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Résultats de la campagne d’observation

L’objectif premier de la campagne multi-longueur d’onde réalisée en 2012 était de déterminer le pro-cessus radiatif responsable de l’émission en rayons X lors des sursauts de Sgr A?. Pour cela nous

avons obtenu des observations visant à mesurer l’indice spectral du rayonnement de Sgr A? simulta-nément dans le domaine des rayons X et dans l’infrarouge proche. Malheureusement, aucun sursaut brillant de Sgr A?n’a été détecté pendant les observations correspondantes, et les courbes de lumière obtenues en rayons X sont compatibles avec l’émission quiescente de Sgr A?. Néanmoins, les données infrarouges présentent une certaine variabilité avec des flux allant jusqu’à environ 6 mJy en bande K. J’ai estimé l’indice spectral correspondant à cette émission pour les différentes nuits d’observation et les principaux événements détectés. En raison de l’absence de contrainte forte quant à la contri-bution exacte du fond à la position de Sgr A?, nous avons également étudié l’impact d’une possible contribution stellaire à la position de Sgr A?. Les résultats proposés correspondent ainsi à une gamme de valeurs possibles pour la couleur des événements observés. Je présente ci-dessous une discussion concernant les contraintes apportées par nos observations. Cette discussion concerne trois points par-ticuliers qui sont : les processus radiatifs à l’œuvre pendant les sursauts, la possible variabilité de l’indice spectral avec le flux de Sgr A? et la taille de la source radio correspondante (observations VLBA déclenchées suite à la détection d’un événement en infrarouge proche).

5.3.1 Contraintes spectrales et processus radiatifs

De l’ensemble des événements détectés, seul le sursaut 2, détecté le 19 mars 2012 en fin de nuit, pré-sente un indice spectral relativement bien contraint et des observations en rayons X couvrant la totalité de l’événement (cf. Figure 5.1). Nous avons donc décidé d’utiliser cet événement pour discuter des contraintes apportées par notre campagne d’observation sur les modèles des trois processus radiatifs actuellement envisagés (cf. Section 4.3). A partir du spectre obtenu, présenté à la Figure 5.9, il est possible d’extraire quelques paramètres relatifs aux processus proposés : synchrotron avec cassure ou Compton inverse.

Modèle synchrotron avec cassure

Le spectre résultant des processus synchrotron avec cassure peut être décrit à l’aide de quatre pa-ramètres : (i) la pente β du spectre synchrotron correspondant au régime en dessous de la cassure (qui impose également une pente β − 0.5 après la cassure, cf. Section 4.3.2), (ii) la position de la cassure qui dépend du champ magnétique B et du temps d’injection (la durée de l’événement) t, (iii) le facteur de Lorentz maximal γmaxde la population d’électrons considérée qui fixe la fréquence de coupure, (iv) la normalisation du spectre. Les données infrarouges obtenues permettent de fixer l’indice spectral β et la normalisation du spectre. Par ailleurs, la limite supérieure obtenue grâce aux observations dans le domaine des rayons X peut permettre de contraindre, en partie, la position de la cassure ou le facteur de Lorentz maximal. Nous distinguons deux cas, tout d’abord un spectre in-frarouge relativement dur puis un spectre plus mou (correspondant respectivement aux contributions stellaires minimale et maximale de 0.5 et 1.5 mJy en bande K).

Le premier cas correspond au spectre dur présenté sur la Figure 5.9 (en rouge), la limite supérieure en rayons X est largement en dessous du spectre contraint par les données infrarouges et la fréquence de la coupure doit donc être inférieure à une certaine valeur, log(νc) < 17.5. Néanmoins, cette fréquence dépend à la fois du facteur de Lorentz γmaxet du champ magnétique B. En théorie, la valeur du champ magnétique peut être déduite de la fréquence de cassure mais, dans le cas considéré, cette dernière n’est pas contrainte. Dans le cas d’un spectre dur, le modèle comporte donc une dégénérescence qui peut éventuellement être levée en choisissant de minimiser l’énergie du système étudié.

configura-FIGURE5.9 – Mesures et limite supérieure obtenues pour le sursaut de Sgr A?observé le 19 mars 2012 à partir de 9h40. Les points rouges et noirs correspondent aux flux infrarouges calculés en supposant respectivement une contribution stellaire de 0.5 et 1.5 mJy (en bande K) à la position de Sgr A?. Le point bleu correspond à la limite supérieure à 3 σ déterminée à partir des données XMM-Newton. Les courbes correspondent à deux modèles synchrotron avec cassure ajustant les données infrarouges. Dans un cas (en noir), il existe une valeur du champ magnétique telle que le modèle soit compatible avec la limite supérieure obtenues dans le domaine des rayons X, tandis que dans l’autre (en noir), il faut invoquer une fréquence critique inférieure à celle des rayons X pour que le modèle synchrotron avec cassure soit valide.

tion, il est possible d’ajuster la limite supérieure en X en positionnant la cassure du spectre synchro-tron dans un intervalle de fréquence compris entre, 14.5 < log(νb) < 15.5. En supposant que le temps d’injection est de l’ordre de 30 minutes, il est alors possible de contraindre le champ magnétique B en utilisant l’équation (4.3). Néanmoins, il est également possible que la cassure se trouve à plus haute fréquence et que la limite supérieure en X rende compte de la fréquence de coupure, comme dans le cas précédent.

Modèles Compton inverse

Les modèles Compton inverse ne peuvent pas être fortement contraints avec les données que nous possédons : le seul paramètre accessible est le ratio Uph/UB. Une limite supérieure peut être calculée pour le sursaut considéré en utilisant les considérations développées à la Section 4.1.2. Cette valeur dépend de deux paramètres physiques qui sont le champ magnétique et la taille de la région contenant les photons (cf. équation 4.4). Les deux paramètres n’étant pas contraints par ailleurs, si un processus Compton inverse est envisagé, il n’est pas possible de déduire plus d’information des données, à moins d’émettre des hypothèses quand à la taille de la région émettrice, ce qui n’est pas pleinement satisfaisant.

Ainsi, l’ensemble des processus radiatifs généralement proposés pour rendre compte de l’émission de Sgr A?lors de ses sursauts d’activité sont compatibles avec les données obtenues et nous ne pouvons donc pas conclure quant à l’origine du rayonnement.

5.3.2 Indice d’une possible variabilité de l’indice spectral

Si la contribution stellaire à la position de Sgr A? est effective et a un flux supérieur à 1 mJy (en bande K), alors nos données indiquent une corrélation entre l’indice spectral et le flux de Sgr A?. Une telle mesure serait également cohérente avec les résultats obtenus pour les événements de faible intensité lors de plusieurs campagnes d’observation précédentes. La question est donc de savoir s’il est pertinent de corriger les flux mesurés en supposant une contribution stellaire et, si oui, d’établir le domaine de flux possible pour la source potentielle. Les études précédentes semblent indiquer que la valeur de l’indice spectral se situe toujours en dessous de α . −0.6 et atteint cette valeur limite au moins durant les événements les plus brillants. Si tel est le cas, il n’est pas réaliste de considérer des indices spectraux supérieurs à ce seuil. Ainsi, nos mesures doivent supposer une contribution stellaire supérieure à 1 mJy pour être compatibles avec les valeurs d’indice proposées par les études précédentes (cf. Figure 5.8).

Nous avons utilisé le programme IDL StarFinder (Diolaiti et al., 2000) afin de détecter les sources situées à proximité de Sgr A?. Nous avons considéré uniquement les sources détectées à plus de 3 σ dans une observation choisie durant la période de faible intensité entre les deux sursauts détectés le 19 mars 2012 (acquisition en bande K à 9h19 UTC). A moins de 0.2 arcsec de Sgr A?, seules deux sources sont détectées. Il s’agit de l’étoile S2 ayant un flux de 15 mJy en bande K et d’une étoile moins intense (∼ 4 mJy en bande K) située à 0.06 arcsec de Sgr A?. Dans le signal résiduel (après soustrac-tion des premières sources détectées) nous avons ensuite identifié deux étoiles supplémentaires situées environ à 0.06 arcsec de Sgr A?et de flux respectifs, 2 et 1.5 mJy en bande K. En prenant en compte la PSF de l’instrument, nous avons estimé que l’ensemble des sources détectées à proximité de Sgr A? contribuent à hauteur de 50% au flux mesuré à la position du trou noir dans l’observation considérée. En revanche, aucune source n’est détectée à la position du trou noir.

Les flux que nous avons utilisés pour calculer l’indice spectral ont préalablement été soustraits d’un signal de fond estimé localement à partir des images et étalonnés à l’aide du flux de plusieurs étoiles de référence (cf. Section 3.2.3). Ainsi, nous avons supposé que le fond local représentait convenable-ment la contribution stellaire à la position de Sgr A?, puisqu’aucune étoile ne se situe a priori dans les régions d’extraction considérées. Ceci semble justifié dans la mesure où les sources détectées avec StarFinder se situent en bordure de la région utilisée pour extraire le flux de Sgr A? et qu’elles contribuent donc également au signal de fond estimé à partir des régions adjacentes (cf. Figure 3.5, gauche). Pour vérifier cette hypothèse, nous avons tenté d’utiliser les résultats fournis par StarFinder pour comparer les contributions des sources détectées aux flux observés dans les régions choisies pour mesurer le fond. De manière tout à fait préliminaire, il semblerait que le flux des sources connues soit correctement estimé par le fond choisi pour Sgr A? mais légèrement surestimé pour les étoiles S2 et S65 utilisées pour la calibration des données. Si ces mesures préliminaires étaient vérifiées, les flux de Sgr A? présentés dans ce chapitre pourraient être surestimés d’au moins 25% par rapport au flux réel dans les bandes H et K. En première approximation, ce biais peut être corrigé en considérant une contribution stellaire d’environ 0.5 mJy en bande K à la position de Sgr A?.

Enfin, dans l’observation en bande K utilisée précédemment, nous avons mesuré un flux de 1.5 mJy à la position du trou noir (ou 1 mJy en appliquant la correction mentionnée au paragraphe précédent), alors même qu’aucune source n’a pu être mise en évidence à cette position et que le fond soustrait semble rendre compte des sources connues. Avec une intensité comparable à celle des étoiles identi-fiées à proximité, Sgr A?devrait, soit être détecté par le programme StarFinder, soit apparaître dans le signal résiduel. Ce n’est pas le cas. Il est donc possible que le signal mesuré à cette position soit

FIGURE5.10 – Mesures VLBA présentant la taille unidimensionnelle intrinsèque de Sgr A?en fonction de la durée d’attente entre la détection d’un sursaut aux longueurs d’onde infrarouge proche et l’observation sub-millimétrique (à gauche) ou en temps universel pour les observations libres (à droite). Les barres d’erreur horizontales correspondent à la durée des observations VLBA. La ligne pointillée bleue renseigne la taille moyenne de Sgr A? mesurée à l’aide de ces observations. Enfin, les lignes verticales rouges renseignent la présence d’un sursaut X détecté par NuSTAR le 21 juillet 2012 qui n’est a priori pas corrélé avec l’événement infrarouge ayant servi de déclencheur pour l’observation VLBA simultanée (en rouge). La figure est issue de Bower et al. (2014).

lié à une composante diffuse piquée à la position de Sgr A?et potentiellement créée par un ensemble d’étoiles non résolues très proche de l’objet central. Ainsi, l’étude préliminaire réalisée en bande K semble exclure la présence d’une source ponctuelle de l’ordre de 1 mJy à la position de Sgr A?, ce qui signifie que le flux mesuré ne peut pas entièrement être attribué à Sgr A?. Les origines alternatives envisagées, à savoir, une sous-estimation de la contribution des étoiles alentour, un biais de calibra-tion ou l’ajout d’une composante diffuse, peuvent toutes être modélisées par une source stellaire à la position du trou noir. Par conséquent, les tests préliminaires réalisés semblent confirmer la présence d’une contribution stellaire de l’ordre de 1 mJy à la position de Sgr A?. Nos résultats seraient ainsi compatibles avec ceux des études précédentes et confirmeraient la variabilité de l’indice spectral de Sgr A?en fonction du flux des sursauts.

5.3.3 Résultats des observations VLBA

La campagne d’observation multi-longueur d’onde, menée par notre groupe en mars 2012, a égale-ment servi à déclencher des observations VLBA visant à mesurer une possible variation de la taille de Sgr A?pendant les sursauts brillants. Les observations ont été réalisées à 7 mm pendant cinq périodes différentes et sont résumées sur la Figure 5.10. En particulier, trois observations ont été déclenchées suite à la détection d’un sursaut infrarouge en temps réel, il s’agit du sursaut du 19 mars 2012 et deux autres sursauts détectés par les instruments du Keck. Ces observations radio ont permis de me-surer pour la première fois la taille intrinsèque de Sgr A? à 7 mm et en deux dimensions. A cette

longueur d’onde, la morphologie de Sgr A? est compatible avec une gaussienne elliptique d’axes 35.4 RS × 12.6 RS (environ 0.36 × 0.13 marcsec2). Cette élongation est compatible avec la forme et l’orientation de l’émission quiescente étendue de Sgr A?qui a été mesurée en rayons X avec l’ob-servatoire Chandra (cf. Figure 1.4, Wang et al., 2013), et elle pourrait révéler la présence d’un jet ou d’un flot d’accrétion asymétrique. Néanmoins, l’orientation de cette structure n’est compatible ni avec l’orientation des structures de la région interprétées comme des jets émanant de Sgr A? (Yusef-Zadeh et al., 2012a; Li et al., 2013b), ni avec l’orientation des restes d’éjections majeures qui sont perpendiculaires au plan Galactique (Markoff, 2010; Ponti et al., 2013).

Enfin, les mesures réalisées n’ont pas permis de détecter une variation de la taille du trou noir pen-dant, ou quelques heures après, des sursauts détectés en infrarouge proche et/ou en rayons X. Ce résultat permet de mettre une limite supérieure de 15% à la variation de la taille intrinsèque du trou noir pendant les cinq périodes d’observation considérées. Cette absence d’expansion suggère que les sursauts visibles en rayons X et en infrarouge proche sont générés par un processus d’accélération de particules unique qui n’affecte pas significativement l’énergie totale du système, mais de plus amples campagnes d’observation multi-longueur d’onde sont nécessaires pour comprendre le lien entre la variabilité en X et en infrarouge et la taille de la source radio (Bower et al., 2014).