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L’adaptation interculturelle : une rencontre culturelle

L’adaptation interculturelle, une forme d’intégration

6.1 L’adaptation interculturelle : une rencontre culturelle

Chapitre VI

L’adaptation interculturelle, une forme d’intégration

Parler de l’adaptation interculturelle des commerçants africains à Yiwu, c’est tenter de connaître leurs attitudes dans le processus d’acculturation. Vu la grande distance entre les cultures africaine et chinoise, il n’est pas toujours évident de s’adapter dans ce pays lointain. Considérée par Robert E. Park comme une mesure de l’intimité qu’un individu ou un groupe ressent envers un autre individu ou un autre groupe dans un contexte social, ou le niveau de confiance qu’ils se font (Helfgott et al., 2008), la distance culturelle est un élément essentiel dans le processus d’adaptation interculturelle. Elle signifie que les différences culturelles, souvent profondes, compliquent la vie d’un individu dans un pays étranger. La plupart des chercheurs dans ce domaine sont anglo-saxons. Ils se sont efforcés de systématiser les réactions d’un individu dans une telle situation. Leurs recherches respectent majoritairement la transformation chronologique. Divers modèles ont été proposés.

Dans cette thèse, s’intéressant à la capacité d’intégration de la ville de Yiwu, nous avons décidé de nous servir de la théorie bidimensionnelle de Berry, laquelle propose quatre attitudes : la marginalisation, l’assimilation, la séparation et l’intégration. D’un côté, l’ouverture de la société d’accueil (chapitre 3) et l’intégration économique de ces étrangers éliminent la possibilité de l’attitude de marginalisation, et d’un autre côté la forte identité des migrants étrangers, notamment en matière de religion, ainsi que leur motivation principalement économique (chapitre 5) diminue largement la possibilité de l’attitude assimilation. Ainsi, les deux possibilités restantes constituent la partie principale de nos analyses. Notre objectif est de déterminer l’attitude que les commerçants africains ont eue, consciemment ou inconsciemment, durant leur séjour à Yiwu. Cela reflètera, pour partie, la capacité d’intégration de Yiwu. Pour ce faire, il faudra considérer non seulement les caractéristiques individuelles, mais également celles de la société d’accueil.

6.1 L’adaptation interculturelle : une rencontre culturelle

L’expression « adaptation interculturelle » a été proposée en premier par Powell, premier directeur du Bureau de l’ethnologie américaine, en 1880, qui a choisi ce vocabulaire pour parler des changements psychologiques provoqués par des imitations de comportements des personnes venant de l’extérieur d’une culture (Rudmin, 2003). L’expression a ensuite été définie par des anthropologues, (Redfield, Linton et Herskovits, 1936) comme le phénomène où une ou deux cultures se transforment suite à des contacts culturels qui sont continus et directs

entre deux groupes d’individus venant de cultures différentes. Étant une notion complexe, elle a attiré l’attention de nombreux chercheurs et des études ont été réalisées sous différents angles. Des modèles ont été récapitulés pour systématiser les résultats requis.

6.1.1 Un jeu infini

L’adaptation interculturelle est un jeu infini puisqu’il est accompagné par des échanges continus, et également guidé par les caractéristiques culturelles des personnes dans l’interaction (Chen Guoming, 2012). Case a constaté que ce « jeu infini » n’a pas pour objectif de gagner mais plutôt de durer (Case, 1986). Ainsi, nous pouvons dire que l’adaptation interculturelle est bien un processus continu dans l’interaction de deux cultures. Elle signifie un état théorique d’équilibre et de coexistence par des communications verbales et non verbales (Chen Guoming, 2012). Autrement dit, elle est un processus de transformation ayant pour objectif d’appro-fondir la compréhension et le respect mutuel. Une adaptation interculturelle idéale doit respecter le schéma compréhension – respect – acceptation (Chen Guoming, 2012). En 2006, le chercheur américain Berry a proposé une version allant dans la même direction, c’est-à-dire que l’adaptation interculturelle consiste en des change-ments culturels et psychologiques accompagnés par des interactions entre différentes cultures (Berry, Phinney et al., 2006). Cela montre que l’adaptation interculturelle est un processus d’ajustement de l’état psychologique d’une personne.

La perspective n’est pas la même dans un domaine différent. Le psychologue suisse Jean Piaget a proposé sa propre interprétation en analysant la notion sous un angle biologique (Piaget, 1980). Selon lui, l’adaptation, terme d’origine biologique, désigne les changements que les organismes adoptent afin d’augmenter leurs chances de survie dans la nature. L’objectif de l’adaptation est ainsi de trouver un équilibre entre l’organisme lui-même et son environnement. Néanmoins, cet équilibre n’est pas statique. Une fois obtenu, l’équilibre affronte de nouveaux changements et la recherche d’un nouvel équilibre commence. Ce processus d’équilibre–déséquilibre–équilibre est donc ce qu’on appelle une adaptation. Lorsqu’il se réalise dans un contexte interculturel, il est considéré comme de l’adaptation interculturelle.

De plus, les différentes sociétés ou groupes présentent des différences sur des aspects culturels comme la morale, les régulations sociales, les comportements et les idéologies, considérées donc comme des différences culturelles (Zhang Luomeng, 2017 ; Zhang Jinmei, 2008). Ainsi, lorsque des personnes venant de cultures différentes se rencontrent, ces différences culturelles soumettent l’individu à une expérience de conflit en termes de connaissances, d’émotions ou de comportements, qui constituent le processus d’adaptation interculturelle. Il est donc requis de la personne introduite dans une nouvelle culture d’observer, de se familiariser avec cette culture et de s’éloigner de celle d’origine.

6.1.2 Une analyse sous différents angles d’approche : des perceptions variables selon le sujet d’étude

Le début des recherches sur l’adaptation interculturelle était centré sur l’aspect psychologique. En 1903, lors d’un recensement aux États-Unis, 70 % des patients à l’hôpital dans le pays étaient des migrants, malgré leur pourcentage de 20 % dans la population totale (Yang Junhong, 2005). Cela a attiré l’attention des autorités locales, et c’est ainsi que l’intérêt pour l’adaptation des immigrants a émergé. D’autres pays, où la population immigrée était grande, comme le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada, l’Allemagne et l’Afrique du Sud, ont participé à cette recherche. De fait, le début de cette recherche répondait plutôt à un besoin politique, et pas seulement à une curiosité scientifique.

Avec la découverte de l’ampleur des problèmes psychologiques affectant les immigrants (comme l’angoisse ou la dépression), des chercheurs se sont tournés vers l’origine de ces problèmes. Ils ont souhaité connaître les causes de ces réactions négatives. Le manque d’accès à leur objet de recherche les a obligés à rester relati-vement théoriques. Cette situation s’est améliorée après les années 1980, lorsque la fréquence des échanges culturels dans le monde a fortement augmenté (Yang Junhong, 2005). Depuis, la recherche est entrée dans une nouvelle phase. Les chercheurs possèdent bien plus de ressources qu’avant. Ils travaillent également sur un panel plus varié : étudiants, réfugiés, expatriés internationaux ainsi que touristes.

Pendant cette période, davantage de méthodes scientifiques ont été introduites, comme les questionnaires, les entretiens, les analyses statistiques. La recherche ne s’est pas non plus limitée à la psychologie (Yang Junhong, 2005). Des chercheurs en anthropologie, sociologie ou même linguistique ont rejoint ces recherches sur l’adaptation interculturelle, ce qui a permis d’élargir l’échelle des études ainsi que leur profondeur.

Toutes les personnes qui passent d’une culture à l’autre vivent une expérience interculturelle. La catégorisation de la population totale peut éclaircir nos recherches. Brislin (1981) a proposé une division en quatorze types : étudiants étrangers, expatriés commerciaux à l’étranger, diplomates ou employés de l’ambassade, interprètes des organisations internationales, personnels techniques basés à l’étranger, membres d’associations, militaires étrangers, chercheurs dans une coopération internationale, voyageurs, personnes de groupes ethniques différents, personnes qui participent à des interactions entre différentes ethnies (par exemple les summer-camps, une commu-nauté forcée au déplacement par les autorités, ou les étudiants qui vivent dans un environnement international).

D’autres catégorisations sont moins précises. Par exemple, Kim a proposé deux échelles pour étudier l’adaptation interculturelle : individuelle et en groupe (Kim, 1988). D’un côté, les anthropologues cherchaient à comprendre, à travers les différences culturelles, ce qui a favorisé l’adaptation en tant que groupe. Les socio-logues s’intéressaient plus aux changements de la structure sociale, aux fondements économiques et à l’administration politique (Berry, 1992). D’un autre côté, des recherches se sont centrées sur les individus dans une nouvelle culture et leurs

ajustements psychologiques à une culture étrangère. Les observations des réactions et interactions des individus peuvent expliquer et aider à comprendre les processus identiques dans différentes populations : immigrants, séjournants à court terme, réfugiés. Cette logique est souvent utilisée dans les domaines de la psychologie et de la communication (Chen Guoming, 2012).

L’autre échelle, celle qui se concentre sur les groupes, est apparue au début du 20e siècle, sous la conduite des anthropologues et sociologues. Le point d’intérêt le plus important est le processus d’adaptation interculturelle à la suite d’échanges entre groupes culturels différents. Cela peut engendrer des changements dans une culture, voire les deux en même temps, concernant leurs identités culturelles ou leurs valeurs. Les sociologues, de leur côté, accordent plus d’attention à la division des pouvoirs ou des ressources dans ce processus. Par exemple, de nombreuses publications en sociologie ont montré comment une population minoritaire arrive à s’intégrer dans le système du courant principal (Chen Guoming, 2012).

Pour étudier d’une façon plus efficace, beaucoup de chercheurs croient que l’adaptation interculturelle possède deux dimensions : l’adaptation psychologique et l’adaptation sociale (Ward, 1992). Ward a analysé la théorie de l’adaptation culturelle sous un angle bidimensionnel : l’adaptation psychologique et l’adaptation culturelle et sociale.

Selon son équipe, l’adaptation psychologique est fondée sur les réactions émotionnelles, soit le niveau de satisfaction psychologique dans la vie quotidienne. Une bonne adaptation psychologique est souvent accompagnée par des états mentaux positifs. En même temps, les états mentaux négatifs comme la dépression, l’angoisse, la solitude, la nostalgie diminuent ou disparaissent complètement. L’adaptation culturelle et sociale signifie la capacité à s’adapter à l’environnement local, surtout sous l’aspect culturel et social, c’est-à-dire si un individu est capable de fréquenter les personnes provenant de la culture locale.

Après de nombreuses études et analyses, Ward a soulevé trois éléments majoritaires qui influencent le niveau d’adaptation psychologique : les caractéristiques de la personnalité, les changements de vie et le soutien social ; ainsi que ceux qui ont le plus d’impacts sur le niveau d’adaptation culturelle et sociale : la durée du séjour dans le nouvel environnement, la distance sociale et la fréquence des interactions avec des personnes de la société locale (Wang Lijuan, 2011).

Dans mes échanges avec la population étrangère de Yiwu, plus spécifiquement la population africaine, une distance assez importante a été observée entre les enquêtés et moi. Il était donc très difficile de leur poser des questions plutôt intimes comme sur leur personnalité, leurs sentiments profonds et leurs ressentis réels. Il était également inutile de les forcer, car un retour direct et sincère de la part des interviewés était la base de notre recherche. Nous avons donc décidé de porter l’attention plus sur leur adaptation culturelle et sociale et moins sur l’aspect psychologique dans cette étude.

6.1.3 Construire une typologie des modèles

Afin de nous orienter dans notre analyse, nous nous appuyons sur les modèles qui sont établis et reconnus. Leurs contenus nous permettent de comprendre comment les chercheurs ont évolué dans leurs recherches et nous aident à orienter nos réflexions.

Le modèle de l’apprentissage considère que le processus d’adaptation inter-culturelle est un processus d’apprentissage. Le chercheur le plus connu dans le développement de cette théorie est Gudykunst (Gudykunst, 2004). Selon lui, les paroles, les gestes, les expressions et les normes sont une partie de la culture. Ainsi, lorsqu’on se confronte à une nouvelle culture, tous ces éléments autrefois familiers disparaissent. La confrontation à de nouvelles normes constitue un problème, et trouver la réponse demande du temps. Les individus, dans cette nouvelle culture, risquent donc d’être perdus.

Pour faire face à cette « incertitude » et à cette « angoisse », un apprentissage est nécessaire, pour tenter de comprendre comment fonctionne cette société inconnue, et pouvoir participer aux interactions avec les locaux. Pour Gudykunst et Hammer (1988), huit facteurs sont déterminants pour connaître le niveau de cette incertitude et de cette angoisse : le soutien social local, le réseau social partagé, l’attitude des résidents locaux, les modes d’interactions favorisés, les stéréotypes, la reconnaissance culturelle, les similarités culturelles et le niveau dans la deuxième langue.

Nous pouvons donc dire que l’adaptation interculturelle est un processus d’apprentissage des normes de la société dans laquelle on vit. Ainsi, pour s’adapter à cette nouvelle culture, il est préférable que le séjournant puisse recevoir un soutien social dans le pays où il réside, avoir des amis locaux, que la société locale soit bien intentionnée avec les personnes de l’extérieur, que les deux parties partagent des comportements similaires, que le séjournant reconnaisse et apprécie la culture locale, avec un niveau suffisant de la langue locale. Cela permet à l’individu d’obtenir des compétences pour la communication interculturelle, ce qui requiert trois conditions : la compréhension, la sensibilité, et l’efficacité interculturelle. De cette manière, un individu peut facilement apprendre la nouvelle culture puis être mieux intégré.

Le modèle cognitif propose une réflexion différente. Les chercheurs qui défendent cette théorie pensent qu’un individu reste dans un état très stable lorsqu’il n’est pas influencé par l’extérieur. Cette stabilité serait donc brisée par la confron-tation à des cultures étrangères. Les habitudes anciennes n’existent plus, remplacées par de nouvelles qui sont inconnues. Ce changement dans différents aspects de la vie (cognitif, comportemental et sentimental) mène à du stress, suivi par un déséquilibre intérieur. Les individus doivent donc s’efforcer de trouver une solution qui leur permette d’avoir l’esprit tranquille.

Pour systématiser ces idées, Kim a considéré l’adaptation interculturelle comme le processus d’ajustement et de développement d’un individu ou d’un groupe dans une autre culture (Kim, 2001). Ce processus occupe une longue période non linéaire. De fait, les différents états mentaux, l’angoisse, le stress, l’ajustement, l’avancement forment une spirale. Lorsque l’individu se sent stressé, il s’éloigne légèrement de la culture locale et y retourne quand le stress disparaît. La répétition continue de ce

processus peut mener à l’acculturation. Son rythme dépend de plusieurs facteurs : la fréquentation de la culture locale, le niveau de communication avec la société, le niveau d’acceptation des cultures étrangères, le niveau d’ouverture d’esprit ainsi que la capacité de rétablissement psychologique.

Fig. 52 – Stress-adaptation-growth dynamics

Source : Kim, 2001, p. 57.

Ainsi, ce modèle ne se focalise pas sur les sentiments des individus mais plutôt sur les changements dans leur vie sociale : leurs espérances, leurs attitudes et leurs valeurs. Dans les conflits interculturels que l’individu rencontre entre sa culture d’origine et la culture locale, il remet en question sa propre position culturelle : soit il abandonne complètement la première culture pour s’insérer dans la nouvelle, soit il nie la culture locale pour se renforcer dans sa propre culture. Ces réflexions influ-encent la mentalité de la personne et déterminent donc le niveau de son adaptation interculturelle. Lorsque les séjournants sont satisfaits de leurs expériences culturelles, ils peuvent trouver l’équilibre afin de parvenir à l’adaptation interculturelle (Ward, Bochner et al., 2005).

La quête de cet équilibre est analysée plus chronologiquement par d’autres chercheurs, qui ont ensuite proposé le modèle du rétablissement. Le chercheur le plus reconnu pour ce modèle est Lysgaard, qui a développé la théorie de la courbe en « U » et en « W » (Lysgaard, 1955), reprise et développée par d’autres (Ward, Okura, Kennedy et al., 1998). L’idée principale est que l’adaptation interculturelle, processus évolutif, commence par une excitation, suivie par des crises et s’achevant par une adaptation graduelle à la nouvelle culture. Lors de son étude sur le processus d’adap-tation interculturelle de 200 chercheurs norvégiens aux États-Unis, il a pointé un phénomène intéressant : ceux qui sont restés pendant moins de six mois ou au contraire plus de dix-huit mois se sont bien mieux adaptés que les chercheurs restés entre six et dix-huit mois. Il a donc divisé le processus d’adaptation interculturelle en quatre phases : la lune de miel, la crise, l’ajustement et le biculturalisme.

Fig. 53 – Modèle en « U »

Source : Lysgaard, 1995.

§ La phase de la lune de miel

La première phase (euphoria stage) est le moment où l’individu ne voit la culture locale qu’en rose : tout est intéressant et il est plein d’effervescence. Dans cette phase, même si les différences culturelles existent, la curiosité et l’enthousiasme pour la nouvelle expérience rendent les personnes aveugles aux problèmes potentiels. Elles préfèrent se concentrer sur les aspects communs pour renforcer leur identité culturelle. Des obstacles mineurs comme le décalage ou l’angoisse peuvent exister mais ils sont vite remplacés par l’euphorie.

§ La phase de crises

C’est également une phase d’hostilité ou de frustration. Après l’euphorie initiale, les migrants commencent à faire face aux défis de la nouvelle culture. Les grandes différences culturelles, qui ne peuvent être cachées plus longtemps, commencent à surgir. Les anciennes habitudes, façons de penser et d’agir et normes sociales ne fonctionnement plus et l’individu se sent confus, perdu et frustré face à la situation. Les problèmes auparavant négligés deviennent soudain plus grands que prévu et ne sont plus supportables. Cela influence beaucoup l’état mental de la personne, menant à une perte de confiance et de dignité. Les influences négatives affectent son état physique et psychologique : dépression, choc culturel, solitude, nostalgie. Cette phase est inévitable pour toute personne vivant dans une culture différente de la sienne. C’est également pendant cette phase que les individus choisissent leur propre stratégie pour affronter les difficultés dans l’adaptation interculturelle.

§ La phase d’ajustement

Après avoir appliqué des stratégies différentes, les migrants commencent à retrouver leur chemin dans la culture étrangère. Ils essaient d’apprendre la nouvelle culture à travers la langue, les normes sociales et comprennent petit à petit comment

réagir dans différentes situations. Même si les problèmes persistent, ils se sentent plus en confiance car ils croient pouvoir les régler avec de l’apprentissage et du temps. Pendant cette phase, les individus commencent à nourrir une certaine affection pour la culture locale et peuvent la comparer à leur culture d’origine. Ils se sentent plus à l’aise, et deviennent également plus autonomes.

§ La phase biculturelle

Enfin, le biculturalisme est la dernière phase du modèle de la courbe en « U ». La personne, ayant déjà beaucoup appris sur la nouvelle culture, est capable de travailler et de s’amuser dans ce nouvel environnement, sans être mal à l’aise. Elle ne ressent plus de choc. Dans cette phase, elle possède des connaissances et de l’affection pour les deux cultures, dont les différences deviennent de moins en moins claires. Adler a indiqué que cette phase est marquée par des attitudes et comportements indépendants de la culture maternelle (Adler, 1975). Ainsi, l’individu se sent plus libre, autonome et en sécurité, intérieurement et extérieurement.

Selon Lysgaard, une bonne adaptation interculturelle crée n sentiment de sécurité et une expérience satisfaisante pour l’individu. En revanche, si le processus d’adap-tation interculturelle n’est pas satisfaisant, l’individu doit attendre plus longtemps pour être intégré (Lysgaard, 1955). C’est pourquoi tout le monde ne passe pas par ces quatre étapes. Seuls ceux qui arrivent à la dernière phase revêtent une personnalité multiculturelle.

Fig. 54 – Modèle en « W »

Source : Gullahorn. J.T. et Gullahorn. H.E., 1963.

Ce processus finit lorsque l’individu est bien adapté et décide de rester dans le nouveau pays. Néanmoins, ceux qui décident de rentrer dans leur pays natal doivent, la plupart du temps, se confronter de nouveau au processus d’adaptation interculturelle car ils ont changé durant leur séjour. Gullahorn a fait évoluer la théorie de la courbe en « U » en proposant la théorie de la courbe en « W » (Gullahorn, 1963). Cette nouvelle théorie, basée sur celle de Lysgaard, affirme que les personnes, ayant déjà vécu dans une culture

étrangère, vivent de nouveau la courbe en « U » à leur retour au pays natal. Ce processus est peut-être moins difficile que le premier car elles sont habituées à leur culture d’origine,