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Le terme de couleur réfère à l’indice spectral α, défini par la formule Fν = να qui caractérise le spectre des sursauts de Sgr A?dans le domaine de l’infrarouge proche. Il peut être estimé par l’ajus-tement du spectre de la source obtenu grâce à un spectromètre (par exemple SINFONI au VLT ou OSIRIS au Keck) ou déduit d’observations simultanées en bande large (en utilisant NACO au VLT, NIRC2 au Keck ou NICMOS à bord du HST). Nous répertorions dans un premier temps l’ensemble des campagnes d’observation ayant mesuré cet indice spectral avant de présenter les résultats concer-nant la campagne d’observation de 2012.

5.2.1 Etudes précédentes

L’indice spectral des sursauts infrarouges a été mesuré lors de plusieurs événements avec des tech-niques d’observation différentes. L’ensemble des résultats publiés est résumé dans la Table 5.1. Les valeurs proposées ne sont pas facilement comparables entre elles, puisque ces études ont été réalisées dans des conditions différentes : longueurs d’onde, intensités des événements, époques d’observation et méthodes d’analyse. Ces différences peuvent avoir une influence non négligeable sur l’étude de la variabilité de l’indice spectral ainsi que sur sa valeur. Nous proposons donc une vue synthétique des paramètres relatifs à ces différentes études.

Contraintes observationnelles

La précision de la mesure de l’indice spectral α dépend largement des contraintes observationnelles auxquelles sont soumises les observations, à savoir, la méthode d’observation utilisée, la qualité des données et l’intensité des événements détectés. Les études listées dans la Table 5.1 peuvent être di-visées en trois catégories principales : (i) les observations simultanées ou quasi-simultanées dans plusieurs bandes larges, telles que celles de la campagne d’observation de mars 2012 présentée dans ce chapitre, (ii) les observations spectrales obtenues dans une bande de longueur d’onde restreinte et (iii) les études statistiques sur l’ensemble des sursauts détectés dans différentes bandes prises séparé-ment.

Par ailleurs, les différentes campagnes d’observation n’ont pas toutes observé la même intensité de sursauts. Ainsi, les études ayant détecté les variations les plus intenses et les plus longues proposent des valeurs plus précises que les études s’attachant à la caractérisation des événements plus faibles. Ce constat est assez naturel puisque, dans le cas d’événements de faible intensité, les choix d’analyse concernant notamment la correction du fond ont une plus forte influence sur les résultats. Enfin, la période d’observation est également importante puisque certaines étoiles du groupe S peuvent être quasiment superposées à la position de Sgr A?, cela a par exemple été le cas de S2 en 2002 ou de S17 de 2006 à 2008. La contribution de ces étoiles limite alors la caractérisation des plus faibles flux en provenance de Sgr A?.

Choix d’analyse

Les choix d’analyse relatifs à notre campagne d’observation de 2012 ont été détaillés à la Section 3.2.3 et concernent principalement : le choix des sources de calibration, les valeurs d’extinction utilisées pour corriger les rougissements des sources, la soustraction du fond à la position de Sgr A? et la définition de ce qui constitue un événement. De tous ces paramètres, le plus influent concerne le choix du fond. Il repose sur une interprétation du signal minimum détecté à la position de Sgr A?. En raison de la PSF des instruments, ce signal est en partie dû à l’émission des étoiles alentour (jusqu’à 35%, Sabha et al., 2010). Mais l’absence de corrélation entre les variations de cette composante avec le seeing implique que l’émission d’une source à (ou proche de) la position de Sgr A? domine le signal (Gillessen et al., 2006; Bremer et al., 2011). Il est donc vraisemblable que l’émission de Sgr A? domine ce signal de faible intensité (environ 2 mJy en bande K), auquel cas il n’est pas forcément judicieux de soustraire cette composante (Bremer et al., 2011). Cependant, les processus radiatifs responsables de cette émission peuvent également être différents de ceux engendrant les sursauts, qu’il s’agisse d’une composante quiescente de Sgr A? ou d’une composante stellaire (étoile de fond ou amas très proche du trou noir), il s’agit alors d’une source de contamination du signal qui s’avère non négligeable pour les événements les plus faibles et il convient de la soustraire (Krabbe et al., 2006).

Le flux de la composante constante varie selon la bande d’observation considérée. Ainsi, la soustrac-tion de cette composante, qui diminue le flux de Sgr A?détecté dans les différentes bandes d’obser-vation, modifie la valeur de l’indice spectral du trou noir mesuré. Gillessen et al. (2006) ont mesuré l’influence précise du fond soustrait sur leurs données, et ont constaté un décalage d’indice spectral allant jusqu’à 2 unités pour les flux les plus faibles. Une analyse similaire appliquée à nos données est présentée à la Section 5.2.2.

Synthèse des études précédentes

Les études ayant détecté des sursauts intenses semblent converger vers un unique indice spectral

α ∼ −0.6, compatible avec une émission purement synchrotron et optiquement mince. Le cas des

événements moins intenses est plus difficile à résumer, puisque les mesures dépendent alors fortement des choix d’analyse et de la qualité des observations. Pour ces sursauts relativement faibles, plusieurs études semblent indiquer un spectre plus abrupt (α < −1, cf. Table 5.1), alors que d’autres ne me-surent aucune variation significative de l’indice spectral en fonction du flux (Hornstein et al., 2007).

Enfin, les périodes d’activité relativement intenses détectées simultanément en bandes H et L à l’été 2012, en utilisant les deux télescopes de l’observatoire Keck, confirment la constance de l’indice

spectral de Sgr A? en fonction du flux, notamment pour les flux élevés. Néanmoins, il est possible que ces observations montrent de faibles variations de l’indice α en fonction du temps (Witzel et al., 2014).

5.2.2 Mesures de la campagne d’observation de 2012

Afin de calculer la couleur des sursauts détectés pendant la campagne d’observation de mars 2012, nous disposons des courbes de lumière quasi-simultanées dans les bandes H, K, L et M, présentées aux Figures 5.3, 5.4 et 5.5. En extrapolant les points de mesures des différentes courbes de lumière pour obtenir une estimation des flux simultanés dans deux bandes d’observation distinctes, nous pou-vons calculer les indices spectraux αH-K, αK-Let αL-M. De plus, les fluctuations liées à la qualité des images individuelles peuvent être quantifiées grâce à l’indice spectral de l’étoile S2, supposé constant au cours du temps. Nous avons donc choisi d’estimer l’indice spectral de Sgr A? de la manière sui-vante, αK-L= αS2− logFK−S2 FL−S2  logνK νL  + logFK−SgrA? FL−SgrA?  logνK νL  (5.1)

où αS2 = 1.7 est l’indice spectral moyen mesuré pour l’étoile S2 (cf. Figure 5.2), νK et νL corres-pondent aux fréquences moyennes des bandes d’observation K et L, et FKet FLsont les flux mesurés dans ces mêmes bandes à la position de la source considérée, Sgr A?ou S2 (ces flux sont corrigés de notre estimation du fond astrophysique, de la contamination atmosphérique et de l’absorption inter-stellaire). La même équation peut être utilisée pour estimer les indices αH-K et αL-M en changeant les bandes d’observation en conséquence. Les résultats sont présentés en fonction du flux de Sgr A? sur la Figure 5.6.

La valeur moyenne des indices spectraux calculés à partir de nos données est supérieure aux valeurs proposées par les études précédentes. Une des raisons principales de cette différence est que nous avons estimé le fond localement, sans soustraire le flux minimal détecté à la position de Sgr A? dans chacune des bandes d’observation. Ainsi, les flux mesurés en bandes K et H sont relativement plus élevés que ceux obtenus par des méthodes plus classiques retranchant une valeur minimale du flux à la position de Sgr A?, préalablement estimée à partir de nombreuses observations au sein d’une même période (typiquement un an, voir par exemple Dodds-Eden et al., 2009). Afin d’estimer l’influence d’une potentielle contribution stellaire à la position de Sgr A?, nous avons considéré qu’il existait une source constante mais de flux inconnu à la position du trou noir. Nous avons ensuite considéré différentes valeurs de flux possibles et soustrait la contribution correspondante dans les différentes bandes d’observation (en supposant un spectre, Fν ∝ ν2pour cette source stellaire). La modification de la distribution d’indice en fonction du flux de la source (0, 1 ou 2 mJy en bande K) est présentée sur la Figure 5.7. Comme attendu, la modification de la valeur des indices est d’autant plus faible que le flux de Sgr A? est élevé. Autrement dit, la contribution stellaire tend à être négligeable pour les événements intenses. Par ailleurs, la contribution stellaire considérée est plus importante aux plus courtes longueurs d’onde, et sa soustraction diminue donc l’indice spectral des plus faibles flux. Ainsi, si une source de 2 mJy est présente à la position du trou noir, la corrélation entre l’indice spectral et le flux de Sgr A?est significative à plus de 3 σ. Les valeurs mesurées pendant la nuit du 19 mars 2012 s’étendent alors de –3.5 pour les flux les plus faibles, à –0.7 pour les flux les plus élevés, et sont donc compatibles avec l’ensemble des indices spectraux proposés par les études précédentes (cf. Table 5.1).

FIGURE5.6 – Couleurs de Sgr A?mesurées pendant la campagne d’observation de 2012 pendant les nuits du 17 (en haut), du 19 (en bas à gauche) et du 21 mars (en bas à droite). L’indice spectral est calculé en utilisant les flux mesurés en bandes H et K (à gauche), en bandes K et L (au centre) et en bandes L et M (à droite). Les points de données présentant une barre d’erreur supérieure à 1 (2, en bande M) pour le paramètre α ne sont pas représentés sur la figure. La région grisée délimite les indices spectraux entre –0.4 et –0.7 proposés par les études précédentes pour les sursauts brillants.

Par ailleurs, les données du 19 mars 2012 permettent d’identifier deux sursauts distincts, d’intensités différentes. Nous avons décidé de moyenner l’ensemble des indices spectraux mesurés pendant cha-cun de ces deux événements afin de les comparer et d’identifier une variation potentielle de l’indice spectral. Le résultat de cette comparaison est représenté sur la Figure 5.8 en fonction du flux de la contribution stellaire considérée à la position de Sgr A?. Le premier constat est que sans contribution stellaire, les valeurs que nous avons mesurées pour chacun des deux sursauts sont compatibles entre elles, mais marginalement compatibles avec les valeurs maximales proposées par certaines des études précédentes. Lorsqu’une contribution stellaire est envisagée, l’écart entre l’indice spectral des deux événements se creuse et devient significatif pour une source de flux supérieur ou égal à 1 mJy. Dans ce cas, le sursaut le moins intense présente un indice spectral plus faible, en accord avec les tendances proposées par les études précédentes.

FIGURE 5.7 – Couleurs de Sgr A? mesurées pendant la campagne d’observation de 2012 pour la nuit du 19 mars. L’indice spectral est calculé en utilisant les flux mesurés en bandes K et L et en leur soustrayant une potentielle contribution stellaire se trouvant à la position du trou noir et ayant un flux en bande K de 0 mJy (à gauche), 1 mJy (au centre) ou 2 mJy (à droite). Les points de données correspondant aux fluctuations néga-tives ou ayant une barre d’erreur supérieure à 1 pour le paramètre α ne sont pas représentés sur la figure. La distribution de l’indice spectral varie grandement selon le flux de la contribution stellaire considérée. La région grisée délimite les indices spectraux entre –0.4 et –0.7 proposés par les études précédentes pour les sursauts brillants de Sgr A?.

FIGURE 5.8 – Indice spectral moyen de Sgr A? et son incertitude à 1 σ pendant chacun des deux sursauts

détectés le 19 mars 2012, en fonction du flux de la contribution stellaire supposée à la position de Sgr A?, de 0 à 2.2 mJy en bande K. Les deux événements ont des propriétés spectrales significativement différentes s’il existe une contribution stellaire supérieure à 1 mJy à la position de Sgr A?. Dans ce cas, le sursaut le plus intense (sursaut 2) est significativement plus rouge que l’autre. La région grisée délimite les indices spectraux entre –0.4 et –0.7 proposés par les études précédentes pour les sursauts brillants de Sgr A?.

5.2.3 Discussion concernant les erreurs systématiques

En plus des erreurs statistiques indiquées par les barres d’erreur associées aux données présentées, il existe un certain nombre d’erreurs systématiques qui affectent la détermination du flux des sources ainsi que le calcul de l’indice spectral de Sgr A?. Les principales erreurs systématiques sont au nombre de trois. La première est relative au coefficient utilisé pour calibrer les mesures de flux, il dépend du flux théorique des étoiles de référence et des valeurs choisies pour corriger l’absorption interstellaire (cf. équation 3.4 et Table 3.6). En considérant la propagation des erreurs, nous avons estimé que l’er-reur systématique de calibration est inférieure à 10% du flux obtenu pour Sgr A? (ou S2) pour toutes les bandes d’observation (ce sont les incertitudes sur l’extinction interstellaire qui dominent cette va-leur). La seconde concerne l’indice spectral de S2 choisi comme référence pour corriger la couleur de Sgr A?des fluctuations associées aux images individuelles (cf. équation 5.1). Cette seconde erreur systématique intervenant dans le calcul de l’indice spectral de Sgr A? est inférieure à 0.3 en valeur absolue et ne dépend pas de la longueur d’onde. La dernière erreur systématique, la plus conséquente, est relative à la méthode de soustraction du fond qui peut omettre une possible contribution supplé-mentaire (émission quiescente ou stellaire) à la position de Sgr A?, comme cela est expliqué dans la Section 5.2.1. La quantification de cette troisième erreur systématique n’est pas évidente et son in-fluence importante dans la détermination des flux les plus faibles a été mise en avant à la Section 5.2.2.

Les flux mesurés à la position de Sgr A? pendant la campagne d’observation de 2012 sont tous in-férieurs à 10 mJy. Dans ce cas, l’erreur systématique globale est dominée par l’incertitude relative à la composante constante du fond estimée à la position de Sgr A?. Dans la section précédente, nous avons calculé l’évolution de l’indice spectral induite par cette composante potentielle, en considérant un large ensemble de flux possibles (entre 0 et 2.3 mJy). Néanmoins, les courbes de lumière et les observations individuelles peuvent permettre de limiter l’intervalle de flux envisageable. En effet, en considérant les valeurs de flux observées pendant l’ensemble des cinq périodes d’observation, nous avons constaté que la valeur minimale moyenne se situe proche de 1.5 mJy en bande K, cette valeur pourrait donc constituer une première limite supérieure à la possible contribution stellaire contenue dans les flux mesurés. Il est également possible d’utiliser un algorithme de détection pour déterminer si une source est détectable durant les périodes de faible activité (par exemple, dans les données ac-quises le 19 mars entre 9h et 9h30) ; cette analyse est en cours. Si aucune source n’est détectée à la position de Sgr A?, ce qui semble être le cas (cf. Section 5.3.2), ce test devrait permettre d’établir une limite supérieure à la contribution inconnue. En revanche, si une source est détectée il faudra utiliser à la fois les contraintes spectrales et la position précise de la source afin de déterminer s’il s’agit d’une contribution stellaire à proximité de Sgr A? ou bien d’un faible niveau d’émission du trou noir lui-même.

L’erreur systématique induite par la méconnaissance du niveau de fond à la position de Sgr A?a une forte influence sur l’indice spectral des sursauts les plus faibles. Dans la mesure où nous n’avons pas encore de contraintes précises sur cette composante, nous considèrerons dans la suite deux cas possibles avec une contribution stellaire respective de 0.5 et 1.5 mJy.