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L’espace sacré en Islam

Pour les arabes de l‟ère préislamique, l‟espace isotrope du géomètre semble une abstraction de l‟esprit mathématique incompatible avec leur conception de l‟univers. A leurs yeux certains endroits sont chargés d‟effluve surnaturel d‟intensité plus ou moins grande et parfois

34Mircea Eliade « Le sacré et le profane », édition Gallimard, Paris, 1965, P26-32. (extraits).

35 Concept introduit par Mircea Eliade sur ces travaux sur le sacré et qui signifie que quelque chose de sacré se montre à nous, se manifeste. Dictionnaire Encyclopédia Universalis 2010, version 15.

36 Un Axis Mundi est un lieu ou communiquent les trois niveaux cosmiques, ciel, terre et monde inférieur. Traditionnellement

il est imaginé au centre du monde organisé. La montagne sacrée est un bon exemple d’Axis Mundi que l‟on trouve dans plusieurs mythologies. Le pilier est souvent vu comme soutient du ciel, mais aussi comme un axis Mundi .Il est le symbole de la consécration du territoire et le monde s‟organise autour de lui. Il confère un structure cosmique à l„édifice.Mircea Eliade « Le sacré et le profane », édition Gallimard, Paris, 1965.p 38-39.

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ils sont consacré et soustrait de ce fait à l‟usage profane, l‟homme n‟oser s‟y aventurer qu‟après avoir observé un rituel prescrit par la religion.

Ces espaces dans lesquels les forces surnaturelles se sont manifestées deviennent des sanctuaires, des lieux de culte ou l‟homme par un acte délibéré affirme sa dépendance vis à vis d‟une force qui le domine.37

La division de l‟espace en sacré et profane, se basera ainsi sur la manifestation ou la présence de la figure sainte et se combinera avec la répartition des terres qui entourent le lieu saint : les zones fastes le haram et les zones néfastes.

Lieu de manifestation de la sacralité, l‟espace sera défini dans ses trois étendues concentriques, de dimensions et de sainteté inégales. Le centre, l‟endroit même de la manifestation du surnaturel c‟est ce qu‟on nomme le Beyt38 .Tout autour de cet édifice se situe

le temple ou les fideles accomplissent les actes du culte. A l‟instar du Beyt, il est également délimité et son accès sera interdit aux fidèles qui ne sont pas en pureté rituelle. Au-delà s‟étend une vaste zone aux limite imprécises, marquées parfois de pierres levées Ançab, qui servent à marquer et à indiquer l‟étendue du rayonnement mystique du sanctuaire : c‟est le

Haram39.

Malgré de nombreux emprunts aux veilles conception, l‟Islam, introduit de notables changements dans la notion d‟espace sacré. La notion du haram est toujours présente mais sera due à Allah qui en est le maitre40 .

Le Coran, fait mention à mainte reprise d‟espace sacré haram. La Mecque est déclaré sacrée par Allah, lui-même41 ; son sanctuaire, le harem 42par excellence, est inviolable43 sûr44 ,sacré45.On comprendrait cependant mieux la réforme, si l‟on se rappelle le principal leitmotiv du coran qui est l‟unicité de Dieu. Présent partout, il se manifestera néanmoins avec plus d‟intensité dans le haram. Mais en dehors de sa demeure sacrée, il n‟a pas besoin

37Joseph Chelhod « Les structures du sacré chez les arabes », édition Maisonneuve et Larose, Paris, 1986, P211.

38 Cet espace sera matérialisé par une construction de forme primaire, généralement un cube inspiré peut être des Ziggourat de la Mésopotamie.

39 Dans son sens littéraire, le Haram signifie lieu interdit, ambigüe ou sacré .Dns le langage courant il désigne aussi le sanctuaire.

40 Joseph Chelhod « Les structures du sacré chez les arabes », Op.cit, P230.

41(Sourate 27, verset 91). (Sourate 22, verset 29,33).

42 Le harem dans le coran s‟applique à l‟ensemble des territoires de la Mecque, qui peuvent être considérés comme une extension de la zone de sainteté de la Kaaba. En d‟autres termes, les limites de l‟espace sacré de la Mecque s‟arrêterait au rayonnement de son sanctuaire. Cependant si la sacralité effective semble s‟épuiser au fur et à mesure que l‟on s‟éloigne de la Kaaba, la baraka de celle-ci n‟a point de limites. Centre du monde, elle est en rapport spirituel avec toute la terre sur laquelle elle répand ses bénédictions. Joseph Chelhod « Les structures du sacré chez les arabes », Op.cit, P232.

43 Sourate 28, verset 57. 44 Sourate 29, verset 67.

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d‟aucune enceinte spéciale pour recevoir la dévotion de ses fidèles46. Placés sous la domination d‟un Dieu unique, l‟espace est voué à une certaine homogénéité. La prière rituelle peut être dite partout sans autres précautions, qu‟un minimum de purification du sol. Mais l‟influence de la coutume et des croyances antérieurs arabes fut plus forte.

Par une série de mesures inspirées des usages antéislamiques, Mohammed(QSSL) déclara que, Médine-capitale du nouvel état islamique devait jouir des mêmes prérogatives religieuses que la Mecque. Elle avait pour elle le souvenir du prophète, son tombeau et sa mosquée. Le caractère sacré de cette cité s‟affirmera plus encore au cours des années qui suivirent la mort du prophète.

Pour des raisons analogues à celles qui ont aboutit à la sacralisation de Médine, d‟autres lieux de l‟Islam sont devenues également sanctuaires. Karbala qui a vu le massacre de Husayn petit fils du prophète et de plusieurs membres de sa famille est devenue un des centres célèbres interdits aux non musulmans.

L‟intégration de la philosophie mystique et de la pensée soufie à l‟Islam orthodoxe, permit l‟admission du principe de la sainteté, dés lors on assiste à un retour offensif de l‟espace hétérogène et la présence d‟une figure de sainteté suffit à faire d‟un endroit un lieu saint. La terre sera alors hérissée de tombeaux, de mausolées, de zaouïas et même d‟arbres et des sources auxquels on rend un culte spécial et qui jouissent parfois des grands privilèges du

haram.

De ce qui précède, il serait juste de conclure que l‟existence d‟un espace sacré en islam comporterait à sa base l‟idée d‟une immanence divine. Même si cette approche a été d‟abord transcendantale ce qui impliquait l‟idée d‟un espace isotrope.

Avec le soufisme, l‟Islam affirmera la transcendance sans rejeter l‟immanence et conclura à une certaine projection du sacré sur terre, ce qui aboutit à peupler la terre de multitude de lieux sacrés.

46Dans l‟Islam canonique l‟espace est largement désacralisé, il existe des contraintes spatiales que pour un minimum de grands rites : la prière du Vendredi , la prière des deux grandes fêtes de rupture du jeûne et du Sacrifice ainsi que les prières spéciales pour les temps de sécheresse qui doivent se faire dans la grande mosquée el Mesdjid el Djamaa ou dans un grand espace sous la direction d‟un imam .Les autres rites peuvent être faits dans importe quel autre lieu préalablement purifié car selon une Tradition célèbre la terre entière est une grande mosquée. Marc Gaborieau « Le Culte des saints musulmans en tant que rituel : controverses juridiques » In: Archives des sciences sociales des religions. N. 85, 1994. pp. 85-98.

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