz . Ces chiffons appelés choualeq, chalig, selon les régions, sont un rite essentiel, on en reconnait d’ailleurs au Maghreb la place sainte. Il y’a la un complexe d’idées, de contact, de transfert, mémorial27. Le dépôt d’un objet, dans l’ambiance de sainteté qu’enveloppe la zaouïa ou le mausolée du saint ,fait que sans cesse celui-ci sera chargé de la baraka. Par translation celle-ci sera en contact permanent avec le dépositaire C’est une manière de garder avec soi, loin du sanctuaire, la baraka à laquelle on aspire.

L’ethnographie religieuse permet encore d’expliquer autrement le geste du chiffon laissé par le malade qui vient demander au saint une guérison. Il symbolisera le mal que l’individu n’a pas eu la force de supporter ou de s’en purifier par lui-même. Les forces positives qui émanent de la zaouïa annihileront la douleur qu’il figure.

Voici quelques formules d’invocations « je place en toi ma confiance. Si tu m’enlèves la fièvre, j’enlevai ce nœud d’étoffe » ou bien on énumère ses maux et on conclut » voici, ce que j’ai accroché à toi »28.

II.2.4. Le henné.

En ce qui concerne la valeur rituelle du henné, c’est une tradition recommandée par le prophète, qui remonte jusqu’ Abraham qui traça le croissant sur le front de son fils épargné avec le sang de l’agneau miraculeux. Le henné semblera alors un substitut du sang sacrificiel.29.

26 « Le salut sur vous, ô habitants des tombes .Vous nous avez devancés et nous vous rejoindrons... » Dornier, « Le recours aux oualis dans les campagnes de Tunisie du Nord », Ibla, 1950 cité par Émile Dermenghem « le culte des saints dans l’Islam maghrébin », op.cit, P125.

27 Émile Dermenghem « Le culte des saints dans l’Islam maghrébin », op.cit, P121.

28 Émile Dermenghem « Le culte des saints dans l’Islam maghrébin », op.cit, P122.

29 Les travaux de M.Gaal sur les rites funéraires en Égypte actuelle in « Revue des Études islamiques » 1937, P131-300 cité par Émile Dermenghem « le culte des saints dans l’Islam maghrébin », op.cit, P124.

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L’usage de se mettre du henné aux mains par exemple pour faire la ziara aux zaouïas peut être envisagé comme un désir de protection contre les forces du mal qui pourraient s’acharner sur leur victime au moment ou elle va se débarrasser d’elles par l’influence du saint30.

Mais lorsque le pèlerin fait aussi une application de henné sur la porte ou qu’il fait une tache sur les murs du sanctuaire ; C’est qu’il veut établir entre lui et le sanctuaire par le moyen du henné laissé là, une communication magique avec le henné dont sa main est enduite, communication qui dure tant la trace du henné est sur sa main31.

II.2.5. El Istikhara32

Il apparait nettement que la zaouïa qui abrite le sanctuaire du saint est comme chargé d’un fluide bienfaisant qu’est la baraka et que le seul fait d’entrer dans cette atmosphère sacré en imprègne le visiteur .

Sous cette réserve la baraka afflue naturellement dans la personne du solliciteur qui pourra s’en charger plus surement encore s’il demeure un temps assez prolongé dans le sanctuaire, s’il y dort par exemple une ou plusieurs nuits.

C’est un rite qui est censé faciliter les échanges avec les saints, qui se manifesteront dans les rêves pour guider et conseiller des personnes exprimant des demandes.