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Contraintes sur la distribution de matière de la zone moléculaire centrale

2.2 Structure de la zone moléculaire centrale

2.2.2 Contraintes sur la distribution de matière de la zone moléculaire centrale

La distribution de matière dans le plan du ciel est relativement bien connue grâce aux différents rele-vés moléculaires et aux cartes de température de la poussière. Ces données indiquent que les nuages sont distribués le long d’une structure ayant, en projection, la forme du signe infini (cf. Figure 2.5). Par ailleurs, la résolution en vitesse de certaines données permet d’inférer le nombre de structures distinctes (ie. apparaissant à des vitesses différentes) dans une direction donnée. Néanmoins la posi-tion précise de ces nuages le long de la ligne de visée n’est pas facilement accessible, et il existe à ce jour différentes tentatives de reconstruction de la géométrie 3D de la zone moléculaire centrale.

Mesure de parallaxe

Une mesure de parallaxe a été réalisée sur le nuage Sgr B2. Reid et al. (2009) ont mesuré le dé-placement annuel de deux cœurs de formation stellaire, en utilisant la cinquantaine de masers H2O contenus dans ceux-ci. En faisant ensuite l’hypothèse que ce nuage était proche du centre Galactique et sur une orbite faiblement excentrique autour de Sgr A?, les auteurs en ont déduit que le nuage devait se trouver environ 130 pc devant le plan du trou noir. Cette mesure, pour l’instant limitée au nuage Sgr B2, repose donc sur un modèle de la dynamique globale au centre de la Galaxie.

Estimations de l’absorption

Cette méthode repose sur le fait que la zone moléculaire centrale est vue par la tranche, ainsi les spectres de deux nuages positionnés à des distances différentes le long de la ligne de visée ne pré-sentent pas les mêmes caractéristiques. En particulier, il est possible de considérer la quantité d’ab-sorption à la position de chaque nuage moléculaire, puis à l’aide d’un modèle global de la distribution des sources du rayonnement, c’est-à-dire de la matière, des étoiles ou du plasma, il est possible d’es-timer la position de ces nuages à l’intérieur de la zone moléculaire centrale. Il existe à ce jour trois études de ce type, menées à l’aide d’observations à différentes longueurs d’onde, que nous présentons ci-dessous.

Absorption par la molécule OH. Sawada et al. (2004) ont proposé une méthode pour estimer la distribution du gaz tracé par la molécule CO en la comparant à un relevé similaire traçant la molécule OH. Le premier relevé trace l’émission de l’ensemble de la matière présente dans la zone molécu-laire centrale, sans distinction de position, tandis que le second mesure le taux d’absorption par les nuages et indique donc préférentiellement la matière placée en avant-plan (la majorité du rayonne-ment continu produit par la zone moléculaire centrale doit alors traverser le nuage en question pour nous parvenir et est donc fortement absorbé). Il est ainsi possible d’obtenir une distribution de la matière le long de la ligne de visée (cf. Figure 2.6, gauche). Dans le modèle proposé, Sgr B se situe proche du plan de Sgr A? et en avant de Sgr C. Le résultat dépend, entre autres, de la distribution axi-symétrique supposée pour l’émission continue. De plus, la résolution spatiale des relevés utilisés ne permet pas de déterminer la position des structures moins étendues.

Absorption du rayonnement infrarouge. Vollmer et al. (2003) ont proposé une distribution des nuages le long de la ligne de visée en mesurant les phénomènes d’extinction du rayonnement stellaire dans le domaine infrarouge proche. Ce calcul, limité aux 60 pc centraux, suppose que les nuages sont optiquement épais aux longueurs d’onde considérées et que les étoiles (en partie absorbées) sont distribuées de manière axi-symétrique autour de Sgr A?. Cette méthode suggère notamment que les nuages 50 km/s et 20 km/s sont situés en avant de Sgr A?. Ce qui est en désaccord partiel avec d’autres estimations de leur position respective (cf. Section 2.1.2 et ci-après).

Absorption caractérisée dans le spectre des nuages en rayons X. Ryu et al. (2009, 2013) ont pro-posé une méthode similaire basée sur l’absorption de l’émission diffuse en rayons X de la zone molé-culaire centrale par les nuages massifs. Cette technique a été appliquée aux complexes Sgr B et Sgr C en utilisant les données de l’observatoire Suzaku. Les résultats dépendent fortement de la distribution considérée pour l’émission diffuse. Ils proposent ainsi que le complexe Sgr B soit positionné environ 50 pc en avant du plan de Sgr A?, tandis que le complexe Sgr C pourrait en réalité être composé de deux parties distinctes, l’une placée en arrière du plan du trou noir et la seconde en avant de ce même plan.

Contraintes liées aux interactions entre les structures

Les diagnostics relatifs aux interactions entre les différentes structures présentes dans la zone molécu-laire centrale portent sur une étude de la composition des nuages (ionisation ou molécules traçant les chocs) ainsi que sur des contraintes morphologiques et dynamiques. Ainsi, les régions HIIcompactes peuvent, par exemple, indiquer l’interaction entre une onde de choc et un nuage. De telles régions ont

FIGURE2.6 – Trois modèles proposés pour rendre compte de la distribution des nuages de la zone moléculaire centrale le long de la ligne de visée. (Gauche) Modèle de Sawada et al. (2004) déduit des traceurs CO et OH. La matière présente au centre de la Galaxie (contours noirs) suivrait une forme allongée et inclinée selon la ligne de visée de sorte que les structures les plus à l’ouest Galactique présentent un taux d’absorption de la molécule OH plus important que les structures à l’est. Ces auteurs ont également localisé les structures les plus massives, à savoir, Sgr A, Sgr B, Sgr C et le complexe 1.3, ainsi qu’un anneau en expansion (EMR, Expanding Molecular Ring). (Centre) Modèle de Sofue (1995) basé sur des contraintes dynamiques. L’auteur met en évidence la présence de deux bras distincts (Arm I et Arm II) et il choisit de positionner le bras contenant Sgr B en avant-plan et celui contenant Sgr C en arrière de Sgr A?. (Droite) Modèle de Molinari et al. (2011) basé sur une modélisation de la morphologie et de la dynamique observée dans la zone moléculaire centrale. Dans ce modèle, les nuages sont répartis sur une ellipse correspondant aux orbites x2(cf. Figure 2.1, droite). Sgr A?est situé à l’intérieur de l’ellipse et Sgr B et Sgr C sont plutôt en arrière du plan du trou noir tandis que les nuages 20 km/s et 50 km/s sont tous deux devant Sgr A?.

été détectées dans le nuage 50 km/s et elles pourraient indiquer une interaction de ce nuage avec le reste de supernova Sgr A East. Dans ce cas, les deux structures sont proches et toutes deux situées derrière Sgr A?(cf. Section 2.1.2 et Ekers et al., 1983; Yusef-Zadeh & Morris, 1987). Néanmoins, il semblerait que l’âge des régions HIIdétectées soit bien supérieur à l’âge de la supernova. Si tel est le cas, les preuves d’interaction sont plus réduites et reposent uniquement sur la forme et les vitesses du nuage 50 km/s. Ces deux diagnostics semblent indiquer qu’une partie du nuage est effectivement poussée par l’onde de choc en provenance de Sgr A East et que ces deux structures doivent donc être relativement proches (Mezger et al., 1989; Genzel et al., 1990).

Modèles dynamiques

Les vitesses données par les raies moléculaires peuvent également être utilisées pour contraindre la dynamique globale de la zone moléculaire centrale et ainsi proposer une répartition de la matière le long de la ligne de visée. Cette technique a d’abord été employée par Sofue (1995). Les diagrammes présentant la vitesse des structures moléculaires tracées par la molécule 13CO en fonction de leur position le long du plan galactique a ainsi permis de mettre en évidence deux bras distincts (cf. Fi-gure 2.6, centre). La position de ces bras le long de la ligne de visée a été fixée en supposant deux positions pour les nuages Sgr B (en avant) et Sgr C (en arrière du plan de Sgr A?). Les deux bras en question pourraient faire partie du même anneau de matière centré à la position de Sgr A?.

Plus récemment, Molinari et al. (2011) ont mis en œuvre une méthode similaire en utilisant les cartes Herschel, donnant une estimation de la distribution de matière dans le plan de ciel, et les vitesses

mesurées pour la molécule CS (Tsuboi et al., 1999a). La sur-densité de matière dessinant le signe ∞ dans le plan du ciel (cf. Figure 2.5) est alors décrite comme un anneau incurvé dont la vue de dessus est donnée par la Figure 2.6 (droite). Il s’agit d’une ellipse inclinée d’un angle de 40 par rapport à la ligne de visée et dont le demi-grand axe mesure environ 100 pc. Sgr A? n’est pas au centre de l’ellipse mais se trouve environ 20 pc derrière les nuages 50 km/s et 20 km/s. L’anneau de matière est globalement compatible avec les orbites stellaires x2tandis que les régions les plus denses (Sgr B2 et Sgr C) correspondent à la jonction entre cet anneau et les orbites stellaires x1 (voir aussi Figure 2.1). Ce modèle rend compte de la dynamique globale de la zone moléculaire centrale avec des vitesses principalement positives sur le bras avant et négatives sur le bras arrière. Cependant, en plaçant le nuage Sgr B2 derrière Sgr A?, ce modèle est en désaccord à la fois avec les mesures de parallaxes (Reid et al., 2009) et avec l’absorption élevée observée dans la région (Ryu et al., 2009). De plus, la position proposée pour les nuages 20 km/s et 50 km/s, tout deux assez loin devant Sgr A?, est également en désaccord avec certains des modèles énoncés précédemment (Ferrière, 2012).

Les incertitudes relatives aux différents diagnostics sont telles qu’il n’existe à ce jour aucun consen-sus concernant la distribution de matière dans la zone moléculaire centrale. Ainsi, certains détails du modèle proposé par Molinari et al. (2011) semblent en contradiction avec la plupart des autres modèles. Néanmoins, l’idée générale d’une structure pouvant s’apparenter à un tore de matière en rotation autour de l’objet central semble pertinente et les paramètres proposés seront certainement amenés à évoluer. En effet, les auteurs se sont limités à la région délimitées par les complexes Sgr B et Sgr C mais il se pourrait que le tore de matière s’étende davantage en direction des longitudes posi-tives. Dans ce cas, le nuage Sgr B pourrait par exemple être avancé vers des positions plus réalistes. Il est également possible que la matière soit distribuée non pas selon un, mais selon plusieurs anneaux et/ou qu’il existe des structures indépendantes.