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Spectre de réflexion

5.4 Résumé

6.1.4 Spectre de réflexion

Le spectre de réflexion d’un nuage illuminé par un rayonnement de haute énergie est constitué d’une composante continue créée par les processus de diffusion ainsi que des raies de fluorescence. Des exemples de spectres de réflexion sont présentés à la Figure 6.3 ; ils ont été calculés à partir d’un spectre incident en loi de puissance et rendent compte de géométries et de densités de matière diffé-rentes. De manière générale, à haute énergie, ces spectres présentent une pente identique à celle du spectre incident tandis qu’à basse énergie cette composante continue est d’avantage absorbée. Le pro-cessus d’absorption photoélectrique est également responsable de zones d’absorption très localisées qui correspondent aux seuils K de divers atomes, dont celui du fer neutre à 7.1 keV. Enfin, le phéno-mène de fluorescence crée des raies d’émission superposées à la composante continue du spectre et, en particulier, la raie de fluorescence Fe Kα à 6.4 keV qui domine le spectre.

Les caractéristiques précises du spectre dépendent de la configuration géométrique du nuage par rapport à la source ainsi que des propriétés intrinsèques du nuage moléculaire. Ainsi, plus le nuage est dense, plus la composante de basse énergie est absorbée et plus les raies de fluorescence sont intenses (cf. Figure 6.3, gauche). Les modifications ne sont néanmoins pas linéaires puisqu’à partir de certaines valeurs de densité, les diffusions multiples ne sont plus négligeables. Ces dernières augmentent alors la longueur moyenne de parcours dans le nuage et donc la probabilité pour les photons d’être absorbés. Une partie du signal de réflexion créé par le nuage est alors auto-absorbée et n’est donc pas détectable. Par ailleurs, la forme spectrale dépend également de la position du nuage étudié par rapport à la source (cf. Figure 6.3, droite). La quantité d’absorption à basse énergie est ainsi plus importante si le nuage est placé en avant du trou noir. En effet, le rayonnement incident doit alors traverser l’intégralité du nuage avant de nous parvenir alors que pour un nuage en arrière du trou noir, la majorité des photons sont simplement réfléchis par la surface de la structure.

FIGURE 6.3 – Allure du spectre de réflexion calculé pour des nuages moléculaires sphériques de différentes densités et entièrement éclairés sous différents angles d’incidence. Le modèle utilisé suppose que le rayonne-ment incident a un spectre en E−2. Ce rayonnement est en partie absorbé et en partie diffusé par les nuages considérés. Le spectre résultant est donc constitué d’une composante continue et de raies de fluorescence cor-respondant aux éléments atomiques, notamment les raies Kα et Kβ du fer neutre créées par les atomes de fer interagissant avec les photons d’énergie supérieure au seuil K du fer, à 7.1 keV. (Gauche) Comparaison de deux spectres produits par des nuages en incidence normale et de densités différentes. Une densité plus élevée (spectre rouge) augmente le flux du rayonnement diffusé mais est également responsable d’une plus grande ab-sorption du signal, notamment à basse énergie. (Droite) Comparaison de deux spectres produits par des nuages de même densité mais éclairés sous des incidences différentes. Un nuage en arrière du trou noir (spectre noir) présente un spectre moins absorbé du fait que la majorité du signal observé provient de la surface du nuage et n’est donc pas affectée par l’épaisseur optique de ce dernier.

Cas d’un nuage optiquement mince

A une énergie donnée, un nuage est dit optiquement mince si son épaisseur optique est inférieure à l’unité. Dans ce cas, l’influence des diffusions multiples peut être négligée. En pratique, les structures moléculaires dont la densité de colonne en hydrogène est inférieure à 6 × 1023cm−2 peuvent être considérées comme optiquement minces pour les photons d’énergie 6.4 keV ou supérieure. Le flux contenu dans la raie du fer peut alors être calculé en fonction du spectre incident et des paramètres des nuages. Considérons le cas particulier d’un nuage sphérique de rayon R, présenté à la Figure 6.4, et qui se trouve à une distance d de la source d’illumination, Sgr A?. Ce nuage ne reçoit donc qu’une fraction Ω = (R/2 d)2du flux total émis par la source. La fraction de photons absorbée par les atomes de fer au niveau du seuil K est donnée par l’opacité τK du nuage (cf. équation 6.3), tandis que la fraction ré-émise dans la raie du fer est, elle, donnée par le coefficient fFe

fluo(cf. Table 6.1). Les photons étant ensuite diffusés dans toutes les directions, seule une fraction1/4πD2est reçue par l’observateur. Le flux mesuré dans la raie du fer est donc donné par l’équation (6.7),

F6.4keV = ffluoFe 4πD2 Z EK σFe(E) δFeNcH dNph dE dtdE, (6.7)

où Nph est le nombre de photons émis par la source et σFe(E) la section efficace d’absorption du fer dont l’expression a été donnée dans l’équation (6.1). Afin de déterminer la quantité de photons

absorbée au niveau du seuil K, il faut également connaître le spectre de la source responsable de l’illumination. En supposant que le rayonnement incident a un spectre en loi de puissance de la forme

E−α, l’expression du flux mesuré devient alors celle de l’équation (6.8),

F6.4keV= ffluoFe 4πD2 δFeNcH Z EK N σK  E EK −3−α dE, (6.8)

où N est un coefficient de normalisation du flux différentiel émis par la source qui est également lié à la luminosité du trou noir par l’équation (6.9),

LE1-E2 = Z E2 E1 N  E EK −α E dE. (6.9)

En intégrant et en combinant les deux équations précédentes, pour un spectre incident en E−2 géné-ralement considéré, il est possible d’exprimer le coefficient de proportionnalité entre le flux mesuré dans la raie Fe Kα et la luminosité du trou noir entre 2 et 10 keV. Il dépend des paramètres du nuage analysé et est exprimé dans l’équation (6.10),

F6.4keV= ffluoFe τK

4 EK ln(5) Ω

4πD2 L2-10keV, (6.10)

où les constantes EK, τK et ffluoFe sont données ou peuvent êtres calculées en fonction des valeurs indiquées dans la Table 6.1. Considérons le cas particulier d’un nuage optiquement mince entièrement illuminé et situé au centre Galactique à une distance D ∼ 8 kpc. En supposant que le nuage ait une abondance solaire, le flux dans la raie Fe Kα peut alors être calculé directement en fonction des paramètres du nuage : son rayon R, sa densité de colonne NcHet sa distance à la source d,

F6.4keV ∼ 4.6 × 10−5  NcH 1023cm−2   R 1 pc 2 d 20 pc −2 L2-10keV 1039erg s−1  ph cm−2s−1. (6.11)

Par un raisonnement similaire, il est également possible d’exprimer le signal résultant des processus de diffusion à une énergie donnée, par exemple à 6.4 keV,

S6.4keV= 3 τT 4 (1 + cos 2θ) 4πD2N 6.4 keV EK −α , (6.12)

L’opacité du nuage τT relative au processus de diffusion de Thomson (cf. Section 6.1.3) est indépen-dante de l’énergie considérée mais dépend de l’angle de diffusion (θ =π/2+ arctan (z/dproj), cf. Fi-gure 6.4). La largeur équivalente (EW, Equivalent Width) des raies de fluorescence est définie comme le ratio entre le signal contenu dans la raie et le signal contenu dans le continu sous-jacent, c’est-à-dire, EW6.4keV = F6.4keV S6.4keV 1.2 1 + cos2θ  δFe 3.23 × 10−5  keV. (6.13)

Cette quantité n’est donc pas isotrope et peut, entre autre, donner une information sur la géométrie du système considéré. Elle doit néanmoins être interprétée avec précaution puisqu’elle dépend également de l’abondance en fer du nuage et est affectée par les processus d’absorption qui ont été négligés ici.

FIGURE6.4 – (Gauche) Réflexion du rayonnement de Sgr A?sur un nuage moléculaire sphérique. L’émission réfléchie par le nuage peut être exprimée en fonction de la luminosité et de la forme spectrale de l’émission passée de Sgr A?, sous réserve de connaître les paramètres du système. d est la distance du nuage au trou noir. Elle peut s’exprimer en fonction de la distance projetée dprojet de la distance le long de la ligne de visée z. La fraction d’angle solide Ω correspondant à la fraction de signal interceptée par le nuage vaut (R/2d)2où R est le rayon du nuage considéré. NcHest la densité de colonne du nuage et D est la distance entre les nuages au centre de la Galaxie et l’observateur, soit environ 8 kpc. (Droite) Paraboles correspondant aux régions illuminées par un événement de 2 ans s’étant terminé il y a 30 ans (bleu) et par des événements de 50 ans s’étant terminés il y a 120, 320 et 520 ans (nuances de rouge). La largeur de la parabole augmente avec l’abscisse : elle vaut ∆z = c∆t/2en dproj = 0 et ∆dproj = c∆t en z = 0. Les deux disques noirs représentent des nuages de 2 pc de rayon qui sont notamment utilisés dans la Figure 6.8. Ils sont tous les deux entièrement illuminés par l’événement long s’étant terminé il y a 120 ans. Les cercles noirs représentent quatre nuages se trouvant à 20 pc du trou noir en distance projetée et ayant un rayon de 1 ou 10 pc. Les courbes de lumière relatives à ces quatre configurations sont présentées à la Figure 6.7.

Cas d’un nuage optiquement épais

Dans le cas où les diffusions multiples ne peuvent pas être négligées (NH& 6×1023cm−2), le spectre est plus complexe à obtenir. Pour chaque photon, il faut alors prendre en compte la probabilité de diffusion (ou d’absorption puis de fluorescence), ainsi que la direction du photon après l’interaction. Ceci doit être fait pour une succession d’interactions décrivant le parcours du photon dans le nuage. Le spectre de réflexion correspond ensuite à l’intégration des photons sortant du nuage dans la direction de l’observateur (cf. Odaka et al., 2011, pour un exemple de simulation Monte Carlo). En pratique, le spectre est davantage absorbé que dans le cas optiquement mince, et les raies de fluorescence sont accompagnées de raies satellites et d’une bosse Compton (cf. Figure 6.2, droite). Une partie du signal émis dans la raie de fluorescence du fer neutre à 6.4 keV est donc ré-émise à plus basse énergie (en raison des processus de diffusion ou de fluorescence d’atomes plus légers), ou complètement absorbée par effet Auger. Ainsi, pour des densités très élevées, l’équation (6.7) n’est plus valide et l’intensité de la raie de fluorescence est d’autant plus faible que la densité du nuage est élevée.