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Propagation du signal

En théorie, le flux dans la raie Fe Kα ainsi que le signal dans le continu permettent donc de quantifier précisément la luminosité des événements de réflexion mais cela suppose de connaître précisément les paramètres du nuage qui les reflète. D’autre part, le trajet parcouru par le rayonnement réfléchi est plus long que le trajet direct de la lumière jusqu’à nous (cf. Figure 6.4). Ceci se traduit par un retard de l’émission réfléchie par rapport à l’émission directe et c’est cette propriété qui nous permet d’étudier l’émission passée de la source.

6.2.1 Retard de l’émission réfléchie et parabole de l’événement

En pratique, les nuages considérés dans notre étude se trouvent dans les régions centrales de la Ga-laxie, proches de Sgr A?, et il est donc raisonnable de considérer que la distance D ∼ 8 kpc entre le trou noir et l’observateur est très grande par rapport à la distance entre les nuages et Sgr A?.

Considérons le cas général d’un nuage réfléchissant le rayonnement en provenance de Sgr A?, tel qu’illustré par la Figure 6.4 (gauche). Le retard t de l’émission réfléchie par rapport à l’émission directe est donné par ct = d + z, où c est la célérité de la lumière dans le vide, d la distance entre le nuage et la source et z la position du nuage le long de la ligne de visée. Ce dernier paramètre peut être positif, comme sur la Figure 6.4, ou négatif si le nuage est situé en avant du trou noir par rapport à l’observateur. La distance d peut également s’exprimer en fonction de z et de la distance projetée dproj calculée à partir des coordonnées Galactiques. Tous les nuages diffusant l’émission du trou noir avec un retard t sont donc situés sur la surface d’un paraboloïde défini par l’équation (6.14),

z(t) = 1 2 ct − d 2 proj ct ! . (6.14)

Autrement dit, les isochrones peuvent être facilement représentées dans le plan indiquant la distribu-tion de matière le long de la ligne de visée, en foncdistribu-tion de la distance projetée de chaque nuage au trou noir : ce sont alors des paraboles (cf. Figure 6.4, droite). Considérons un événement passé du trou noir d’une durée ∆t et s’étant terminé il y a t années. Dans le plan de coordonnées (z, dproj), cet événement est délimité par les deux paraboles z(t) et z(t + ∆t), c’est-à-dire que tous les nuages entre ces deux paraboles sont illuminés par l’événement en question alors que les nuages sous la première parabole ne sont plus illuminés et que les nuages au-delà de la seconde parabole ne sont pas encore illuminés. Un exemple d’événement ainsi que son évolution au cours du temps sont représentés sur la Figure 6.6 (colonne de gauche).

6.2.2 Variations du signal réfléchi au cours de temps

Dans la section précédente, nous avons vu qu’à un temps t donné, un événement passé du trou noir peut être représenté dans le plan de coordonnées (z, dproj). Il s’agit d’une région entre les paraboles correspondant au début et à la fin de l’émission. Par la suite, nous parlons de « la parabole » de l’événement pour faire référence à cette région illuminée.

Dans la mesure où l’émission en provenance de Sgr A?n’est pas constante au cours du temps, l’émis-sion liée au processus de réflexion varie au fur et à mesure que le signal se propage dans l’espace en s’éloignant de la source centrale. Il est donc possible de calculer la vitesse de propagation attendue

dans le plan du ciel pour une distance z fixée,

˙

dproj = c +(ct − dproj) 2

2 t dproj . (6.15)

La vitesse de propagation apparente est donc égale à la vitesse de la lumière si le nuage est en z = 0, et supérieure à la vitesse de la lumière s’il est en avant ou en arrière du plan du trou noir. Cette caractéristique est une signature forte des phénomènes de réflexion et nous y ferons référence en termes de propagation apparente superluminique. Il est également possible de calculer la vitesse de propagation du signal le long de la ligne de visée pour une position dprojfixée,

˙ z = c −z t = c 2+ d2proj 2 c t2. (6.16)

Cette vitesse peut également atteindre des valeurs superluminiques, notamment si le nuage est en avant du plan de Sgr A?, et diminue à mesure que z augmente, avec une valeur seuil de c/2relative à l’aller-retour que doit effectuer le rayonnement pour nous parvenir si le nuage est situé derrière le plan de Sgr A?.

Ainsi, si la distribution de matière le long de la ligne de visée est connue, il est facile de prévoir la propagation du signal de réflexion dans les régions internes de la Galaxie. Afin de modéliser le phénomène de réflexion et de comprendre les variations observées au centre de notre Galaxie, j’ai créé un outil python permettant de simuler la propagation de différents événements à l’intérieur d’une distribution de matière préalablement choisie.

Modèle de propagation du signal de réflexion

Afin de comprendre les variations de l’émission réfléchie observées en projection dans le plan du ciel, il est nécessaire de modéliser le phénomène en trois dimensions, et notamment le long de la ligne de visée. J’ai donc choisi de représenter les événements simultanément en coordonnées galactiques (l, b) dans le plan du ciel (cf. Figure 6.6, colonne de droite) et dans le plan de coordonnées (z, dproj). Ce second plan correspond à une sorte de vue de dessus de la Galaxie (cf. Figure 6.6, colonne de gauche) où l’axe z est la ligne de visée et dprojest la distance projetée, c’est-à-dire la distance entre la structure considérée et le trou noir central, telle qu’elle est mesurée dans le plan du ciel.

Nous considérons ensuite deux types d’objets : les nuages et les événements. Chaque nuage est défini comme un ellipsoïde de densité homogène, à une position (l, b, z) donnée et est donc représenté par une ellipse dans chacun des deux plans décrits ci-dessus. La position et l’extension du nuage le long de la ligne de visée peuvent être, soit fixées, soit calculées en fonction d’un retard et d’une durée d’illumination choisis. Les événements sont, eux, décrits par deux paraboles dans le plan (z, dproj), comme expliqué à la Section 6.2.1. L’âge t, correspondant à la différence de temps entre fin de l’évé-nement et l’observation, ainsi que la durée ∆t de l’évél’évé-nement, permettent d’identifier les nuages qui se trouvent dans la zone d’illumination, c’est-à-dire les nuages dont une partie au moins se situe entre les deux paraboles de l’événement. Une fois définies, ces zones de réflexion servent à calculer l’in-tensité du signal en chaque point et à projeter le signal dans le plan du ciel. Comme expliqué à la Section 6.1.4, l’intensité du signal est inversement proportionnelle au carré de la distance entre le nuage et Sgr A?, et elle est proportionnelle à la densité de colonne éclairée (directement mesurable en termes d’épaisseur illuminée le long de la ligne de visée puisque les nuages utilisés dans le modèle sont homogènes). Ainsi, mon programme permet de définir une distribution de matière, de fixer une

durée d’événement à l’origine de l’illumination des nuages en question et de regarder les variations attendues dans le plan de ciel en faisant varier l’âge t de l’événement. Néanmoins, l’absorption du rayonnement par les nuages moléculaires et la matière interstellaire est entièrement négligée dans mon modèle.

Exemple d’application : l’anneau de Molinari

Les variations obtenues dans le plan du ciel sont rarement intuitives mais certaines tendances peuvent cependant être mises en évidence. Afin de fournir un exemple concret de variations possibles, j’ai utilisé le modèle 3D de la zone moléculaire centrale fourni par Molinari et al. (2011). En utilisant les paramètres de l’anneau incurvé décrit à la Section 2.2.2, j’ai distribué, le long de la ligne de visée, des nuages préalablement sélectionnés sur la carte de NH déduite des observations Herschel (cf. Figure 6.5). J’ai ensuite choisi d’étudier la propagation d’un événement d’une durée de 50 ans dans cette distribution de matière, et de regarder les variations résultantes dans le plan du ciel pendant les 1000 années suivant la fin de l’événement. Les résultats sont présentés sur la Figure 6.6 ; la colonne de gauche montre les régions couvertes par l’événement au cours du temps tandis que l’illumination correspondante, telle qu’elle serait vue dans le plan du ciel, est montrée dans la colonne de droite. L’analyse des variations permet de mettre en avant certaines tendances :

• La carte du ciel seule ne permet pas de prévoir la chronologie précise avec laquelle les nuages vont s’éclairer. En particulier, un nuage proche de Sgr A? en projection mais situé derrière le plan du trou noir sera illuminé après un nuage d’apparence plus éloigné mais se trouvant devant le plan du trou noir.

• Dans chaque nuage, la propagation du signal tend à se faire dans la direction opposée à Sgr A?. Néanmoins, si le nuage présente une certaine extension le long de la ligne de visée, il existe un intervalle dans lequel l’angle d’orientation du nuage selon cette même ligne permet de montrer une propagation dans le sens inverse. Cet intervalle se situe entre la ligne de visée et la tangente à la parabole à la position du nuage considérée. Il est donc très réduit pour les nuages en avant du trou noir et plus facile à obtenir pour des nuages en arrière du trou noir.

• La brillance de surface du signal réfléchi diminue avec le temps. Ceci est dû au fait que, au fur et à mesure que le temps passe, les nuages illuminés sont globalement de plus en plus loin du trou noir. Ceci n’est pas vrai pour tous les nuages puisque, d’une part, les nuages très en avant du trou noir peuvent être illuminés très peu de temps après le début de l’événement, même s’ils sont à une distance importante du trou noir et, d’autre part, parce que les variations de densité d’un nuage à l’autre peuvent masquer cette tendance générale. Par ailleurs, les effets d’absorption, liés à la distance parcourue par le rayonnement avant d’atteindre le nuage (négligés dans cette simulation), tendent également à diminuer la brillance de surface des nuages les plus distants.

• Le modèle proposé par Molinari et al. (2011) prédit une très faible fraction de matière illuminée par un événement à un temps donné.

Extraction de courbes de lumières

En pratique, nous disposons d’observations régulières de l’émission dans la raie du fer depuis le début des années 2000. Il est donc possible de contraindre le profil des courbes de lumière d’une partie des nuages présents au centre de la Galaxie. Ces courbes sont le résultat de la convolution de la courbe de lumière de l’activité passée de Sgr A? avec la distribution de matière des nuages. Afin de rendre

FIGURE6.5 – Distribution de matière créée à partir du modèle proposé par Molinari et al. (2011) pour rendre compte de la dynamique de la zone moléculaire centrale. (Gauche) Carte de NHdu centre Galactique réalisée à partir des cartes de l’instrument SPIRE à bord du satellite Herschel. Les régions les plus denses (blanc) semblent distribuées le long d’un signe ∞ de 200 pc de long. Les ellipses identifient les nuages que j’ai choisis pour simuler la propagation du signal dans les régions internes de la Galaxie. Elles soulignent la morphologie de l’anneau et leur couleur rend compte de la dynamique générale autour de Sgr A?(croix verte), les nuages qui s’éloignent sont en rouge, ceux qui s’approchent en bleu. (Droite) Diagramme présentant la position des nuages sélectionnés le long de la ligne de visée. La matière dessine un anneau dont la forme incurvée en 3D permet d’expliquer la distribution de matière observée sur la carte de gauche (code couleur identique). Le modèle suppose que Sgr A?se situe 24 pc à l’ouest du centre de l’ellipse et environ 20 pc derrière les nuages 50 km/s et 20 km/s. Ce schéma est à rapprocher de celui présenté à la Figure 2.6 (droite).

compte des différents profils de courbes de lumière pouvant résulter de cette convolution, j’ai utilisé le programme décrit précédemment pour simuler la propagation d’événements de durées différentes, à l’intérieur de distributions de matière variées. Les résultats sont présentés sur la Figure 6.7.

Si le nuage considéré est relativement petit par rapport à la taille (c∆t) de l’événement, alors la courbe de lumière du nuage est très semblable à celle du rayonnement incident. Néanmoins, si le nuage pré-sente une extension importante le long de la ligne de visée, alors la courbe de lumière initiale est significativement modifiée par sa convolution avec le nuage. Les échelles de temps des courbes de lumière résultantes sont alors plus longues. Ces exemples montrent également que l’équation (6.11) prédisant le flux des nuages en fonction de la luminosité du rayonnement incident n’est valide que dans le cas où les nuages sont entièrement illuminés, ce qui n’est pas vérifié si l’événement est très court ou si le nuage est relativement étendu le long de la ligne de visée (cf. Figure 6.7). Ainsi, ex-traire des informations sur l’événement à l’origine de l’illumination sans connaissance préalable des propriétés du nuages n’est a priori pas trivial.