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Observation du centre Galactique dans le domaine infrarouge

3.2 Observatoires infrarouges

3.2.1 Observation du centre Galactique dans le domaine infrarouge

Le centre Galactique est une région très dense et l’émission en provenance de Sgr A?que nous voulons observer est relativement faible par rapport à celle émanant des étoiles alentour. Il est donc important d’utiliser des télescopes possédant un miroir primaire le plus grand possible afin de maximiser le pouvoir de résolution et la surface collectrice de l’instrument. La taille des observatoires spatiaux étant limitée par les contraintes de lancement, les observations de haute résolution du centre Galactique sont pour l’instant majoritairement menées grâce à des télescopes au sol, notamment le VLT dont un schéma de principe est donné sur la Figure 3.3. La qualité des observations est donc fortement dépendante des propriétés de l’atmosphère terrestre.

L’atmosphère terrestre : transparence, turbulence et émission

Dans le domaine infrarouge l’atmosphère est en partie transparente au rayonnement, ce qui rend pos-sibles les observations depuis le sol. Les observations sont donc menées dans les fenêtres représentées sur la Figure 3.3 (droite), nommées Y, J, H, K, L et M et centrées respectivement en 1, 1.25, 1.65, 2.2, 3.6 et 4.8 µm. Les longueurs d’onde en dehors de ces fenêtres de visibilité sont quasiment entière-ment absorbées par des molécules en suspension dans l’atmosphère, principaleentière-ment celles de l’eau et du dioxyde de carbone. La quantité d’absorption pour l’ensemble des longueurs d’onde infrarouges varie donc avec la masse d’air et la quantité de vapeur d’eau en suspension dans l’atmosphère.

Par ailleurs, la turbulence atmosphérique affecte les observations au sol en déformant le front d’onde du rayonnement incident (cf. Figure 3.3, gauche). Les conséquences de cette turbulence sont quanti-fiées par deux paramètres : le paramètre de Fried r0 et le paramètre τ0qui indiquent respectivement l’échelle spatiale et l’échelle temporelle à partir desquelles les effets de la turbulence deviennent si-gnificatifs. En pratique, la turbulence atmosphérique réduit le pouvoir de résolution θ du télescope qui n’est plus alors limité par la diffraction (θ =1.22 λ/D, avec D le diamètre du télescope) mais par le paramètre de Fried (θ =1.22 λ/r0, avec r0 ∝ λ6/5

de l’ordre de 60 cm dans le domaine infrarouge proche). Ainsi, pour bénéficier pleinement de la haute résolution spatiale, quelques grands télescopes sont équipés de systèmes d’optique adaptative qui corrigent la déformation du front d’onde quasiment en temps réel (cf. Figure 3.3 et Section 3.2.2). Ces instruments permettent en théorie de s’approcher de la limite de diffraction mais leurs capacités varient selon les conditions atmosphériques et la lon-gueur d’onde observée. En effet, des valeurs faibles pour les paramètres r0 et τ0 peuvent rendre la correction difficile, voire impossible, notamment aux plus basses longueurs d’onde. En pratique, les effets de la turbulence atmosphérique sont quantifiés par le « seeing » qui indique la largeur de la PSF d’une source imagée sans optique adaptative et peut être directement relié au paramètre de Fried. Sur les sites d’observation privilégiés, le seeing est généralement de l’ordre de la seconde d’arc.

Enfin, l’atmosphère rayonne dans le domaine infrarouge et crée donc une émission de fond qu’il faut soustraire des observations. Cette contribution dépend de la longueur d’onde considérée. En dessous de 2.2 µm, l’émission des couches supérieures de l’atmosphère domine, notamment celle de la mo-lécule OH. Cette émission étant située au-dessus des zones les plus turbulentes, elle est relativement

FIGURE3.3 – (Gauche) Schéma du système d’optique adaptative au foyer Cassegrain d’un télescope du VLT. Avant son entrée dans l’atmosphère, le rayonnement en provenance de l’objet observé est une onde plane. Cette onde traverse les couches turbulentes de l’atmosphère et se déforme avant d’atteindre le télescope. Elle est ensuite réfléchie par plusieurs miroirs successifs dont le miroir primaire de 8.2 m de diamètre qui collecte la lumière, le miroir de basculement qui permet de corriger légèrement le pointage sans avoir à bouger l’ensemble du télescope et un miroir déformable qui corrige le front d’onde (le montage réel présente plusieurs miroirs et optiques supplémentaires, non représentés ici). La correction du front d’onde est réalisée quasiment en temps réel : une fraction du signal réfléchi par le dernier miroir est envoyée grâce à une lame séparatrice vers un analyseur de front d’onde (WFS, Wave Front Sensor) qui calcule la déformation à appliquer au miroir, en utilisant l’image d’une étoile naturelle ou artificielle (cf. Section 3.2.2 pour plus de détails). Le front d’onde ainsi corrigé est focalisé sur le détecteur en sortie du télescope. L’étoile artificielle représentée sur le schéma est créée grâce à un Laser qui excite le sodium présent dans les couches supérieures de l’atmosphère, à une altitude d’environ 80 km, ce qui produit une image similaire à celle d’une étoile réelle. (Droite, en haut) Fonction de transmission de l’atmosphère dans le domaine du proche infrarouge calculée par Lord (1992). Les lettres Y, J, H, K, L et M correspondent aux bandes de longueurs d’onde où les observations sont possibles. (Droite, en bas)Photographie du VLT que j’ai prise pendant nos observations du centre Galactique, le 19 mars 2012. Le Laser sodium est clairement visible et pointe dans la direction de Sgr A?, vers une région dont l’émission est fortement absorbée par la matière interstellaire dans le domaine visible.

stable au cours du temps. En revanche, aux plus hautes longueurs d’onde, les observations sont for-tement contaminées par l’émission locale (de l’atmosphère et du télescope) qui est, elle, forfor-tement variable. Ces différences induisent des techniques d’observation et de réduction des données relative-ment différentes selon les longueurs d’onde considérées.

Les techniques d’observation

La brillance des sources et le rayonnement thermique de l’environnement obligent à recourir à un temps d’exposition (DIT, Detector Intergration Time) très court pour éviter la saturation du détec-teur, notamment aux plus grandes longueurs d’onde. Chaque observation est donc divisée en une multitude de poses qui sont ensuite recombinées lors de l’analyse de données. Ce découpage de l’ob-servation permet également de figer les effets de la turbulence atmosphérique et de pouvoir supprimer de l’image finale les DIT qui ne présenteraient pas une correction du front d’onde optimale.

Pour les longueurs d’onde les plus grandes, l’émission thermique de l’atmosphère constitue une com-posante variable du signal qu’il faut échantillonner le plus fréquemment possible afin de la soustraire. Il existe pour cela une technique dite de « Jitter » (gigue en français) qui consiste, entre deux ob-servations, à faire fluctuer aléatoirement la position de la source dans le champ de vue. Cette tech-nique permet ensuite de prendre la médiane de plusieurs images obtenues dans un intervalle de temps court, afin de faire disparaitre la contribution des sources et d’obtenir ainsi l’estimation moyenne du fond (sky) sur la période en question. Ce procédé est performant pour les régions relativement vides mais est plus délicat à appliquer pour les régions denses telles que le centre Galactique. Il est alors conseillé d’alterner les observations de ces régions avec des observations de régions connexes relativement vides afin d’améliorer la soustraction du fond. Cette méthode appelée « chopping and nodding » implique une perte de temps d’observation importante, pouvant aller jusqu’à 50%. L’en-semble des modifications de pointés sont réalisés en pivotant le miroir de basculement (cf. Figure 3.3, gauche) ce qui modifie également le chemin optique entre deux images successives. Pour les dépla-cements importants, cette différence est visible aux plus grandes longueurs d’onde, notamment en bande M, et peut être corrigée par le « nodding » qui consiste à bouger, de temps à autres, l’ensemble du télescope.

Enfin, les observations sont également soumises aux imperfections des optiques et du détecteur. Ces modifications apportées au signal peuvent être observées directement en effectuant des observations en champ uniforme (flat field) et en l’absence de source (dark). Ces observations sont réalisées en début et en fin de nuit, dans les mêmes conditions instrumentales que celles des observations, et permettent de corriger les deux composantes du fond correspondantes (cf. Section 3.2.3).

L’absorption interstellaire

Comme dans le domaine des rayons X, l’absorption interstellaire du rayonnement infrarouge est très importante dans la direction du centre Galactique et dépend fortement de la longueur d’onde. Cette atténuation du signal induit un rougissement du spectre des sources et peut être estimée expérimen-talement (voir par exemple Fritz et al., 2011). La Table 3.6 renseigne les valeurs des coefficients d’absorption et la correction correspondante est explicitée par l’équation (3.3).