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Yiwu : une ville de district à l’échelle administrative de la Chine

afin de rester attractif pour les étrangers

2.1 Yiwu : une ville de district à l’échelle administrative de la Chine

Chapitre II

Les autorités locales, entre dépassement du statut

administratif et besoin d’une autonomie plus large

afin de rester attractif pour les étrangers

La ville est classée comme ville de district. Pour autant, la municipalité joue un grand rôle dans le développement économique de son espace. Les politiques publiques qu’elle propose peuvent influencer, d’une façon négative ou positive, la vie et le travail de tous les commerçants étrangers s’installant à Yiwu. En même temps, le gouvernement local travaille à faire évoluer son statut administratif pour acquérir davantage de compétences de la part des autorités comme en d’autres lieux, car « La réussite économique s’est peu à peu traduite par un besoin de reconnaissance, une revendication d’autonomie au plan politique » (Chignier-Riboulon et Fournier, 2002, p. 181). Pour espérer se développer dans le secteur économique et commercial, les autorités locales dépendent en grande partie des commerçants étrangers, ce qui représente un nombre de commandes pour le monde entier, ainsi qu’un grand profit non seulement pour les résidents locaux, mais aussi pour le gouvernement lui-même. Enfin, la dernière partie de ce chapitre présentera comment des politiques admi-nistratives peuvent devenir attractives aux yeux des résidents étrangers. Des analyses plus détaillées seront alors présentées.

2.1 Yiwu : une ville de district à l’échelle administrative de la Chine

Yiwu est une sous-préfecture. Pour comprendre le niveau de ses droits et contraintes, il est nécessaire de commencer par le système administratif de la Chine. 2.1.1 Un système administratif évolutif

Dans une vision verticale de la structure d’un gouvernement local, les zones administratives principales52 d’un pays possèdent plusieurs niveaux. Chaque niveau

52 La Chine comprend plusieurs niveaux de zones administratives, dont nous n’aborderons que les principales. La notion de « zones administratives » dans ce texte désignera donc toujours les « zones administratives principales ».

possède sa propre sphère administrative ; le tout formant le système administratif chinois.

La « République Populaire de la Chine » a été fondée en 1949. Depuis, elle est passée par quatre périodes différentes dans l’évolution de son système administratif (Li Jinlong, 2003).

Durant la première période, entre 1949 et 1954, le Parti Communiste a choisi le modèle à quatre niveaux comme modèle principal : grande zone administrative (大(dà) 行(xíng)政(zhèng)区(qū)), province (省(shěng)), district (县(xiàn)), et bourg(乡(xi āng) (Fig. 18).

Fig. 18 – La structure du système administratif en Chine actuel

Source : Cui Can.

Entre 1954 et 1966, avec l’établissement de la nouvelle constitution du pays (1954), le système a été modifié et stabilisé. La constitution a divisé les zones administratives en trois niveaux : province, district et bourg. Ce système à trois niveaux dominants a été abandonné pendant la période 1966-1978, à cause de la Révolution Culturelle. Pour les remplacer, des comités de révolution (革(gé)命(mìng) 委(wěi)员(yuán)会(huì)) ont été créés dans toute la Chine continentale. Ces établissements ont été reconnus comme ayant autorité au niveau local.

En 1982, une nouvelle constitution a remplacé celle de la révolution culturelle. Depuis, le système à trois niveaux est revenu en Chine. Avec le développement économique et la forte croissance de l’urbanisation, quatre niveaux principaux ont été graduellement instaurés dans les villes chinoises (Fig. 18)53, même s’ils ne sont pas encore reconnus par la nouvelle constitution de 198254.

53 Cette division ne comprend pas les zones autonomes des groupes ethniques minoritaires. D’autres exceptions sont possibles.

Aujourd’hui, le système à trois niveaux dans la constitution et celui à quatre niveaux dans la réalité coexistent. Il s’applique à toute la Chine, y compris la province du Zhejiang et à la ville de Yiwu. La différence entre ces deux systèmes est la reconnaissance du niveau préfectoral (Yang Shengxian, 2001). La Chine fait partie actuellement des vingt-et-un pays avec le plus de niveaux administratifs dans le monde (Sun Xueyu, 2007).

Jusqu’en juin 2016, la Chine comprenait au total quatre villes provinciales, vingt-trois provinces, cinq zones autonomes et deux zones administratives particulières. En Chine continentale, il existe 293 villes préfectorales, 363 villes de district et 1 377 régions de niveau bourgs, totalisant 660 autorités de différents niveaux55. La division de ces zones administratives est la fondation de l’établissement des organisa-tions administratives à l’échelle locale. Cela nous conduit à poser deux quesorganisa-tions : quelle est la relation entre l’autorité centrale et l’autorité locale et quelles sont les relations existantes entre autorités locales ?

La relation entre l’autorité centrale et le local a évolué au fil du temps. Entre 1949 (fondation de la Chine communiste) et 1978 (fin de la Révolution Culturelle et début de la politique « Réforme et Ouverture »), la Chine n’a pas trouvé de système qui fonctionne bien. Le début de cette période montre un système d’une grande uniformité à des niveaux comme l’économie, la politique et la législation. Cela résulte des caractéristiques sociales et historiques de la Chine de l’époque : la nouvelle République Populaire de Chine se trouvait dans un état peu développé et en plein désordre. Aux yeux des dirigeants de l’époque, centraliser tous les pouvoirs était le seul moyen pour mobiliser les ressources afin de satisfaire les besoins du peuple. De plus, la longue tradition d’une centralisation du pouvoir dans l’histoire de la Chine a joué un rôle dans cette décision. Cette centralisation a contribué au développement étatique. Cependant, avec le développement économique, une incohérence entre le développement économique et les besoins du peuple est née et a grandi vers la fin de cette période. La population demandait plus de liberté dans ses choix et de flexibilité dans la distribution des ressources. La demande d’une décentralisation est ainsi apparue.

La politique « Réforme et ouverture » a beaucoup changé le pays. Ce changement s’est manifesté en premier lieu dans le secteur économique. La croissance économique a fait passer graduellement l’économie chinoise d’une économie planifiée à une économie de marché. Cette transformation a ensuite mené à une évolution du système politique. Dans une économie planifiée, le système politique possède une gestion étatique pour régulariser la distribution des ressources matérielles et non matérielles. Étant passé à une économie de marché, l’État chinois ne possède plus autant de contrôle. Ce changement a eu pour résultat de diminuer le contrôle que l’autorité centrale possédait sur les représentants et le peuple au niveau local, donnant plus de liberté et d’autonomie aux régions.

La Chine actuelle ne comprend qu’une seule structure administrative. Les autorités au niveau local doivent respecter le plan de l’État central, tout en possédant

leurs propres caractéristiques. La constitution chinoise oblige les autorités de chaque niveau à se soumettre à la gouvernance des autorités plus hautes et toutes les autorités locales sont au service du Conseil des Affaires d’État (国(guó)务(wù)院(yuàn))56, et du gouvernement central. Généralement, cet établissement est en relation directe avec des autorités de niveau provincial. Le système est hiérarchisé ; les autorités locales passent par le niveau provincial pour toute communication avec l’État.

Des fonctionnaires de l’administration locale sont sélectionnés par l’Assemblée populaire (人(rén)大(dà)) de la même région, à laquelle ils doivent rendre des comptes. L’assemblée populaire locale prend des décisions et il est à la charge de l’administration de les mettre en place. Parmi les organisations administratives locales, deux relations possibles existent : une relation horizontale et une relation verticale.

• La relation horizontale existe entre des régions de même rang. Il n’y a donc pas de relation hiérarchique et leurs statuts sont généralement égaux. Néanmoins, des relations de coopération ou de soutien temporel peuvent être établies. Par exemple, la Chine a organisé des transferts de nourriture de régions plus riches vers des régions en demande (南(nán)粮(liáng)北(běi)调 (diào)). Le développement de l’économie de marché a entraîné de nouvelles demandes de la part des autorités locales, particulièrement en faveur des zones économiques de coopération transrégionales. Jusqu’en 1986, vingt-quatre organisations de cette nature ont été établies, notamment entre grandes et moyennes villes. En 1996, la Chine a été divisée en sept parties différentes selon la localisation des territoires, comme la partie sud-ouest et la partie nord-est. L’objectif de cette démarche est de renforcer le lien entre les municipalités de différentes échelles au sein de ces parties.

• La relation verticale se trouve entre les villes d’un niveau plus bas et celles d’un niveau plus haut. Par exemple, elle peut exister entre une province et une municipalité préfectorale. Les municipalités locales sont obligées de répondre à des autorités supérieures. Celles supérieures ont le droit de changer ou rétracter les décisions des autorités inférieures. Cette relation verticale est donc une relation hiérarchique.

Les autorités municipales sont le choix de l’Assemblée populaire et répondent à cette assemblée locale, qui joue le rôle d’un superviseur. Ainsi, elle possède deux caractéristiques : d’un côté, elle est obligée d’appliquer les décisions des autorités supérieures ; d’un autre côté, elle est chargée de la stabilité et du développement de la région. Représentant deux intérêts, les dirigeants d’une autorité locale doivent faire leurs propres choix lorsque ces deux parties se trouvent en conflit.

2.1.2 Le niveau de district : entre le niveau préfectoral et provincial

Les villes chinoises se situent principalement sur trois échelles : villes provinciales, villes préfectorales et villes de niveau district. Yiwu est une ville de niveau district, le plus

bas donc. En revanche, son statut est particulier. Elle se trouve au même rang qu’un district mais n’en partage pas les mêmes droits et obligations.

Le niveau « ville de district » est apparu en 1979 (Wang Hongxiang, 2012), premièrement dans la province du Guangdong. En 1982, dans une conférence nationale sur l’aménagement des villes chinoises, une politique a été proposée : en particulier le développement des villes de taille moyenne et un développement actif dans les petites villes. Cela montre l’attention portée par l’État central à cette question. Depuis le processus de transformation a été accéléré. Chaque année, de nouveaux districts deviennent des villes de districts. En 1983, par exemple 36 districts ont vécu cette transformation : une création de 36 villes de districts. Yiwu est devenue une ville de district en 1988 (Lu Lijun, 2008).

La loi passée en 1993 par le Conseil des Affaires d’État a défini le seuil minimum pour créer une ville de district : 120 000 personnes vivant dans un envi-ronnement urbain ainsi que 30 % de la population totale travaillant dans des domaines non agricoles. De plus, la valeur de la production de l’industrie tertiaire doit représenter au moins 20 % du PIB total. Une base nécessaire des infrastructures est également exigée dans l’évaluation de leur création (Li Ping, 2000).

Cette décision a été motivée par une urbanisation à grande vitesse (Tab. 5). Lors de l’établissement de l’État, le niveau d’urbanisation était seulement de 10,6 % alors que la moyenne mondiale était alors de 28 % (Sun Yinjie et Wang Shu, 2009). Le déve-loppement économique a toujours été au centre du travail de l’État. Les résultats étaient visibles au départ mais, à partir de 1958, un déséquilibre entre l’industrie et l’agriculture s’est produit, conduisant à un manque important dans la production agricole. Le processus d’urbanisation a été perturbé temporairement. Pendant treize années, entre 1966 et 1978, sous l’influence de la Révolution Culturelle, on a observé un taux de seulement 0,1 % d’augmentation de l’urbanisation (Xie Qi, 2001). À partir de 1978, soit au début de la réforme et de l’ouverture du pays, marqué par de nouvelles politiques économiques, ce chiffre a augmenté à une vitesse considérable. Accompagnant le développement des régions urbaines, une partie de la main-d’œuvre agricole s’est tournée vers les emplois industriels. De nombreuses entreprises locales ont été créées. Ces facteurs ont mené à la création de villes de district.

Tab. 5 – L’augmentation du niveau d’urbanisation de la Chine entre 1949 et 2001

Source : d’après Xie Qi, 2001, p. 475.

Année Niveau d’urbanisation (%) Année Niveau d’urbanisation (%)

1949 10,6 1978 17,9 1950 11,2 1980 19,4 1957 15,4 1984 23,01 1960 19,8 1990 26,4 1964 14,6 1993 28,14 1966 17,8 1995 30 1970 17,4 2001 36

L’urbanisation a donc stimulé la naissance des villes de districts. En retour, ces dernières ont accéléré l’urbanisation (Fig. 19).

Fig. 19 – Le développement de l’économie du niveau de district entre 2003 et 2012

Source : Zhou Yaohua, 2017

En 2003, le PIB des régions de district était de 6 180 milliards de yuans. Ce chiffre a été multiplié par 3,34 entre 2003 et 2012, entraînant une croissance annuelle de 17,7 %, bien supérieure à celle de la Chine. La même augmentation est observée avec le pourcentage du PIB des régions de districts dans l’économie du pays : de 45,81 % en 2003 à 51,91 % en 2012. En 2010, la valeur de l’économie de niveau de district représentait déjà plus de la moitié de l’économie chinoise, soit 50,28 %, ce qui indique l’importance croissante de ce premier niveau (Zhou Yaohua, Wang Zhenhua

et al., 2017).

Les cent premières villes de district se trouvent dans quatorze provinces (Xie Shouhong et Tan Zhimei, 2015), dont la majorité dans l’est de la Chine, avec 72 villes montrant un niveau de développement économique très avancé. 84,62 % des villes de district du Jiangsu et 81,82 % de celles du Zhejiang, deux provinces côtières plus développées, sont dans le top 100. Pour la Chine centrale, malgré une population importante et une grande quantité de villes de district, seulement cinq figurent dans la liste. Seules dix villes de districts situées à l’ouest de la Chine y apparaissent, soit 15,66 % des villes de district de la région, et treize dans le nord, soit 23,64 % (Xie Shouhong et Zhou Jiayi, 2014).

En outre, malgré leur urbanisation, les petites villes sont encore liées directement au monde rural, ce qui leur permet de faire le lien entre le milieu urbain et rural. Elles peuvent, par la suite, urbaniser des régions restées agricoles. Elles ont donc deux responsabilités : répondre aux échelons supérieurs, et opérer une gestion de proximité de la population. C’est la différence entre des villes de même niveau administratif.

Les villes de districts sont, bien entendu, souvent plus urbanisées que les districts. Elles sont aussi plus développées et possèdent des infrastructures plus complètes. Les autorités des villes de districts doivent non seulement développer les régions rurales, soit le cœur du travail des autorités des districts, mais aussi se concentrer sur la construction économique dans les quartiers urbains (Xu Jianhua, 2004). Elles bénéficient également de politiques plus avantageuses, comme des financements plus importants, que les districts (Li Ping, 2000).

Les villes préfectorales sont le niveau supérieur des régions urbaines. Leur priorité est de renforcer le développement économique urbain alors que les villes de districts, tout en se développant économiquement, s’efforcent de planifier et de créer une structure équilibrée entre l’économie rurale et l’économie urbaine (Xu Jianhua, 2004). Les villes de districts ne prennent pas de décisions, mais les appliquent simplement. Elles travaillent davantage avec des services directement liés à la vie quotidienne des populations que les villes préfectorales, qui s’intègrent dans la création de politiques plus macroscopiques (Li Ping, 2000).