• Aucun résultat trouvé

Emission de haute énergie de la zone moléculaire centrale

Comme spécifié au début de la Section 2.2, la zone moléculaire centrale est brillante dans le domaine des rayons X. Nous décrivons tout d’abord les principales composantes de cette émission, dans la bande d’énergie 2–10 keV et à plus haute énergie, ainsi que quelques structures notables. Pour de plus amples détails, il est possible se référer à Muno et al. (2004), Park et al. (2004) ou Ponti et al. (en préparation). Nous nous intéressons ensuite à l’origine de l’émission non thermique visible dans les régions centrales.

2.3.1 Description de l’émission visible en rayons X et à plus haute énergie

En rayons X, l’émission du centre Galactique est dominée par les sources ponctuelles, notamment les binaires X, mais elle comporte également une composante diffuse très structurée et d’origines variées. Une carte trois couleurs présentant l’émission de la région dans la bande d’énergie 0.5–12 keV est présentée sur la Figure 2.7 (haut).

Sources ponctuelles en rayons X

En rayons X, les sources de la zone moléculaire centrale les plus brillantes sont les binaires X. Ces systèmes comportent un trou noir stellaire ou une étoile à neutrons qui, lors des phases d’ac-crétion, est responsable d’une émission intense (L2-10keV > 1034erg s−1). C’est le cas des sources

1E 1743.1–2843, AX J1745.6–2901, GRS 1741.9–2853 et SAX J1747.0–2853, pour ne citer que celles indiquées sur la Figure 2.7 (haut). Ces sources sont donc transitoires et leurs propriétés spectrales et temporelles seront détaillées et utilisées à la Section 9.2.1.

Il existe également une population de sources ponctuelles d’émission plus faible (L2-10keV ∼ 1031– 1033erg s−1, Muno et al., 2009) dont la concentration diminue à mesure que la région considérée s’éloigne de Sgr A?. Comme pour le parsec central (cf. Section 2.1.1), il s’agit principalement de variables cataclysmiques, d’objets compacts dans un état quiescent ou d’étoiles massives regroupées en amas. Environ un quart des sources ponctuelles sont détectées en dessous de 2 keV (en rouge sur la Figure 2.7, haut), ce qui signifie que leur émission est peu absorbée, et qu’elles sont donc situées dans les avant-plans du centre Galactique.

Emission diffuse entre 2 et 10 keV

Dans le domaine des rayons X mous, l’émission diffuse de la zone moléculaire centrale est principale-ment constituée de trois composantes : deux plasmas de températures différentes et une émission non thermique notamment détectée à 6.4 keV. Nous présentons ci-dessous les caractéristiques principales de chacune de ces composantes. Notons que nous nous limitons aux énergies supérieures à 2 keV, puisqu’en raison de la densité de colonne de la zone moléculaire centrale (NH ∼ 1023cm−2), il y a très peu de signal issu des 200 pc centraux en dessous de 2 keV.

Le plasma froid. L’émission du centre Galactique dans le domaine des X mous n’est pas uniforme mais révèle de nombreuses structures dues à la distribution du plasma et à celle de la matière ab-sorbante. Cette composante est correctement modélisée à l’aide d’un plasma froid (de température de l’ordre de 1 keV, représenté en vert sur la Figure 2.7, haut) dont le spectre trace différentes raies d’émission en dessous de 3 keV (correspondant aux raies de fluorescence des ions hydrogénoïdes ou heliumoïdes correspondant aux éléments Si, S, Ar et Ca). Elle est très probablement créée par l’in-teraction des restes de supernova ou des vents stellaires émanant des étoiles jeunes avec la matière interstellaire présente dans la région. En particulier, cette composante thermique relativement molle dessine une structure bipolaire dont les deux lobes s’étendent jusqu’à environ 10 pc, de part et d’autre du trou noir supermassif (cf. Figure 2.3, droite). Différents processus pourraient expliquer la présence de ces structures. Les vents stellaires de l’amas central pourraient par exemple être collimatés vers l’extérieur par le disque circumnucléaire et former ces deux lobes, ou bien ils pourraient être le résul-tat d’une éjection de matière par le trou noir Sgr A?, soit permanente, soit épisodique et correspondant à des éruptions majeures (Markoff, 2010).

Le plasma chaud. Il existe également une composante de plasma de plus haute température (de l’ordre de 7 keV, représenté sur la Figure 2.7, centre). Cette émission est caractérisée par un fort signal dans les raies à 6.7 et 6.9 keV, correspondant aux raies de fluorescence des ions fer, respectivement heliumoïde (FeXXV) et hydrogénoïde (FeXXVI). Sa distribution est relativement lisse avec une concentration le long du plan Galactique et un pic d’émission en direction du centre. L’origine de cette composante n’est pas établie. S’il s’agit en effet d’un plasma chaud, ce dernier ne peut être confiné ni par gravité ni par l’action de champ magnétique et il devrait donc s’échapper de la région relativement rapidement (en moins de 100 000 ans). Ceci signifie qu’une source de très grande luminosité est requise pour le maintenir, mais aucun candidat plausible n’a pour l’instant été proposé. Il se pourrait donc que l’émission modélisée par un plasma chaud soit en réalité créée par une multitude de source ponctuelles non-résolues, comme c’est le cas à plus haute latitude (Revnivtsev et al., 2009).

FIGURE2.7 – (Haut) Image trois couleurs de la région du centre Galactique obtenue à partir des observations XMM-Newton entre 2000 et 2012 (cf. Section 3.1.3). Les couleurs représentent des bandes d’énergie diffé-rentes : 0.5–2 keV en rouge, 2–4.5 keV en vert et 4.5–12 keV en bleu. Le deux lobes d’émission relativement molle (indiqués par les lignes en pointillés) sont visibles de part et d’autre de Sgr A?, ainsi que de nombreuses autres structures dans la région de Sgr A. L’émission à la position du complexe Sgr B est fortement absorbée, seule la composante de plus haute énergie est visible tandis que Sgr C montre une structure froide complexe avec notamment une extension verticale en direction du nord Galactique. De nombreuses sources ponctuelles et amas d’étoiles sont également visibles sur cette image. L’émission diffuse au-delà de 5 keV (en bleu) peut être dissociée en deux composantes : (Centre) l’émission thermique tracée par la raie du fer ionisée à 6.7 keV et (Bas) l’émission non thermique tracée par la raie du fer neutre à 6.4 keV.

L’émission non thermique. La troisième composante de l’émission en rayons X de la zone molécu-laire centrale est non thermique et est tracée par une intense raie d’émission à 6.4 keV, correspondant à la principale raie de fluorescence du fer neutre (cf. Figure 2.7, bas). Cette dernière peut être créée par des processus de photo-ionisation (Sunyaev & Churazov, 1998) ou par l’interaction de particules énergétiques (Valinia et al., 2000; Dogiel et al., 2009a). La composante non thermique visible au centre de la Galaxie n’est pas uniforme et présente une corrélation avec la matière moléculaire de la région. Elle a été principalement interprétée comme une trace de l’activité passée de Sgr A? se re-flétant dans les nuages moléculaires de la région. Elle présente donc un intérêt particulier pour notre

étude et la Section 2.3.2 rappelle les principales étapes qui ont permis d’attribuer ce signal à l’activité passée du trou noir supermassif au centre de la Galaxie.

Emission dans le domaine des rayons X durs et en rayons γ

Les observatoires opérant à ces énergies ne bénéficient ni de la même résolution spatiale ni de la même sensibilité que ceux opérant dans le domaine des rayons X mous. L’identification des sources est donc plus délicate. Dans la région du centre Galactique, l’émission entre 10 et 100 keV étudiée par l’observatoire INTEGRAL est principalement constituée de binaires X mais comporte également une source faible dans la direction de Sgr A?, probablement créée par une collection de sources faibles non résolues (Bélanger et al., 2004, 2006; Krivonos et al., 2007), ainsi qu’une composante d’émission de nature diffuse associée au nuage moléculaire Sgr B2.

Dans le domaine du GeV, il existe une source non résolue au centre de la Galaxie mais sa position ainsi que son extension ne sont pas clairement établies (Nolan et al., 2012). En revanche, dans le domaine du TeV, il existe une source non résolue, compatible avec Sgr A?(centroïde à moins de 10 arcsec de la position du trou noir) et dont l’origine est pour l’instant débattue (van Eldik, 2009). A ces énergies, il existe également une seconde source non résolue, compatible avec la nébuleuse de pulsar et le reste de supernova G0.9+0.1 (cf. Figures 2.4 et 2.7, haut), ainsi qu’une émission diffuse corrélée avec la matière moléculaire (Aharonian et al., 2006). Cette dernière composante est très probablement créée par la propagation de rayons cosmiques énergétiques à l’intérieur de la zone moléculaire centrale. Ces particules chargées auraient par exemple pu être accélérées lors d’un événement éruptif de la source centrale, il y a quelques milliers d’années (Dogiel et al., 2009b).

2.3.2 Concernant l’origine de l’émission diffuse et non thermique

Les premières observations de l’émission non thermique de la région du centre Galactique ont été réalisée avec le télescope ART-P et ont mis en évidence une émission X diffuse et allongée dans la direction du plan Galactique (dans la bande 8–22 keV). Sunyaev et al. (1993) ont interprété cette émission comme étant la réflexion, par la matière moléculaire, d’un rayonnement X dur émis lors d’un phénomène énergétique s’étant produit au centre de la Galaxie. Ce scénario prédisait la présence de la raie de fluorescence du fer à 6.4 keV. Cette prédiction a été confirmée par les observations ASCA qui ont pour la première fois distingué et cartographié séparément les deux raies du fer, respectivement à 6.4 et 6.7 keV (Koyama et al., 1996). Les auteurs de ces observations ont également proposé Sgr A? comme source du rayonnement réfléchi. Sunyaev & Churazov (1998) ont formalisé cette hypothèse en développant les équations et les grandeurs caractéristiques relatives à un tel signal.

Des études spectrales ont ensuite été réalisées à l’aide d’observations Chandra, XMM-Newton, Su-zaku, et INTEGRAL pour les régions correspondant aux complexes Sgr A (Yusef-Zadeh et al., 2002a), Sgr B (Murakami et al., 2000, 2001) et Sgr C (Yusef-Zadeh et al., 2007). Les données Suzaku sur le complexe Sgr A ont permis de mettre en évidence d’autres raies de fluorescence que celle du fer neutre et de renforcer ainsi le scénario de réflexion avec une source unique (Nobukawa et al., 2010). De plus, les travaux utilisant les observations INTEGRAL ont révélé un spectre dur, s’étendant jusqu’à plus de 100 keV (Revnivtsev et al., 2004; Terrier et al., 2010).

L’ensemble des contraintes observationnelles ainsi obtenues sont compatibles avec le scénario de ré-flexion d’un rayonnement dur par la matière moléculaire présente au centre de la Galaxie. Néanmoins, d’autres scénarios ont également vu le jour pour expliquer la présence de la raie à 6.4 keV au centre

de la Galaxie. Ils invoquent principalement l’interaction des rayons cosmiques de faible énergie avec la matière moléculaire pour expliquer l’émission non thermique détectée (Valinia et al., 2000; Yusef-Zadeh et al., 2007; Dogiel et al., 2009a; Tatischeff et al., 2012). Néanmoins, ces modèles ont des contraintes énergétiques importantes et prédisent une émission relativement stable. Ce dernier point a rapidement été en contradiction avec les observations d’une variation significative du signal dans Sgr B (Inui et al., 2009; Terrier et al., 2010; Nobukawa et al., 2011) et Sgr A (Muno et al., 2007; Ponti et al., 2010; Capelli et al., 2012). Il y a cependant des régions qui montrent une émission stable et qui pourraient donc être principalement expliquées par des rayons cosmiques, c’est par exemple le cas de la région à proximité de l’amas des Arches (Capelli et al., 2011b; Tatischeff et al., 2012).