• Aucun résultat trouvé

Rôle social du marabout

SAINTS ET SAINTETE EN ISLAM

II. La sainteté au Maghreb : entre influence spirituelle et pouvoir temporel

II.5. Rôle social du marabout

Les « saints » apparaîtront très vite à la masse des croyants non seulement comme des initiateurs spirituels, mais comme des protecteurs temporels. Mais leur rôle diffère selon qu’ils appartiennent au registre des morts ou celui des vivants.

Le saint mort appelé wali, M’rabet ou tout simplement par son nom précédé de la formule d’adresse Sidi. Reconnu de son vivant comme un être extraordinaire qui s’est distingué par son savoir religieux, son ascétisme, sa piète mais surtout par ses actes prodigieux et quelque fois par sa folie mystique

Il peut avoir été un chef de lignage maraboutique, un fondateur d’ordre confrérique, un maitre soufi, ou alors un illuminé. Il fut consacré de son vivant et sa baraka perdurent après sa mort ou il devient intercesseur auprès de Dieu .Il est supposé alors répondre au demandes, requêtes et autres supplications et veiller sur les intérêts d’ici bas de ses adeptes.

Le saint vivant est généralement un descendant réel ou spirituel du saint enterré dans la zaouïa auquel il appartient. Chef de confrérie ou simple gardien de la tombe de son ancêtre, douée de

75 René Basset « Sanctuaires du Djebel Nefoûsa » in Jour. asiat. mai-juin1899, p434, id. juillet-août 1899, pp. 102, 103, 113, cité par Edmond Doutté « Notes sur l’Islam Maghrébin, les marabouts », op.cit, P39.

76On le trouve dans les textes kabyles de Mouliéras, « Légendes merveilleuses de la Grande-Kabylie, 1ère part », p148 et p171, et dans les textes d’Ouargla recueillis par R. Basset, « Étude sur la Zenatia du Mzab, de Ouargla et de l’Oued-Rir’ », p151, mais avec le sens de « mère » seulement » cité par Edmond Doutté « Notes sur l’Islam maghrébin, les marabouts », op.cit, p 40.

77 Toutefois nous devons faire remarquer que le mot « Setti » est un nom propre fort répandu. Beaucoup de femmes s’appellent « Setti » et il est probable qu’il faut ici le considérer comme un nom propre féminin. Setti nous parait être simplement une contraction de l’arabe seyyîdatî. Edmond Doutté « Notes sur l’Islam maghrébin, les marabouts », op.cit, p42.

48

la baraka héritée de son aïeul et désigné comme son représentant, il n’en doit pas moins posséder des qualités personnelles et faire preuve de charisme pour gagner la confiance des adeptes du saint.

Il doit être possesseur d'une pratique très pointue de la science religieuse, connaitre les fondements du droit islamique ouçoûl al-fiqh, maîtriser parfaitement le corpus coranique et le

hadith (paroles du prophète).

Son rôle est central en matière d'éducation religieuse ou il fait fonction d'intercesseur entre

deux mondes, celui de la mosquée où se dispense la religion et celui de la Zaouïa où la transmission du savoir est plus diffuse, non codifiée, plus vécue et ressentie qu’intellectualisé.

Il est souvent sollicité comme guide spirituel, porteur de baraka pouvant prodiguer conseil et réconfort moral pour la résolution de certains conflits sociaux et familiaux. On le consulte avant d'ouvrir un commerce, pour évaluer les augures d'une prochaine récolte ou encore pour décider d'un mariage. Les inquiétudes de la communauté trouvent ainsi leur solution, les inhibitions sont positivement levées et l'horizon, de noir, redevient prometteur.

Les sanctuaires sont alors perçus comme des "pôles cosmiques" investis de bénédiction baraka. Ils servent de lieux de recueillement, de détente et de rencontres.

Conclusion

L’Islam comme toutes les religions monothéistes a adopté le principe de sainteté que l’on accorde aux hommes qui se sont distingués par une conduite exemplaire et que Dieu a élu parmi ses créatures pour êtres détenteurs de cette bénediction divine , ce don qui permet de répandre les bienfaits ici bas : La baraka.

Ainsi le champ religieux en Islam est vécu comme une articulation entre le sacré réglé par le dogme islamique, et le symbolique qui se réfère aux croyances plus anciennes, il obéit ainsi à une logique qui relève de l'addition.

Les différentes expressions religieuses constitueront ainsi des registres parallèles qui coexistent, interférent mais ne se confondent pas. Elles évoluent en s'actualisant suivant les conjonctures qui se présentent.

Au Maghreb c’est le maraboutisme ou le culte des saint qui sera le concept autour duquel se sédimentent les croyances ancestral formant un système total culturel, religieux et social. Le saint bénéficie alors d’un statut particulier, il est à la foile catalyseur de toutes les formes pratiquées de la sainteté et le symbole des survivances des croyances du passé sous des modalités inspirées de l'Islam. Plus encore, il assure la médiation et le passage entre les deux mondes, celui des vivants et celui des morts.

49

Dans une région aux formidables vitalités locales l’expérience du sacré est multiple et les figures de sainteté arpentent une variété typologique qui variera entre sainteté lignagère et sainteté spirituelle, unissant deux univers mystiques ; l’un au savoir intellectualisé propre aux confréries religieuses et l’autre un substrat de croyances populaires qui s’exprime par les attitudes les plus classiques aux manifestations les plus extravagantes.

Aujourd’hui et malgré les remous de l’histoire et les contestations austères, les choses n’ont pas beaucoup changé, le saints reste un recours magique, afin d’exaucer les vœux et soulager les angoisses. La baraka du wali, toujours opérative, cimente les différents rapports sociaux d’une communauté et les figures de sainteté ancrées dans la tradition restent malgré tout actuelles et réactualisées par la perpétuation des cultes et l’adhésion des adeptes.

CHAPITRE III