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La volonté de préserver la relation contractuelle existante. Le contrat de franchise est une figure contractuelle incontournable au sein de la famille des contrats de

Dans le document Savoir-faire et franchise (Page 149-156)

Paragraphe III : La requalification du contrat de franchise en un autre contrat de distribution

90. La volonté de préserver la relation contractuelle existante. Le contrat de franchise est une figure contractuelle incontournable au sein de la famille des contrats de

distribution car, à l’instar de ces derniers, l’une des finalités majeures de ce contrat est d’encadrer les relations futures entre différents commerçants afin d’assurer l’exécution dans son ensemble d’un processus de distribution de produits et de services610. Les contrats de distribution, qu’ils s’agissent du contrat d’approvisionnement exclusif, du contrat de concession commerciale ou de franchise pour ne nommer qu’eux, partagent plusieurs caractères puisqu’ils sont considérés comme des contrats cadres marqués par un fort degré d’intuitu personae611. De plus, de nombreuses règles communes leurs sont spécifiques, la 610 LEGEAIS (D.) : « Synthèse – Contrats de distribution », JCl. Commercial, Synthèse n°50, n°35 et s.

611 HOVASSE (H.) : « Apport partiel d’actif sous le régime des scissions ou fusion-absorption : conditions de la transmission d’un contrat de franchise », JCP E n°40, 2 oct. 2008, p.2210.

131 plus connue étant relative à l’information précontractuelle issue de la loi Doubin, aujourd’hui codifiées aux articles L.330-3 et suivants du Code de commerce612. Toutefois, si ces contrats partagent de nombreux points communs, ils se distinguent par les effets qu’ils produisent et les obligations qu’ils mettent à la charge des parties. En effet, le contrat de franchise se différencie des autres contrats de distribution par l’obligation de transmission d’un faire dont le franchiseur est tenu à l’égard de son franchisé. En dépit de l’absence de savoir-faire certaines juridictions ont décidé de requalifier le contrat de franchise, nul en tant que tel, en un autre contrat de distribution ou de droit commun. Si ces décisions sont extrêmement rares elles témoignent d’une certaine volonté du juge préserver la relation contractuelle existante. Ainsi, il n’existe à notre connaissance que deux situations dans lesquelles la requalification du contrat de franchise a été prononcée, en dépit de la nullité du contrat de franchise. Il s’agit de la requalification d’un contrat de franchise en contrat d’approvisionnement exclusif et de fourniture, et, de manière plus surprenante, en contrat d’entreprise.

91. La requalification du contrat de franchise en contrat d’approvisionnement exclusif et de fourniture. A travers le contrat d’approvisionnement exclusif, un distributeur consent à ne se fournir que chez un producteur en contrepartie d’avantages plus ou moins importants613. Ce contrat permet ainsi « d’organiser les achats par un distributeur indépendant des produits du fournisseur en vue de leur revente. Le fournisseur bénéficie d’une clause d’approvisionnement exclusif ce qui met le distributeur sous sa dépendance économique »614. Le distributeur va alors conclure avec son fournisseur un contrat-cadre qui pour reprendre la formule employée par le nouvel article 1111 du Code civil, permettra aux parties de convenir des caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures615. Par ailleurs, les parties auront recours à des contrats d'application venant préciser les modalités d'exécution. Dans le cadre du contrat d’approvisionnement exclusif, elles viendront préciser le type, la quantité et le prix des marchandises achetées. Concrètement, le contrat d’approvisionnement exclusif met à la charge du distributeur une obligation 612 SIMON (F-L.) : « L’instance de dialogue social dans les réseaux de franchise », LPA 11 juill. 2017, n°128c4, p.3

613LEGEAIS (D.) : « Contrat d’assistance et de fourniture », JCl. Commercial, Fasc. 306, n°1 et s.

614LEGEAIS (D.) : « Synthèse – Contrats de distribution », JCl. Commercial, Synthèse n°50, n°35 et s.

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principale se matérialisant par un engagement d’achat exclusif, assortie d’obligations accessoires telles qu’une obligation de non-concurrence ou une obligation d’entretien du réseau. Contrairement au contrat de franchise il n’existe aucune obligation pour le producteur ou le fournisseur de transmettre un savoir-faire qui porterait sur des techniques de vente ou d’achat au distributeur. Ainsi, pour confirmer le prononcé de la nullité d’un contrat de franchise, la Cour de cassation a pu considérer que : « la simple sélection d'articles par le franchiseur selon des critères dont il n'est pas établi qu'ils présentent un caractère technique ou spécifique n'est pas constitutif d'un savoir-faire »616. Malgré le prononcé de la nullité, la juridiction requalifia le contrat de franchise en contrat de fourniture. Toutefois, elle prononça la nullité de ce dernier pour cause d’indétermination du prix. Comme le précise le commentateur de l’arrêt, le contrat de franchise encourait la nullité puisqu’en réalité : « il s’agissait d’un contrat cadre d'approvisionnement et de fourniture assorti d'une exclusivité territoriale, d'un droit d'usage de la marque et de l'enseigne, d'une obligation de la présentation des locaux et d'une offre de répondre à une demande d'aide »617. Outre la requalification du contrat de franchise en contrat de distribution en raison de l’absence de savoir-faire, la jurisprudence a également admis la requalification du contrat de franchise en contrat de droit commun et notamment d’entreprise.

92. La requalification du contrat de franchise en contrat d’entreprise. En l’absence de définition dans le Code civil, le contrat d’entreprise constitue une variété du louage d’ouvrage618 voire, pour une partie de la doctrine sa « version moderne et diversifiée »619. La jurisprudence définit le contrat d’entreprise comme la « convention par laquelle une personne s'oblige contre rémunération à exécuter un travail de façon indépendante et sans représenter son cocontractant »620. Il ressort de cette définition que

l’élément essentiel et caractéristique du contrat d’entreprise repose sur l’obligation qui incombe à l’entrepreneur d’exécuter un travail de manière indépendante et personnelle ou par l’intermédiaire d’un tiers en ayant recours à la sous-traitance afin de satisfaire aux

616CA. Paris., 7 juin 1990, RG n°07-06-1990, D. 1990, p. 176.

617FERRIER (D.) : « Distinction entre contrat de franchise et contrat d'approvisionnement exclusif », D. 1990, p. 176.

618BOUBLI (B.) : « Le contrat d’entreprise », Rép. civ, nov. 2016, n°3.

619MALAURIE (P.), AYNES (L.) et GAUTIER (P-Y.) : « Droit des contrats spéciaux », 8ème édition, 2016, LGDJ, n°700 et s.

133 attentes de son cocontractant à savoir le maître d’ouvrage. C’est d’ailleurs cet élément essentiel qui permet de distinguer le contrat d’entreprise du contrat de vente ou du contrat de travail. A priori, le contrat d’entreprise et le contrat de franchise semblent être aux antipodes puisque le franchisé ne peut être assimilé à un entrepreneur exécutant un certain nombre de prestations afin de satisfaire les atteintes du franchiseur. Toutefois, un arrêt de la Cour d’appel de Colmar a admis la requalification du contrat de franchise en contrat d’entreprise en raison de l’absence de savoir-faire transmis621. La motivation employée par la juridiction pour justifier la requalification du contrat est importante. En effet, la Cour d’appel a affirmé que « l'objet essentiel du contrat de franchise est la transmission d'un savoir-faire spécifique, non divulgué, à un franchisé qui adhère à un concept particulier. Or, il ressort qu'en l'occurrence il n'y a pas eu de transmission de savoir-faire spécifique, les documents d'information et le manuel du prétendu franchiseur se bornant à fournir des informations générales et publiques. Par ailleurs, aucun concept particulier et aucune méthode de travail propre à une agence immobilière n'ont été développés par le prétendu franchiseur. Par conséquent, le contrat conclu est nul en tant que contrat de franchise. Cependant, la jurisprudence admet qu'un contrat nul en tant que franchise peut être requalifié en un autre contrat valide. Dans la mesure où le prétendu franchiseur a fourni une certaine aide lors de la création de l'agence immobilière, le contrat liant les parties doit être qualifié de contrat d'entreprise. » 622. Les décisions requalifiant le contrat de franchise en contrat de droit commun, voire de distribution, sont rares, en pratique, et témoignent de la volonté des juges du fond préserver la relation contractuelle existante. Cette volonté ne peut être que saluée puisqu’elle prend en compte les prestations réalisées par le pseudo-franchiseur au profit de son cocontractant, prestations dont il a bénéficiées pour l’exploitation de son propre établissement. Cette même volonté permet de freiner les ardeurs de certains franchisés qui, pour s’extraire à tout prix de la relation contractuelle existante, n’hésitent pas à soulever abusivement la nullité du contrat de franchise.

621 MALAURIE-VIGNAL (M.) : « Franchise : défaut de transmission du savoir-faire et requalification du contrat », CCC n°1, janv. 2012, comm. 19.

135 CONCLUSION DU CHAPITRE 1

Clé de voute, élément cardinal ou central, cœur du système, les métaphores ne manquent pas pour souligner l’importance du savoir-faire au sein du contrat de franchise. En effet, l’existence d’un savoir-faire à transmettre constitue une condition de validité à part entière de ce contrat. Quant à l’émission du savoir-faire par le franchiseur, il s’agit d’une obligation essentielle du contrat de franchise. Par conséquent, le franchiseur se doit de transmettre à ses futurs franchisés un savoir-faire qui deviendra indispensable à l’exercice de leurs futures activités et qui leur permettront de réitérer, mais également d’amplifier la réussite commerciale du réseau.

En amont de la signature du contrat et avant toute émission à destination du franchisé des éléments constitutifs de son savoir-faire, le franchiseur devra impérativement préciser au sein du contrat de franchise les conditions ainsi que les modalités dans lesquelles la transmission du savoir-faire interviendra. En effet, la formation du franchisé constitue une étape incontournable puisqu’elle lui permettra de prendre connaissance des éléments constitutifs du savoir-faire mais plus spécifiquement d’être formé à son maniement et donc à sa maitrise. La transmission du savoir-faire est une obligation à exécution successive puisqu’elle interviendra lors de sessions de formation qui interviendront tout au long de la relation contractuelle. Dès le début de cette relation, le franchiseur mettra en place une formation dite initiale, qui permettra au franchisé de réceptionner les éléments constitutifs du savoir-faire ainsi que le manuel opératoire, ainsi que de se former au maniement et à l’utilisation du savoir-faire. Par la suite, le franchiseur programmera des sessions de formation dite continue qui sont destinées à transmettre les évolutions apportées au savoir-faire. Si la transmission du savoir-faire constitue une obligation de résultat pour le franchiseur, elle n’a pas pour effet de faire peser sur la personne du franchiseur une obligation de garantir à son franchisé la réussite commerciale de son propre établissement. Cette réussite dépendra de la maîtrise du savoir-faire par le franchisé ainsi que de sa capacité à pouvoir réitérer et amplifier la réussite commerciale du franchiseur.

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Mais le franchiseur devra considérer la transmission du savoir-faire comme étant une étape à hauts risques, puisque le moindre manquement à son obligation est susceptible d’avoir d’importantes conséquences sur la poursuite même du contrat de franchise. En effet, le franchisé pourra solliciter la nullité du contrat de franchise lorsque la méthode ou le procédé transmis ne constitue pas un véritable savoir-faire. Il ressort de la jurisprudence que le franchisé avait avant l’avènement de la réforme du droit des obligations recours aux notions de cause et d’objet, aujourd’hui disparues, mais aussi au dol, pour solliciter la nullité du contrat de franchise pour absence de savoir-faire. La réforme ne devrait pas avoir pour effet de venir bouleverser la jurisprudence actuelle, puisque si la notion de cause a été supprimée, ses fonctions demeurent. Outre la nullité, le franchisé peut solliciter la résolution du contrat lorsque le franchiseur s’abstient de lui transmettre les éléments constitutifs ou les évolutions du savoir-faire. En dépit de l’absence de savoir-faire ou d’un défaut de transmission, la nullité ou la résolution du contrat peuvent ne pas être automatique. En effet, certaines décisions ont par le passé prononcé la requalification du contrat de franchise en un autre contrat afin de préserver la relation contractuelle existante, au détriment de la nullité ou de la résolution. Mais ces décisions restent assez isolées.

Si le savoir-faire constitue un élément essentiel du contrat de franchise permettant au franchisé de réitérer une réussite commerciale, cette réitération ne pourra avoir lieu qu’à la condition que le franchisé réceptionne la totalité des éléments constitutifs du savoir-faire. Il devra par la suite veiller à respecter les conditions d’utilisation et d’exploitation dictées par le franchiseur qui lui auront été transmises en même temps que le savoir-faire.

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Chapitre 2 : La réception du savoir-faire par le

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