Point de vue des coordonnateurs sur ces formes d’action bénévole

Les coordonnateurs des divers programmes et organismes ont discuté des différentes formes d’action bénévole possibles dans la lutte contre la maltraitance des personnes aînées. À cet égard, leurs propos convergent avec ceux de bénévoles.

7.5.1 Point de vue des coordonnateurs sur l’animation d’activités de sensibilisation par les bénévoles

Ainsi, quatre des sept coordonnateurs, soit ceux issus du programme 2, ont parlé de l’engagement des bénévoles dans des activités de sensibilisation au problème social de la maltraitance; rappelons que le programme 2 est voué à la présentation d’activités de sensibilisation à la maltraitance, activités qui sont coanimées par un bénévole et un policier. De même, les trois coordonnateurs provenant des autres programmes ou organismes ont mentionné que la participation des bénévoles concernait essentiellement la coanimation des activités de sensibilisation. Selon Julie :

On a des bénévoles comme ça qui se rendent disponibles pour [animer] des activités [de sensibilisation]. Cet automne, on a des [activités de sensibilisation] qu'on va animer, ça prend la forme d'une demi-journée […]. Ce n’est pas juste une activité récréative et festive, c'est aussi une activité où on va venir comme sensibiliser à la maltraitance, mais sous une forme peut-être plus festive de jeux lors de la tenue de ce type d’activité. Deux bénévoles vont animer un jeu sur la maltraitance financière. (Julie, organisme 1)

Par ailleurs, Jean mentionne que l’engagement des bénévoles dans l’animation d’activités de sensibilisation constitue un projet intéressant à envisager.

Dans les trois prochaines années qui suivront, moi, j'ai l'intention de former des bénévoles pour qu'ils donnent des conférences sur la maltraitance. (Jean, programme 1)

De plus, trois coordonnateurs ont précisé que l’action bénévole pouvait prendre plusieurs autres formes, par exemple siéger sur un conseil d’administration ou à des tables de concertation ou tenir des kiosques d’information. Ces coordonnateurs ont également discuté de l’implication des bénévoles dans des tâches plus cléricales telles que la distribution de dépliants. Comme nous l’avons mentionné plus haut, le rôle des bénévoles se différencie de celui des professionnels, comme nous le verrons plus en détail dans la prochaine section.

7.5.2 Point de vue des coordonnateurs sur la délimitation du rôle des bénévoles dans la lutte contre la maltraitance

Comme nous l’avons vu dans la section portant sur l’analyse des entrevues des bénévoles, la délimitation du rôle des bénévoles par rapport à celui des intervenants professionnels constitue un thème fort, mais ce thème émerge tout aussi fortement des entrevues qui ont été effectuées avec les coordonnateurs de bénévoles.

7.5.2.1 Délimitation liée à l’expérience et au rôle des bénévoles

À l’instar de ce qui a été évoqué par les bénévoles, les propos des coordonnateurs parlent de l’importance de bien délimiter le rôle des bénévoles par rapport à celui des intervenants professionnels. Rappelons ici que la question de la délimitation des actions entre les bénévoles et les professionnels est bien documentée, et ce, autant dans les écrits plus généraux sur le bénévolat (voir entre autres Sévigny et Vézina, 2007) que dans les écrits plus spécifiques sur le bénévolat dans la lutte contre la maltraitance (voir entre autres Beaulieu et al., 2018c; Bédard-Lessard, 2018; Beaulieu et al., 2014).

Ainsi, ce coordonnateur souligne la nécessité de recadrer les limites des bénévoles dès le début de leur engagement :

Tu le vois aussi quand tu passes un bénévole en entrevue; il y en a qui sont trop exubérants, qui voudraient sauver l'humanité. Ce n’est pas ça, le but [du bénévolat dans la lutte contre la maltraitance envers les personnes aînées]. Parce qu’il y en a qui arrivent pour faire du bénévolat et qui ont plutôt une mentalité d'intervenant, ils pensent que c'est eux qui vont faire l'intervention, alors il faut leur expliquer que ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. (Jean, programme 1)

Une autre coordonnatrice parle de l’importance de cette délimitation des rôles des uns et des autres dans une situation particulière. Comme nous l’avons vu, les bénévoles ne se sentent pas toujours confortables dans une intervention individuelle, notamment lorsqu’ils reçoivent les confidences de personnes aînées qui ont été maltraitées :

J'ai vu des bénévoles aussi être mal à l'aise suite à des situations qui leur étaient racontées, des situations souvent où les gens vont s’ouvrir spontanément suite à une présentation. Les bénévoles, ce ne sont pas des psychologues, donc, lorsque ça tombe dans les émotions, ils se laissent prendre un peu dans le piège […] ils ne savent pas trop comment gérer ça et quoi faire. Les bénévoles sont là pour informer, donc ils peuvent répondre à des questions, ça, c'est correct, mais ils n’ont pas à émettre d'avis personnels. (Christine, programme 2)

Dans le même ordre d’idées, la coordonnatrice d’un organisme nous a dit que deux bénévoles appartenant à son organisme étaient engagés dans l’accompagnement individuel de personnes aînées en situation de maltraitance, mais elle précise que seules les situations les moins complexes leur étaient confiées :

[Interviewer : Comment se fait la collaboration entre les bénévoles et les deux intervenantes?] Je dirais que c'est un complément aux deux parce que notre intervenante qui est là à temps plein, elle a l'expérience, puis c'est très complexe quand on rentre dans les lois et la confidentialité. Donc, quand ce sont des gros cas, c’est nous, les intervenantes, qui nous investissons. Parce que nous, on est plus ferrés en gestion et en compréhension de la loi aussi parce que ce n'est pas évident. Nous avons une intervenante qui a une formation en droit […]. Alors, elle a beaucoup de compréhension au niveau du logement et des baux parce que, souvent, les personnes aînées se font beaucoup avoir avec ça. (Sylvie, organisme 2)

7.5.2.2 Délimitation liée aux actes professionnels réservés

Nous venons de montrer que, du point de vue des coordonnateurs, il importe de délimiter clairement le rôle des bénévoles et celui des intervenants professionnels. Comme cela a été mentionné dans la présentation du point de vue des bénévoles, cette délimitation apparaît nécessaire, ce qui converge avec les écrits spécifiques au bénévolat dans la lutte contre la maltraitance envers les personnes aînées (Ministère de la Famille et des Aînés, 2016; Beaulieu et al., 2014). À cet égard, deux coordonnateurs de bénévoles ont mentionné que selon eux, cette délimitation est attribuable notamment à la question de la protection des actes professionnels. Par exemple, la coordonnatrice d’un organisme aborde le sujet de l’imputabilité des personnes bénévoles envers leur organisme d’appartenance :

Il faut faire attention parce qu’on a nos limites et il ne faut pas se mettre dans la misère parce qu’il y a déjà eu des cas où des gens ont voulu nous poursuivre aussi, donc il faut faire attention [de ne pas impliquer les bénévoles dans ces situations]. Puis, souvent, des cas [de maltraitance envers les personnes aînées] très complexes, on va les travailler à deux intervenantes pour se couvrir l'une et l'autre. (Sylvie, organisme 2).

De même, la coordonnatrice d’un programme où les bénévoles vont coanimer des activités de sensibilisation avec un policier évoque l’importance de sensibiliser les bénévoles à leur imputabilité à l’égard de l’organisme auquel ils appartiennent :

Les bénévoles se sont engagés à représenter [l’organisme], donc c'est sûr qu’il y a un code d'éthique à respecter et c'est sûr qu’ils doivent dire de l'information qui est véritable. (Laurence, programme 2).

7.6 Exemples de pratiques d’action bénévole dans la lutte contre la maltraitance