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Modèles radiatifs proposés à l’aide des contraintes disponibles

La haute variabilité de l’émission détectée, à la fois en X et en infrarouge, donne une information sur la taille de la région émettrice. Ainsi, les variations rapides laissent penser à une émission provenant des régions internes du système, en deçà de dix rayons de Schwarzschild pour les échelles temporelles les plus rapides. Par ailleurs, si la quasi-périodicité des variations sur des échelles de l’ordre de 20 minutes était avérée (Witzel et al., 2012), elle pourrait s’expliquer par l’orbite de la région émettrice autour

de Sgr A?. Malgré la structure temporelle fine des sursauts, les propriétés spectrales de l’émission, présentées à la section précédente, sont généralement moyennées sur la durée totale du sursaut afin d’obtenir une statistique satisfaisante.

4.3.1 Emission synchrotron responsable du rayonnement infrarouge

La polarisation variable détectée dans le domaine infrarouge indique que le rayonnement est produit par une population d’électrons accélérés par effet synchrotron. En revanche, le lieu de l’accélération de ces particules n’est pas établi. Celle-ci pourrait se situer dans une zone de choc à relier à une éjection de matière par le trou noir (Markoff et al., 2001, 2007), être localisée dans une région de reconnexion magnétique (similaire à la couronne solaire, Yuan et al., 2003, 2004) ou bien être due à des phénomènes de turbulence et à des variations stochastiques à l’intérieur d’un flot d’accrétion sphérique (Liu et al., 2004, 2006a,b).

4.3.2 Possibilités pour expliquer le rayonnement X

Les observations simultanées réalisées ont montré que les sursauts visibles en rayons X étaient corré-lés aux sursauts détectés en infrarouge, avec des temps caractéristiques similaires. Cette simultanéité s’explique facilement si le rayonnement X est créé par la même population d’électrons que celle gé-nérant l’émission dans l’infrarouge proche. Dans ce cas, mesurer les flux et les pentes de ces deux composantes permet d’obtenir des paramètres clefs concernant le champ magnétique, la taille de la région et la densité de particules, liés à l’émission.

Processus Compton inverse

Les processus Compton inverse avancés pour expliquer l’émission X peuvent être subdivisés en deux catégories principales : l’émission synchrotron self Compton (Markoff et al., 2001; Eckart et al., 2006a; Marrone et al., 2008) et l’émission Compton inverse externe (Markoff et al., 2001; Eckart et al., 2004; Yusef-Zadeh et al., 2006, 2009, 2012b).

Ces modèles sont sérieusement remis en question par les résultats de la campagne d’observation me-née par notre groupe en 2007, et pour laquelle nous possédons une limite supérieure contraignante dans l’infrarouge moyen (Dodds-Eden et al., 2009; Trap et al., 2010). La pente établie pour le spectre infrarouge est plus dure que celle observée simultanément en rayons X. Cette contrainte observation-nelle permet d’établir certaines caractéristiques du milieu responsable de l’émission (cf. Figure 4.5, gauche). Le modèle SSC se traduit par des densités de matière et un champ magnétique trop élevés pour être réalistes. De même, le modèle EC impose une région de taille beaucoup trop petite (0.1 Rs) pour être réaliste ; de plus, ce processus n’explique pas naturellement les différences de durées et de sous-structures visibles dans les courbes de lumière (cf. Figure 4.4, gauche). Néanmoins, il semble que les conditions extrêmes imposées peuvent être allégées avec un ajustement alternatif du modèle SSC (Sabha et al., 2010), même si l’ajustement en question apparaît marginal et très proche de la limite supérieure imposée par les observations dans l’infrarouge moyen (cf. Figure 4.5, droite).

Processus Synchrotron

Le rayonnement créé par le processus synchrotron peut également s’étendre aux plus hautes énergies si la population d’électrons initiale le permet. Cependant, si seul le processus synchrotron est en jeu,

FIGURE4.5 – Modèles radiatifs proposés pour ajuster les données de Sgr A? obtenues en 2007. (Gauche) En bleu, les mesures correspondant à la campagne d’observation multi-longueur d’onde de 2007 (VISIR, NACO, XMM-Newton et INTEGRAL). En gris, les points de mesure correspondant à l’émission quiescente (cf. Fi-gure 1.5, gauche). Les modèles d’émission non thermique ajustés aux données sont : le modèle SSC (orange), le modèle EC (vert) et le modèle synchrotron avec cassure (rouge). Seuls les paramètres du modèle synchro-tron semblent réalistes. La figure est issue de Trap et al. (2010). (Droite) Deux variantes du modèle SSC (rouge et tirets) proposés par Sabha et al. (2010) pour expliquer les données de 2007 (MIR, NIR et rayons X). Ces deux modèles ont des paramètres réalistes mais respectent marginalement la limite supérieure imposée par les données dans l’infrarouge moyen. Les données à plus basse énergie et le modèle en pointillés correspondent à l’étant quiescent de Sgr A?.

les indices spectraux en X et en infrarouge devraient être identiques. Or, ce n’est pas ce qui a été observé pendant la campagne de 2007. Néanmoins, les lois de puissance synchrotron couvrant de larges bandes d’énergie possèdent généralement une cassure pouvant être produite par divers phéno-mènes dont le refroidissement des électrons par rayonnement (cf. Section 4.1.1). Ce dernier produit des écarts d’indice ∆p = 1 pour la distribution des électrons, et ∆β = 0.5 pour la distribution de photons (cf. équation 4.1). Ce modèle spectral appelé « synchrotron avec cassure » a également été utilisé pour expliquer l’émission X des sursauts de Sgr A?(Yuan et al., 2003, 2004; Dodds-Eden et al., 2009; Trap et al., 2010). En particulier, ce modèle explique bien les courbes de lumière et les spectres obtenus lors de la campagne de 2007 (cf. Figure 4.5, gauche) ; il est également favori pour expliquer les événements détectés par NuSTAR (Barrière et al., 2014). Néanmoins, il requiert également une injection d’électrons en continu, puisque le refroidissement rapide des rayons X, environ une minute, est plus court que la durée de l’événement. Cette caractéristique pourrait par ailleurs permettre d’ex-pliquer la différence de durée des événements détectés en rayons X et en infrarouge (cf. Figure 4.4, gauche), en invoquant notamment des modifications magnétiques.

4.3.3 Modèle d’expansion pour expliquer le retard de l’émission sub-millimétrique

La variabilité de l’émission de Sgr A?aux longueurs d’onde millimétrique et sub-millimétrique a gé-néralement été observée avec un retard relativement court (moins de trois heures) après un sursaut détecté en X ou en IR (Eckart et al., 2006a, 2008, 2009; Yusef-Zadeh et al., 2006, 2008, 2009; Kun-neriath et al., 2008; Marrone et al., 2008; Trap et al., 2011). De plus, lorsque plusieurs longueurs d’onde de ce domaine d’énergie ont été observées simultanément, le retard était d’autant plus impor-tant que la fréquence était courte. Ces observations ont généralement été expliquées par un modèle d’expansion adiabatique, tel que le modèle de van der Laan (1966) illustré à la Figure 4.6. Ce modèle

FIGURE 4.6 – Modèle d’expansion adiabatique de van der Laan (1966) pouvant rendre compte du retard de l’émission sub-millimétrique par rapport aux événements détectés à plus haute énergie. Lorsque la taille de la région contenant les électrons accélérés augmente (de rouge à jaune, à gauche), le spectre de l’émission synchrotron est translaté vers les basses fréquences et le flux total diminue (au centre). Cette variation permet de tracer les courbes de lumière attendues en fonction du temps (à droite), et se traduit par un retard du pic d’émission qui augmente avec la longueur d’onde considérée. Image issue de Trap et al. (2011).

consiste à considérer un plasmoïde (région contenant les électrons créant l’émission synchrotron) en expansion, qui passe pour chaque longueur d’onde d’un état optiquement épais à un état optiquement mince. Ces transitions s’effectuent à des époques différentes selon la longueur d’onde considérée, ce qui explique naturellement les retards observés si des vitesses d’expansion de l’ordre de 0.01 c sont utilisées. Néanmoins, l’intensité ainsi que la structure fine de l’émission sont parfois plus difficiles à reproduire (par exemple Trap et al., 2011; Eckart et al., 2012).