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L’ère du renouveau : La réhabilitation des Confréries

LA MYSTIQUE MUSULMANE

II. Les confréries musulmanes

II.6. Rôles des confréries musulmanes en Algérie

II.6.2. L’ère du renouveau : La réhabilitation des Confréries

Après l’indépendance du pays , la politique en vigueur à l’époque n’a fait que confirmer la marginalisation des confréries et leur évacuation du jeu politique et sociale .Elles connurent des pressions allant de la tentative de nationalisation des biens et waqf des zaouïas à l’époque du Président Ben Bella jusqu’à l’emprisonnement de certains chouyoukhs, à l’exemple de Sidi Abdelli de la zaouia Allawia durant la période du feu président Houari Boumediene.

Les zaouïas étaient perçues comme des instituions obscures, des arrière-gardes de l’archaïsme et du charlatanisme, héritières du système féodal, ennemies de la révolution socialiste et de la société moderne.

La réhabilitation timide des confréries a réellement débuté au début des années 1980, après la succession du Président Chadli Bendjedid et cette reconnaissance n’a cessé de se renforcer avec le Président A. Bouteflika

Dès le début des années 1980, le pouvoir politique avait déjà compris le rôle positif qu’elles pouvaient jouer pour contrebalancer, puis freiner la très forte avancée de l’islamisme extrémiste qui menaçait la société algérienne. Plus tard, elles joueront un rôle important dans l’effort de réconciliation nationale, elles qui ont toujours su cultiver les vertus de l’écoute et de la tolérance.

Cette volonté présidentielle à réhabiliter les confréries en leurs accordant une place importante dans les sphères sociales, culturelles et politiques a été prise en charge sérieusement par l’ensemble des institutions de l’État, notamment le gouvernement à travers le Ministère des Affaires religieuses, le Ministère de la Culture, le Ministère des enseignements supérieurs, etc.

57Bastandji Siham, Thèse de doctorat, soutenue à l’université Mentouri de Constantine « Rites thérapeutiques et bien-être spirituel. Ancrages et résurgences. Pour un projet urbain de tourisme pèlerin », p119.

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La stratégie adoptée pour gagner les cheikhs des confréries à la cause publique repose sur la médiatisation, l’organisation des manifestations culturelles, séminaires et colloques, la mise en place de moyens financiers pour construire, rénover et équiper les établissements relevant des zaouïas, et enfin présenter des signes de respect à l’encontre du système confrérique. Les masses médias, accompagnent pas à pas la mise en œuvre de cette stratégie. Le but consiste à faire ressentir aux adeptes et fidèles, la volonté réelle du pouvoir à vouloir réhabiliter et soutenir les confréries, depuis longtemps injustement marginalisées, et de faire passer le message à toute la population qu’elles ont toujours joué leurs rôles historiques dans tous les domaines, au service de la nation et de la religion.

Les expressions de cette politique sont multiples, nous en traiterons quelques aspects à titre indicatif :

L’organisation de plusieurs colloques nationaux et internationaux sur le soufisme et les confréries musulmanes, qui se font pour la plupart sous le patronage des ministères ou de la présidence et connaissent la présence des hauts personnages de l’État :

 Colloque international sur les zaouïas à Oran (Avril 2006), intitulé « le rôle synergique des zaouïas et les voies soufis dans l’édification de l’Union maghrébine ».

 Colloques internationaux sur el zaouïa El Tidjania, à Laghouat (novembre 2006), à El Oued (novembre2008), à Oum El Bouaghi (Octobre 2010).

 Colloque international à Tizi-Ouzou sur « le rôle de la confrérie Tidjania et Rahmania lors de l’occupation Française ».

 Colloque national sur El Tarîqa El Rahmania à El Oued (Novembre 2009). L’institutionnalisation des organisations soufies sous forme d’Union ou de ligue, en tant qu’organisations non gouvernementales, après les avoir inscrites dans une forme légale d’associations ou de fédérations :

 l’Union Nationale des Zaouïas Algériennes aura vu le jour en janvier 2003.

« …. L’Union des zaouïas qui regroupe 8 900 zaouïas selon son président, le Dr Chaâlal Mahmoud, … »58

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 La ligue Algérienne des zaouïas et du patrimoine social de la culture soufie crée en juin 2005.

« …. la ligue algérienne des zaouïas et du patrimoine social et de la culture soufie … va pouvoir "fédérer" et "unifier" les rangs de quelque 2000 zaouïas recensées en Algérie…».59

La zaouïa peut être le cadre de rencontres culturelles dans un cadre ludique et festif. A titre d’exemple, nous citons la 8éme édition du festival de la musique Aissaoui de Constantine (Aout 2008).

La presse algérienne s’est intéressée au phénomène confrérique dès la fin des années 1990. Les articles ont rapporté leurs activités : colloques, inauguration d’édifices… etc.

 « Les Tariquat soufies visent à se répandre de nouveau, à conquérir le prestige perdu ». 60

 « Le saint tutélaire aux deux tombeaux ».61

 « Appuis aux zaouïas. Djezzy offre plusieurs milliards de centimes à 10 écoles coraniques ».62

 « Nouvel Essor des zaouïas en Algérie. Ribat, khalwatiya et Sidi M’hamed »63. Sur le plan de la préservation du patrimoine bâti, certaines zaouïas connaissent des actes de classement et des opérations de réhabilitation.

 Zaouïa Tidjania de Ain Madhi (Laghouat), Zaouïa Tidjania de Biskra, Zaouïa Tidjania, d’el Oued (Guemmar).

59Par : El Moudjahid: vendredi 03 juin 2005:http://www.elmoudjahid.com 60Par Liberté : Dimanche 05 septembre 2010:http://www.liberté-algériecom 61 Par L’Authentique : Samedi 21 Août 2010:http://www.l’authentique –dz .net 62 Par El Watan : Samedi 04 septembre 2010 http://www.el watan.com. 63Par Liberté : Samedi 04 septembre 2010:http://www.liberté-algériecom.

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Conclusion

La démarche soufie a laissé une trace très profonde dans la culture musulmane. Les confréries religieuses qui s’en réclament ont fourni des missionnaires pour la conversion des populations conquises et développé un mysticisme imprégné d’intellectualité et de dévotion populaire qui a facilité l'adhésion des masses.

Au XIXesiècle et face aux nouveaux défis qu’a connus le Maghreb, les confréries véhiculèrent de façon puissante l’identité musulmane face à la pénétration coloniale en mêlant patriotisme et ferveur religieuse.

Instrumentalisées par le système coloniale qui en déforma le contenu et en altéra la forme, les confréries véhiculèrent une image caricaturale imprégnée de charlatanisme se retrouvant ainsi

en opposition au culte officielle, stigmatisées comme un système cultuel aux références marginales.

Cette période de décadence s’accentua avec le réformisme religieux qui aurait fini d’amoindrir l’impact symbolique et social des confréries par l’appel au retour à la norme immuable dans son expression religieuse.

De nos jours l’éclatement des références culturelles a donné naissance à un puissant sentiment d’insécurité et de malaises et la société qui essaye de trouver sa place et son identité dans un contexte en constante mutation, se tourne vers les pratiques des ancêtres, ce réservoir inépuisable où se sédimentent les diverses traditions qu’elle tient pour repère de par leur stabilité et leur immuabilité spatio- temporel.

Ainsi les confréries apparaissent-elles comme des totalisateurs d’identité, identité locale, territoriale et religieuse particulièrement en temps de crise. Ils ne sont plus alors perçus comme des sociétés secrètes au message nébuleux et aux manifestations folkloriques mais des éléments structurants de la société supports de la vie cultuelle, prônant un message religieux de tolérance.

CHAPITRE II