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N OUVELLES DYNAMIQUES REGIONALES : HUBS DE TRANSBORDEMENT ET PONTS CONTINENTAU

1.3 NODALITE PORTUAIRE ET RETICULARITE MARITIME : LES NOUVEAUX ENJEUX DE L’INTERCONNEXION

1.3.2 Façades maritimes, régions portuaires et espaces continentau

1.3.2.3 N OUVELLES DYNAMIQUES REGIONALES : HUBS DE TRANSBORDEMENT ET PONTS CONTINENTAU

L’apparition de nouvelles configurations portuaires tend à relativiser la validité des anciens modèles. Pour les raisons évoquées précédemment, les acteurs tant territoriaux que réticulaires mettent au point de nouveaux ancrages des flux internationaux. Ils sont parfois le fruit de la volonté d’une personne, ce qu’illustre bien le ‘mégaport’ de Gioia Tauro (R. BERGERON, 1999), créé en 1993 dans une région a priori peu préparée à accueillir un tel équipement. Le contexte est bien celui du succès des ports de transbordement les mieux équipés, au trafic de conteneurs en forte croissance, les moins chers et les mieux situés par rapport aux grandes routes maritimes. La région de Calabre ne déroge pas à la ‘règle’ selon laquelle les effets économiques d’un hub de transbordement sont faibles, la région n’ayant pas de forte tradition maritime et les entreprises locales restant en marge du développement portuaire. La région et le ‘local’ sont peu concernés, finalement, par cette enclave connectée aux grands flux, et dont ils ne ramassent que les miettes, c’est-à-dire quelques emplois très spécialisés.

Le modèle spatial de E. STERN et Y. HAYUTH (1984) avait déjà fait la remarque d’une faible retombée locale et régionale des nouveaux ports, d’autres auteurs comme J.-P. DAMAIS (1982) l’ayant aussi souligné auparavant. Leur modèle d’évolution (Fig. 30) montre bien que par rapport à un système portuaire conventionnel (cf. approches classiques), le

système de ‘porte lointaine’ a pour rôle essentiel la massification des flux le long d’un axe (H.A. VAN KLINK et al., 1998), sans pour autant créer de dynamisme local ou régional.

Figure 30 : Effets spatiaux théoriques d'un hub de transbordement.

C’est aussi l’avis de H. BAKIS (1993) pour qui « la création d'un téléport en plein

désert humain n'est - en principe - pas impossible. Mais il ne faut pas être prophète pour prédire que son fonctionnement semblera fort improbable. Il ne suffit pas d'une antenne sur Mars, la Lune ou dans le désert du Kalahari pour qu'une ville naisse… En revanche, incorporer une telle infrastructure à une ville comme Adélaïde permet de greffer toute une série d'activités (entreprise, emplois, logements), et de rêver à la création d'une multifunction polis comme l'ont appelée les Australiens ».

Cependant, de telles infrastructures, si elles peuvent paraître aberrantes ou sujettes au débat d’un point de vue social, doivent être considérées dans le long terme. Rien n’indique que cette

pure logique réticulaire qui s’impose à l’espace géographique ne suscite pas, à terme, un nouveau système de peuplement et de localisation économique. La vision à court terme a tendance à enfermer les hubs dans un processus de ‘dématérialisation’ (D.G. JANELLE et al., 1997) ou ‘déterritorialisation’ de l’économie, qui porte aux nues un système de transport somme toute vulnérable et soumis encore plus qu’avant aux logiques globales. C’est ce qui paraît le plus évident d’un point de vue occidental, où la relative lenteur de la croissance voit d’un oeil douteux des aménagements répondant à une pure logique exogène, alors qu’en Asie par exemple (T.W. LEE, 2002) un hub a officiellement pour tâche essentielle de devenir une ville.

Si l’on met de côté la signification sociale du hub, c’est-à-dire son rôle dans la société dans l’absolu, alors se pose la question de son insertion dans une logique locale, régionale et nationale d’aménagement du territoire. Les pressions spatiales subies par les ports au développement séculaire rendent nécessaire l’arrivée de ces hubs au sein des façades maritimes traditionnelles. Ils sont parfois de simples terminaux ‘satellites’ (B. SLACK, 1999) éloignés des villes-ports congestionnées où le trafic est devenu une nuisance majeure pour les autres activités. Dans tous les cas, ils sont l’expression locale particulière d’une pression globale uniforme (R. MC CALLA, 1999).

Le schéma de D. AMATO (1999) permet d’illustrer très simplement un autre aspect de ce phénomène de hub, celui du renforcement de la centralité des métropoles intérieures (Fig. 31). C’est en effet l’un des risques majeurs des villes-ports traditionnelles que de se voir contournées par les flux qui préfèrent un hub performant pour atteindre les marchés intérieurs afin de réaliser l’objectif du porte-à-porte. La première configuration (A) montre un système de transport régional centré sur la ville-port, seule capable de manutentionner l’essentiel des flux entre les marchés continentaux et l’avant-pays. Les mutations contemporaines tendent à favoriser la seconde configuration (B), où le hub et la métropole continentale s’appuient sur leurs propres plateformes, polarisant les flux sans être soumis à l’intermédiation de la ville- port. On rejoint bien là une des conséquences possibles de la métropolisation accrue des métropoles continentales qui, non seulement concentrent les fonctions stratégiques loin des littoraux, mais tendent à se substituer aux villes littorales au niveau des fonctions logistiques. Les villes-ports ont donc un double enjeu de résistance à la fuite des services vers les métropoles intérieures, d’une part, et à la fuite des équipements portuaires et logistiques vers des hubs isolés, d’autre part.

Figure 31 : L'impact du hub sur le système de transport régional.

Bien sûr ces problèmes se posent avec plus ou moins d’acuité selon les régions du monde et selon les configurations spatiales héritées du passé.

Ainsi « la distribution des ports sur le littoral devient plus spécialisée et plus complexe (…) tandis que le port voit ses relations transformées avec les centres de commandement des cycles de transport » (A. VALLEGA, 1986). Or le système portuaire

émergent a souvent été négligé dans sa définition conceptuelle. La notion de système apparaît surtout dans les années 1980, après une phase idiographique et une phase fonctionnaliste. La ‘série de ports’ ou rangée portuaire, longtemps acceptée comme telle par effet de simple proximité, est progressivement replacée dans un contexte régional d’intégration à la production industrielle et au développement territorial. Le système en tant que tel, d’après A. VALLEGA, émerge d’une volonté consciente d’organisation du système portuaire, lui-même perçu comme étant connecté au système urbain et industriel régional, au système maritime mondial. C’est peut-être la raison pour laquelle les hubs posent la question fondamentale suivante : font-ils partie du système portuaire, ou bien appartiennent-ils à un système indépendant, purement fonctionnel, sans lien avec le système urbain ou industriel ? Peut-on parler d’un nouveau paradigme portuaire ?

1.3.3 Réseaux maritimes mondiaux et chaîne de transport

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