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Vue générale des trente parsecs centraux

6.3 Contraindre l’activité passée de Sgr A ? grâce aux observations

7.1.1 Vue générale des trente parsecs centraux

Sgr A est la région de la zone moléculaire centrale la plus proche de Sgr A? en projection. Elle est constituée de nombreux nuages de densités variables et dont la structure et la dynamique sont relative-ment complexes. La Figure 7.1 (haut) présente une vue de la région par le traceur moléculaire N2H+. Cette carte met en avant les structures moléculaires les plus intenses en chaque point du ciel. De part et d’autre du trou noir se trouvent deux nuages très massifs nommés 50 km/s et 20 km/s, en raison des bandes de vitesses respectives dans lesquelles ils sont détectés (cf. Section 2.1.2). Le reste de la matière se situe principalement à l’est Galactique, entre Sgr A?et l’Arc Radio (structure verticale visible à des fréquences à partir de 330 MHz et jusqu’à 40 GHz, à environ 0.15en longitude Galac-tique, cf. Figure 2.4). Cette région précise constitue le complexe Sgr A et correspond à l’intersection du signe ∞ proposé par Molinari et al. (2011) pour modéliser la structure de la zone moléculaire centrale (cf. Figure 6.5).

Notre étude s’intéresse aux traces du passé récent de Sgr A?et donc à la composante de réflexion du signal, mise en évidence par une émission importante à 6.4 keV. Afin de visualiser la distribution de l’émission du fer neutre Fe Kα à l’intérieur du complexe Sgr A, j’ai construit une carte regroupant toutes les données Chandra disponibles de 1999 à 2011. Le temps d’exposition disponible pour l’an-née 2002 est très important et les donl’an-nées acquises cette anl’an-née là tendent donc à dominer la mosaïque en flux (cf. Table 3.2). Afin d’obtenir une exposition comparable pour toutes les années, nous avons

FIGURE7.1 – (Haut) Carte correspondant au maximum d’émission de la molécule N2H+, transition J =1–0, construite à partir des données Mopra (relevé de la zone moléculaire centrale, Jones et al., 2012). L’ensemble de la région présente une grande quantité de matière et les cœurs les plus brillants sont notamment identifiés par des ellipses. Il s’agit des deux sous-nuages de la structure du Bridge, Br1 et Br2 et des deux nuages 20 km/s et 50 km/s. (Bas) Carte en flux de l’émission Fe Kα à 6.4 keV, réalisée à partir des données Chandra et soustraite du continu. La mosaïque regroupe les observations de 1999 à 2011 et a été lissée à l’aide d’un noyau gaussien de 4 arcsec (parmi les observations de l’année 2002, seule l’observation 3392 a été conservée, afin de garder une couverture temporelle aussi uniforme que possible). L’émission de la région est principalement distribuée à l’intérieur de cinq structures distinctes appelées MC1, MC2, Br1, Br2 et G0.11–0.11, mais des structures émettant plus faiblement sont également visibles. La région des Arches n’est pas suffisamment exposée pour permettre une analyse Chandra. Notons également que les nuages 20 km/s et 50 km/s n’émettent aucun signal significatif à 6.4 keV.

FIGURE 7.2 – Trois cartes correspondant à la transition J =1–0 de la molécule N2H+ obtenues grâce aux données du relevé Mopra de la zone moléculaire centrale (Jones et al., 2012). Les images ont été intégrées sur différents intervalles de vitesse afin de mettre en évidence les structures cohérentes. Les régions identifiées dans la carte à 6.4 keV ont été superposées à ces cartes : elles apparaissent dans trois bandes de vitesse différentes. Le nuage moléculaire associé à l’amas des Arches apparaît dans une quatrième bande de vitesse, autour de –25 km s−1, non représentée ici (cf. Section 8.2).

donc décidé de garder uniquement l’observation 3392 pour l’année 2002. Ceci nous permet de dé-terminer proprement toutes les régions ayant émis, au moins partiellement, entre 1999 et 2011. Les régions brillantes à l’intérieur du complexe Sgr A (MC1, MC2, Br1, Br2 et G0.11–0.11), ainsi que la région correspondant à l’amas des Arches (cf. Section 8.2) sont identifiées par des ellipses dans la Figure 7.1 (bas). La nomenclature des nuages est similaire à celle utilisée par Ponti et al. (2010, cf. Figure 7.3), à l’exception de la région du Bridge qui est maintenant divisée en deux nuages : Br1 et Br2. Outre ces régions brillantes, un niveau d’émission plus faible est visible, il est principalement constitué de deux gros filaments s’étendant depuis MC1, l’un vers le nord et l’autre vers l’amas des Arches. Un troisième filament encore plus faible, s’étendant au sud de MC2 et Br1, semble également présent. A partir de cette carte, il est clair qu’une fraction significative de la région a été illuminée pendant au moins une partie de la dernière décennie, même si les deux nuages 50 km/s et 20 km/s n’ont, eux, aucune contrepartie en rayons X.

Corrélation de l’émission X avec les structures moléculaires

En suivant la méthode de Ponti et al. (2010), j’ai utilisé les données de raies moléculaires pour iden-tifier les régions émettant en rayons X et corrélées avec des structures moléculaires cohérentes. La molécule N2H+ est un excellent traceur des nuages denses et froids ; c’est également elle qui est le mieux corrélée avec la distribution d’émission X vue dans le complexe Sgr A. Cette corrélation n’est pas vraiment évidente sur la carte du pic d’émission présentée à la Figure 7.1. C’est pourquoi nous avons utilisé le cube de données correspondant à la transition J =1–0 du N2H+ pour créer les trois cartes présentées à la Figure 7.2, en intégrant le signal de la molécule N2H+sur différentes bandes de vitesse permettant d’identifier les principaux nuages illuminés. Les données sont issues du relevé de la zone moléculaire centrale réalisé avec Mopra (Jones et al., 2012), et ont une résolution angulaire de 40 arcsec.

Les régions de Sgr A identifiées sur la carte Chandra de la raie Fe Kα sont clairement visibles dans les cartes Mopra mais dans différentes bandes de vitesse. Les nuages MC1 et MC2 sont visibles autour de –10 km s−1. Pour ces deux nuages, la carte N2H+ et la mosaïque des données X entre

1999 et 2011 (Figure 7.1, bas) montrent des structures très similaires, avec notamment un cœur dense au sud-est de la région MC2 et relié à MC1 par une structure fine. Le nuage G0.11–0.11 est visible autour de +20 km s−1 et l’émission N2H+ met en évidence deux structures verticales allongées qui sont également visibles dans la carte des données X intégrées entre 1999 et 2011. Les deux parties de la région du Bridge, Br1 et Br2, sont visibles autour de +50 km s−1. A partir des données des raies moléculaires, nous pouvons conclure qu’il y a trois structures cohérentes distinctes. Leur position sur la ligne de visée et leur densité de colonne respectives ne peuvent pas être déduites de ces cartes (cf. Section 2.2) ; elles seront discutées avec les différentes interprétations relatives à l’origine de la réflexion X dans ces structures à la Section 9.3.

Les études précédentes

Quatre études se sont déjà intéressées à la région du complexe Sgr A avec l’objectif de contraindre l’émission passée de Sgr A?. Nous allons résumer les résultats de chacune d’entre elles dans l’ordre chronologique. La première étude a été réalisée avec des données Chandra (observations en 2002, 2004 et 2005, Muno et al., 2007). Elle a mis en évidence des variations dans les structures correspon-dant aux nuages MC1 et MC2, en utilisant les cartes de l’émission entre 4 et 8 keV. Les variations dans la raie Fe Kα n’étaient alors pas significatives. Deux régions très proches montrant des varia-tions opposées avaient amené les auteurs à conclure qu’un événement court, de l’ordre de 2–3 ans, et relativement intense, L2-10keV ∼ 1038erg s−1, se propageait dans ces structures filamentaires. La seconde étude est une analyse spectrale de la région du complexe Sgr A réalisée à l’aide des données du satellite japonais Suzaku (Nobukawa et al., 2010). Elle a permis la découverte des raies Kα cor-respondant à des éléments plus légers que le nickel et le fer déjà détectés, à savoir le manganèse, le chrome, le calcium et l’argon (cf. Table 6.1). L’étude des caractéristiques précises de ces raies semble favoriser une irradiation par une source unique, probablement Sgr A?, comme origine de l’émission.

Les deux études les plus récentes utilisent les données du satellite XMM-Newton pour mettre en évi-dence les variations dans la région (observations en 2002, 2004, 2007, 2008 et 2009, Ponti et al., 2010; Capelli et al., 2012). La Figure 7.3 montre les régions étudiées par Ponti et al. (2010), super-posées à la mosaïque que nous avons réalisée en combinant toutes les données XMM disponibles de 2000 à 2012 (cf. Table 3.3). Comme sur la carte Chandra, la majeure partie de l’émission à 6.4 keV se situe dans le complexe Sgr A, tandis que les nuages 20 km/s et 50 km/s ne présentent pas d’émis-sion visible dans cette raie. L’analyse spectrale des régions brillantes a montré que leur émisd’émis-sion était compatible avec une composante de réflexion. D’autre part, l’étude des variations à l’échelle des nuages a permis de mettre en évidence une augmentation du signal dans la région du Bridge, une diminution dans la structure G0.11–0.11 et une émission constante dans MC1 et MC2. Certaines des courbes de lumière publiées dans Ponti et al. (2010) seront comparées aux données Chandra dans la Section 7.1.2 (Figures 7.6 et 7.7). Le résultat majeur de cette étude a été la mise en évidence d’une propagation apparente superluminique du signal dans la région du Bridge, de l’ouest vers l’est Galactique. Cette particularité prouve que les variations observées ne sont pas liées à des variations physiques de l’émission mais à leur projection sur des structures moléculaires distantes. Ceci est donc la première preuve que la source responsable de l’émission se situe à l’extérieur des nuages (Sunyaev & Churazov, 1998). De plus, toute l’émission détectée dans le complexe Sgr A ainsi que dans Sgr B2 reste compatible avec l’illumination par un seul événement passé émanant de Sgr A?. Dans ce cas, l’événement est long (quelques centaines d’années), intense (environ 1039erg s−1) et s’est terminé il y a environ un siècle. La parabole d’un tel événement ainsi que la distribution de matière déduite de ce scénario sont présentées sur la Figure 7.4. L’étude menée par Capelli et al. (2012) sur des régions

FIGURE7.3 – Carte en flux de l’émission Fe Kα à 6.4 keV, réalisée à partir des données XMM et soustraite du continu. La mosaïque regroupe les observations de 2000 à 2012 et a été lissée à l’aide d’un noyau gaussien de 10 arcsec. Les régions étudiées par Ponti et al. (2010) sont indiquées par des ellipses, et les courbes de lumière produites dans les régions indiquées en vert sont présentées aux Figures 7.6 et 7.7. La région des Arches, également indiquée ici, sera étudiée plus en détail à la Section 8.2. La soustraction du continu réalisée ne permet pas de supprimer la contribution de plusieurs binaires dont AX J1745.6–2901, la plus brillante, située environ 1.4 arcmin à l’ouest de Sgr A?.

semblables a mis en avant les mêmes variations (excepté pour MC2 dont l’émission est significative-ment décroissante dans cette seconde étude), mais l’interprétation des variations en termes d’activité passée du trou noir est néanmoins très différente. Elle utilise une distribution différente des nuages le long de la ligne de visée, déterminée par l’intermédiaire de la largeur équivalente de la raie d’émis-sion à 6.4 keV (cf. équation 6.13). Les auteurs reconstruisent ainsi une partie de la courbe de lumière du trou noir de ces 150 dernières années, pendant lesquelles la luminosité de Sgr A? ne dépasse pas, selon eux, 1038erg s−1.

Dans un premier temps nous nous intéressons à la caractérisation des variations grâce à l’analyse des données Chandra et puis nous discutons, dans le Chapitre 9, des différentes interprétations quant à l’origine de l’émission.