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8. Résultats et discussion en lien avec l’objectif 2

8.1 Idéaux-types d’interdépendance et de reconnaissance

8.1.2 Deuxième idéal-type : l’interdépendance citoyenne, avec

L’analyse nous permet de dégager un deuxième idéal-type de bénévolat, soit celui qui se réfère à une interdépendance citoyenne où les bénévoles partagent, à l’instar du premier idéal-type de bénévolat, une commune humanité avec les personnes aînées en situation de maltraitance et pour qui l’engagement permet de s’en prémunir. Toutefois, pour ce deuxième idéal-type, l’action bénévole est motivée par une volonté de verser leurs compétences professionnelles dans la lutte contre la maltraitance et d’obtenir une reconnaissance de leur statut; c’est le cas de Maurice, de Danielle, de Pierre et de Pauline. Par exemple, Maurice, un ingénieur à la retraite, a lui-même fondé son organisme d’appartenance, afin de prévenir la maltraitance, autant pour lui-même que pour autrui :

Lorsque j’ai fondé [l’organisme de lutte contre la maltraitance], on se disait « aidons-nous nous-mêmes, les personnes aînées, on est capables de faire quelque chose ». Si on met ensemble notre savoir-faire, on va être capable d’obtenir à ce moment-là une banque de spécialistes qui va nous permettre de régler toutes sortes de problèmes auxquels les personnes aînées peuvent être soumises. (Maurice, organisme 1)

Les propos de Maurice montrent que l’interdépendance de ces bénévoles se situe à la fois sur la commune humanité en tant que personnes aînées qui ne sont pas à l’abri de subir une forme ou l’autre de maltraitance, mais également en tant que retraités détenant à la fois une expérience personnelle de même que des compétences qui peuvent être mises à profit dans la lutte contre la maltraitance. Par ailleurs, cette volonté de mieux répondre aux besoins des personnes traduit une certaine responsabilité morale chez les bénévoles, une responsabilité qui est porteuse de valeurs et qui peut renvoyer à l’une des dimensions de l’interdépendance. À ce propos, Danielle, qui fait référence à son expérience passée de proche aidante et qui a été témoin de situations de maltraitance, livre un témoignage évocateur :

J’ai été proche aidante, donc, pour moi, c'est très important d’avoir une préoccupation [pour la maltraitance envers les personnes aînées […] J’ai accompagné ma mère lors de nombreux rendez-vous médicaux et j’ai pu voir que certains membres du corps médical et infirmier ne s'adressaient qu'à moi, je trouvais ça ordinaire. […] moi, ça vient me chercher, là, c'est mes valeurs profondes, [la maltraitance envers les personnes aînées].

(Danielle, organisme 2)

De la même façon, Pauline, directrice scolaire à la retraite, exprime une idée similaire : [Le bénévolat] ça nous sensibilise à pas faire la même chose ou à ne pas vivre la même chose. Ça nous met en garde contre la maltraitance. (Pauline, organisme 2)

Nous voyons ici encore l’aller-retour constant entre les besoins du bénévole et les besoins de l’organisme. Qui plus est, étant donné que les bénévoles issus de cet idéal-type d’interdépendance détiennent tous une vie professionnelle très active où ils ont eu des interactions sociales enrichissantes, leur engagement est motivé par une volonté de continuité

dans cette vie active qui ne peut plus être comblée par le travail, comme le mentionne Pauline, cette directrice scolaire à la retraite :

Je venais tout juste de prendre ma retraite puis j'ai eu comme un vent de panique qui s'est emparé de moi, parce que je voyais beaucoup de monde dans mon travail puis je voyageais aussi à l'extérieur. Alors je me suis sentie comme très isolée […], j'ai comblé un besoin d'interactions [en m’engageant comme bénévole]. (Pauline, organisme 2)

Ces bénévoles sont reconnus pour leur bagage professionnel et leur apport dans la lutte contre la maltraitance, comme le mentionne Danielle :

J'ai travaillé pendant 25 ans avec les personnes aînées, j'étais adjointe en maintien à domicile dans un centre d'action bénévole, j'animais des groupes de proches-aidants, des groupes de bénévoles. Dans le cadre de ce travail-là, j'ai été appelée à siéger sur la table de concertation des personnes aînées et j'étais déléguée à la table de concertation sur la prévention des abus faits aux personnes aînées. Donc, pour moi, la préoccupation de la maltraitance, c'était très important. […] « On sort la fille de l'intervention, mais on ne sort pas l'intervention de la fille. » […] Le bénévolat, il faut que ça soit personnalisé pour chacun. (Danielle, organisme 1)

Par ailleurs, Maurice, qui a été ingénieur au cours de sa carrière, a mentionné que ses compétences étaient mises à profit dans son engagement bénévole, en particulier auprès des personnes aînées qui subissent de la maltraitance matérielle et financière :

Si je n’avais pas eu de notions légales, je n’aurais jamais été capable de solutionner toutes ces situations de maltraitance. J'ai déjà donné des cours de mathématiques financières à des personnes qui prenaient le cours de Fellow du Real Estate Institute. Dans mon cas, le calcul de mathématiques financières, c'était drôlement facile. Et puis, j'avais certaines bonnes notions de droit parce que j'ai négocié des contrats toute ma vie. Parfois, notre passé comme bénévole est très important dans un organisme communautaire. (Maurice, organisme 1) En ce sens, les propos de Pierre, cet employé d’une commission scolaire à la retraite, expriment l’importance, pour ces personnes aînées, de s’engager bénévolement dans des rôles reconnus et valorisés.

J’ai dit : « Moi, je pourrais être bénévole. » Alors, j’ai appelé, j’ai regardé sur Internet et j’ai vu qu’il y avait le centre de bénévolat […] Je suis allé là pour préparer des boîtes de carton pour les gens qui viennent chercher de la nourriture, ceux qui sont à faible revenu. C’était un travail qui ne me convenait pas parce que c’était un travail qui était très physique dans l’entrepôt. Puis, comme je leur avais dit : « Moi, j’ai un baccalauréat en gestion et je suis sûrement capable d’aider les gens mieux que de préparer des boîtes. » Alors, je suis venu ici [à l’organisme de lutte contre la maltraitance] et j’ai passé une entrevue. (Pierre, organisme 1)

De plus, dans cet idéal-type d’interdépendance, ce n’est pas uniquement l’expérience professionnelle qui motive les bénévoles, mais aussi certaines expériences personnelles qui les sensibilisent à la réalité des personnes aînées. C’est ainsi que Danielle et Pauline ont toutes deux abordé leur expérience de proche aidante :

J'ai fait beaucoup de représentations pour [l’organisme] comme là j'étais représentante à l'Appui, pour les proches aidants. J'étais moi-même une proche aidante, pour ma mère qui était atteinte d’Alzheimer […] quand il y avait des grandes décisions à prendre, bien j'étais là, puis quand elle a commencé à faire de l’Alzheimer c'est moi qui l'ai placée. (Pauline, organisme 2)

8.1.2.1 Point de vue des coordonnateurs sur le premier et deuxième idéal-type De surcroît, les propos de cette autre coordonnatrice vont dans le même sens que ceux de Fabien :

Moi je pense que les bénévoles qui ont été recrutés, c'est plus des bénévoles qui sont touchés par la problématique. Puis dans le fond, leur bagage professionnel, ils se sont dit : ah, bien peut-être qu'avec mon bagage je pourrais être utile pour cette problématique-là en sachant que nous, nos volets où est-ce qu'on a besoin, c'est animation, formation puis au niveau de l'aide individuelle. Bien je ne pense pas que ce sont des gens, puis ça tu pourras vérifier avec eux lors de tes entrevues, mais je ne pense pas que ce sont des gens qui se sont dit : ah! un jour c'est quelque chose qui pourrait m'arriver. Je pense que c'est plus comme cause sociale d'être touché par la problématique puis vouloir aider les gens. (Julie, organisme 1)

Ainsi, nous pouvons constater certaines divergences entre le point de vue des bénévoles avec celui des coordonnateurs.

8.1.3 Troisième idéal-type : l’interdépendance en situation, avec reconnaissance