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S YSTEMES COMPLEXES , FRACTALES , AUTO ORGANISATION ET

CONCEPTUEL ET DONNEES DISPONIBLES

2.1 L’IMBRICATION DES ECHELLES : QUELQUES PISTES DE REFLEXION

2.1.1 L’approche des échelles en géographie

2.1.1.3 S YSTEMES COMPLEXES , FRACTALES , AUTO ORGANISATION ET

SYNERGETIQUE : VERS UNE APPROCHE TRANSCALAIRE

On sait pourtant depuis assez longtemps que la maîtrise du changement d'échelle est « extrêmement utile et [que] la compréhension transcalaire et multi scalaire de l'espace est

toujours supérieure à une vision mono scalaire » (R. BRUNET, 1993). Ce message est repris

sporadiquement dans quelques travaux : « on commence à comprendre que le système

d’emboîtement des échelles, le plus grand commandant au plus petit, qui servait de référence implicite, se révèle inadéquat. » (M.-F. DURAND et al., 1996)

Ainsi l’utilité et la difficulté de l’analyse transcalaire sont de ne pas soumettre l'analyse à une hiérarchisation implicite des niveaux emboîtés. Le 'mondial', le 'local' sont mis sur un même plan, et leur importance respective n'est pas tenue pour acquise dès le début de l'analyse. Cette dernière vise justement à déterminer quelle est la répartition des poids, dans l'échelle géographique, des différents échelons par l’identification d’une problématique transversale. Il n'y a donc plus d’emboîtement hiérarchique en soi des niveaux géographiques mais plutôt une relation transversale, pesant sur chaque niveau en fonction de paramètres bien précis. R. BRUNET (1993) insiste sur le fait que les travaux dans ce champ sont encore trop peu nombreux pour être convaincants, et pour passer pour autre chose que des « illusions, ou de

simples analogies ». Il cite à titre d’exemple l’étude du comportement électoral qui peut

perdre ou gagner du sens selon l’échelle choisie : la corrélation entre vote communiste et pourcentage d’ouvriers a peu de sens à l’échelle de la France, mais beaucoup plus à l’échelle urbaine. De l’autre côté, R. BRUNET est, nous l’avons vu précédemment, lui-même partisan d’une observation et d’une réflexion à plusieurs échelles. Il est donc incontournable d’y prêter une attention particulière, puisque « ces recherches peuvent aussi conduire au renouvellement

des paradigmes et des méthodes dans un certain nombre de disciplines, en permettant de combler le fossé entre les recherches ‘de terrain’, qui accumulent des données souvent difficilement exploitables par manque d’outils adaptés capables d’en saisir la complexité, et les recherches théoriques qui souffrent de ne pas être suffisamment alimentées et contraintes

par ces données »4. Plusieurs approches de la complexité en ont exploré différents aspects,

dont nous pouvons tirer parti.

En géographie urbaine par exemple, la modélisation quantitative a permis d’étudier en quoi un système urbain, ou système de villes, a une logique propre qui se retrouve dans l’organisation des villes elles-mêmes en tant qu’espaces. Comme le signale T. SAINT- JULIEN (2000), ces tentatives ne visent pas à « naturaliser » les systèmes géographiques ; leur ambition n’est que d’être des outils nouveaux en vue d’une « modélisation de la

dynamique transcalaire des systèmes spatiaux ».

Les fractales ou ‘objets fractals’ ont été étudiés en géographie urbaine en tant qu’objets « dont

les sinuosités sont infiniment répliquées, selon une loi stricte, à travers plusieurs niveaux de l’échelle spatiale » (R. BRUNET, 1993). Les mesures permettent de caractériser une ligne ou

une surface par un seul nombre (dimension fractale) afin de comparer les formes dans le temps et dans l’espace.

Le travail pionnier de P. FRANKHAUSER (1994) est une application de la géométrie fractale à l’étude de la morphologie urbaine (agglomération et réseau urbain). Selon lui, l’intérêt et le postulat de cette approche est d’appréhender des mutations qui ne sont pas liées « à une

situation historique particulière », mais à un processus d’auto-organisation (D. PUMAIN et

al., 1989) du tissu urbain, comparable et mesurable d’un lieu à un autre : ce sont les processus « morphogénétiques ». Le phénomène d’auto-organisation implique donc que les formes de l’espace sont construites involontairement par un jeu d’acteurs, ce qui a en retour un effet sur ce jeu lui-même.

Le principe fractal est que l’on retrouve à chaque échelle les mêmes éléments d’une structure avec une grandeur réduite (homothétie interne), comme dans le cas d’un cristal de neige. La limite de cette approche est qu’elle oriente tous ses résultats vers le quantitatif, alors que les phénomènes étudiés sont plutôt de l’ordre du qualitatif (aménagement urbain). L’une des raisons majeures est que la représentation cartographique est difficilement concevable à plusieurs échelles en même temps. Par exemple, la théorie des lieux centraux considère la distribution spatiale des villes sans tenir compte de l’extension ou de la surface réelle de chacune d’elles, la ville étant illustrée par un point. Les conclusions de P. FRANKHAUSER (1994) sont qu’il « s’agit donc d’une mesure globale qui joue ainsi le rôle d’un paramètre

d’ordre et qui caractérise la répartition hiérarchique de la surface bâtie ».

Toujours en géographie urbaine mais du point de vue fonctionnel, l’auto-organisation propose d’étudier le développement et l’organisation « spontanées » des réseaux de villes, non plus en relation avec chaque hinterland rural polarisé, mais à partir de relations plus complexes « qui

ne sont plus de proximité mais de connexité, mais aussi des réseaux a-symétriques par rapport à l’emboîtement hiérarchique des fonctions urbaines » (D. PUMAIN, 1995). Les

fonctions urbaines sont donc l’une des clés de lecture des systèmes de villes, car elles leurs donnent un ordre sans qu’il n’y ait d’apparente intervention extérieure (R. BRUNET, 1993). Le rapport ancien entre taille démographique et fonctions urbaines s’en retrouve renouvelé, comme l’a montré la contribution de C. ROZENBLAT (2004) sur la relation entre réseau d’entreprise et système urbain, ou d’autres travaux en cours comme ceux de A. BRETAGNOLLE (2003) sur les systèmes urbains dans les pays développés et en développement.

Pris dans son acception générale, le système complexe est composé de nombreux éléments différenciés interagissant entre eux de manière non triviale (interactions non linéaires). Cette approche suppose une réflexion simultanée au niveau global, où apparaissent des propriétés nouvelles, et au niveau élémentaire, où les éléments sont définis par des règles communes qui se surimposent aux règles individuelles. Le comportement du système interdit donc tout découpage en sous-systèmes plus simples, car cela empêcherait d’y trouver des lois, des récurrences. D’autres travaux ont exploré ces nouveaux champs, à la croisée des disciplines comme l’écologie5ou l’urbanisme (L. GWIAZDZINSKI et al., 2004 ; S. OCCELLI 2004).

Nous n’irons pas jusqu’à remonter à la source de la théorie des systèmes complexes, telle qu’elle a pu être exposée dans l’ouvrage de G. WEISBUCH (1989), puisque des travaux pionniers en géographie, comme celui de L. SANDERS (1992) sur la ‘synergétique’, ont fait le pont entre la théorie générale et la géographie. Cet auteur a montré l’intérêt d’appréhender les emboîtements des niveaux géographiques de façon systématique, l’objet de la recherche étant « l’analyse de systèmes complexes, composés de plusieurs sous-systèmes liés entre eux

par des relations d’interdépendance et surtout de coopération ». Appliquant la synergétique à

l’étude de la croissance urbaine par rapport aux phénomènes démographiques (croissance naturelle de la population et migrations), sa méthode distingue quatre aspects que doivent recouvrir les systèmes en jeu :

♦ Ils sont clairement hiérarchisés et chaque niveau d’agrégation est clairement défini, perceptible comme une entité, à une certaine échelle ;

♦ Des interactions complexes, non linéaires caractérisent les relations entre les éléments d’un même niveau et leurs effets peuvent influer sur le niveau supérieur ;

♦ L’évolution spatio-temporelle du système intègre à la fois des tendances déterministes et des fluctuations aléatoires ;

♦ Les non-linéarités du système génèrent des possibilités de changements structurels brusques dans le système, des bifurcations, qui peuvent quelquefois évoluer vers des comportements oscillatoires ou chaotiques.

Le problème est donc de démontrer qu’il existe des relations effectives entre les parties du tout que l’on veut étudier. Ce en quoi la pensée de M.-F. DURAND et al. (1993) est très éclairante sur la démarche à suivre, à propos du système de systèmes : « traiter tous les

éléments, étudiés séparément par d’autres, comme entrant, par certains de leurs aspects au moins, dans une dynamique contradictoire mais unique, dans une logique complexe mais structurante, dans une possible commune mesure ».

Ces apports constituent sans nul doute un socle à notre approche, qui va tenter de mettre sur un même plan les structures locales et mondiales, afin d’en mieux comprendre les interrelations. Cela nous conduit à la dernière étape de notre examen des outils qui permettent d’aborder le problème général des niveaux de lecture et de leurs relations.

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