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Le contentieux lié aux obligations financières

Dans le document Savoir-faire et franchise (Page 181-200)

Paragraphe I : Les obligations financières mises à la charge du franchisé

C. Le contentieux lié aux obligations financières

113. La suspension par le franchisé du paiement des redevances via le mécanisme de l’exception d’inexécution. Le paiement des redevances constitue une obligation pour le franchisé. A défaut, le contrat de franchise peut être résolu à ses torts exclusifs761. Or, l’analyse de la jurisprudence permet de mettre en évidence que nombreux sont les franchisés mécontents de leurs propres résultats à avoir recours au jeu de l’exception d’inexécution afin de suspendre le paiement des redevances. Les redevances d’exploitation trouvent leurs contreparties dans les prestations fournies par le franchiseur, notamment en termes d’assistance, de transmission des évolutions apportées au savoir-faire ainsi qu’en matière de formation continue. Compte tenu de l’interdépendance qui existe entre l’obligation de paiement incombant au franchisé, la fourniture d’une assistance et la transmission d’un savoir-faire pour le franchiseur, le franchisé autrement dit « l’excipiens » est en droit de suspendre l’exécution de son obligation en cas de défaillance de son franchiseur. Un auteur affirme d’ailleurs au sujet de l’exception d’inexécution qu’elle est « par essence liée à la réciprocité et à l’interdépendance des obligations. L’exception d’inexécution se rattache aux rapports synallagmatiques et constitue précisément un des intérêts pratiques de la distinction des contrats synallagmatique et des contrats unilatéraux »762. Nombreux sont les franchisés à avoir recours à l’exception d’inexécution en invoquant un manquement du franchiseur à l’une de ses obligations essentielles dont l’absence d’assistance et de formation continue ou le défaut de transmission des évolutions apportées au savoir-faire763. L’exception d’inexécution constitue pour le franchisé une 760 GOUACHE (J-B.) et BEHAR-TOUCHAIS (M.) : « Rédaction du contrat de franchise : clauses essentielles », JCl. Fasc. 316-1, n°67.

761 CA. Paris., 26 mai 1981, JurisData n°1981-023301

762 STORCK (M.) : « Contrat – Inexécution du contrat – Exception d’inexécution », JCl. Civil Code, Art. 1219 et 1220, n°15.

763 HOUTCIEFF (D.) : « La loyauté ou le changement dans la continuité du contrat », Gaz. pal, 26 sept. 2017, n°32, p. 31.

163 « sorte de moyen de légitime défense contractuelle » aux manquements du franchiseur764. Toutefois, il convient de préciser que, dans la majorité des décisions, l’exception d’inexécution est rejetée et le contrat est résilié aux torts exclusifs du franchisé765. Néanmoins, la Cour de cassation a déjà reconnu, en faveur d’un franchisé, le bénéfice de l’exception d’inexécution en raison de la défaillance du franchiseur dans l’exécution de ses obligations essentielles. Ainsi, dans un arrêt récent, un franchiseur à la tête d’un réseau exploitant un concept de magasins de vente en libre-service de fleurs coupées avait conclu un contrat de franchise avec un franchisé en novembre 2005. En 2011, le franchiseur avait cédé son fonds de commerce ainsi que l’ensemble des contrats de franchise à une société qui devint ainsi le nouveau franchiseur. Un an plus tard, le franchisé décida d’arrêter le paiement de ses redevances. Le franchiseur l’a alors assigné en paiement et en réparation de son préjudice. De son côté, le franchisé a appelé dans la cause son ancien franchiseur et a demandé la condamnation solidaire des deux franchiseurs afin d’obtenir l’indemnisation de son préjudice résultant de la rupture fautive des contrats et ainsi se voir restituer les redevances versées et non utilisées. Le franchisé avait été placé en cours d’instance sous liquidation judiciaire. La Cour d’appel a débouté le franchiseur de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné à rembourser une partie des redevances. Le franchiseur s’est pourvu alors en cassation en reprochant aux juges du fond d’avoir constaté que les défauts d’assistance invoqués par le franchisé étaient la conséquence du premier incident de paiement imputable au seul franchisé. Pour le franchiseur, l’exception d’inexécution ne pouvait être fondée car l’inexécution première incombait au franchisé et non au franchiseur. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi en raison des manquements du franchiseur à son obligation d’assistance puisqu’il « ne justifiait de la fourniture d’aucune aide telle que prévue au contrat de franchise, pas plus qu’il ne justifiait avoir réalisé des visites régulières du magasin, faisant ainsi ressortir que les manquements à son obligation d’assistance sont caractérisés »766. Par ailleurs, la Cour de cassation a, par une décision largement commentée, semblé admettre que l’exception d’inexécution pouvait être invoquée pour des

764 BLANC (N.), LATINA (M.) et MAZEAUD (D.) : « Droits des obligations », LGDJ, 2020, n°386.

765 RESPAUD (J-L.), CADORET (V.) et MAINGUY (D.) : « Le contrat de franchise, panorama de jurisprudence (2003-2005) », LPA 8 mars 2006, n°48, p. 3

766 Cass. Com., 13 juin 2018, n°16-27.209 ; GOUACHE (J-B.) et BEHAR-TOUCHAIS (M.) : « Franchise – Actualité du droit de la franchise 2018 », CCC n°12, déc. 2018, étude 16, n°78.

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obligations issues de contrats distincts, à condition qu’elles soient liées entre elles767. En l’espèce, un contrat de vente avait été signé entre le franchiseur et le franchisé en plus du contrat de franchise. En raison du défaut de paiement du franchisé, qui reprochait à son contractant des manquements à ses obligations de conseil et de transmission d’un savoir-faire, le franchiseur a assigné en paiement ce dernier au titre des marchandises livrées. La Cour d’appel avait accueilli favorablement les demandes du franchiseur tout en prononçant la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé. Ce dernier s’est alors pourvu en cassation en arguant que l’exception d’inexécution pouvait être invoquée lorsque les obligations en cause étaient interdépendantes, peu importe qu’elles soient nées de contrats distincts. Pour le franchisé, l’inexécution par le franchiseur de ses obligations découlant du contrat de franchise l’autorisait à suspendre l’exécution de ses obligations résultant du contrat de vente, contrat qu’il estimait avoir signé dans le cadre de l’exécution du contrat de franchise. Bien que la Cour de Cassation ait rejeté le pourvoi, c’est surtout la motivation de la décision qui est apparue comme étant l’apport essentiel de cet arrêt. Pour la Chambre commerciale, il apparaît « qu’abstraction faite du motif erroné pris de ce que l’exception d’inexécution ne peut être opposée que pour des obligations nées d’un même contrat, alors que l’inexécution d’une convention peut être justifiée, si le cocontractant n’a lui-même pas satisfait à une obligation contractuelle, même découlant d’une convention distincte, dès lors que l’exécution de cette dernière est liée à celle de la première, la Cour d’appel a exactement caractérisé l’absence d’un lien de cette nature entre les obligations résultant du contrat de franchise, d’une part, et celles découlant des ventes conclues entre les parties à ce contrat, d’autre part, en relevant que l’obligation de payer le prix d’une marchandise n’est pas la contrepartie de la bonne exécution du contrat de franchise, mais seulement celle de la délivrance d’une chose conforme à la commande en exécution du contrat de vente »768. La solution adoptée n’en demeure pas moins critiquable puisqu’en l’espèce, l’interdépendance entre le contrat de franchise et le contrat de vente semblait évidente. En affirmant le contraire, l’arrêt laisse à penser que la résiliation du contrat, pourtant prononcée aux torts exclusifs du franchiseur, ne constituerait nullement un obstacle

767 CHENEDE (F.) : « Le nouveau droit des obligations et des contrats », 2ème ed. Dalloz, n°128.52

165 à la recevabilité de sa demande en paiement des marchandises qu’il a livrées au franchisé769. La consécration par la réforme du droit des obligations du mécanisme prétorien de l’exception d’inexécution au sein du Code civil conduit à s’interroger à propos de ses effets sur le contentieux relatif aux redevances.

114. L’impact de la réforme du droit des obligations sur le mécanisme de l’exception d’inexécution en matière de franchise. Longtemps, la jurisprudence et la doctrine étaient divisées sur la reconnaissance du mécanisme de l’exception d’inexécution dans la mesure où elle était considérée comme une forme de justice privée770. Ce n’est que par l’intermédiaire des travaux de Cassin771 et de Saleilles772 que l’exceptio non adimpleti contractus fut pleinement reconnue773. Absente des textes du droit commun des contrat, l’exception d’inexécution n’était pas pour autant ignorée du Code civil. En effet, avant la réforme, elle était implicitement envisagée dans les dispositions propres à certains contrats

769 MESTRE (J.) et FAGES (B.) : « L’exception d’inexécution au sein d’un ensemble contractuel ». RJDA 2005, n°1315, p. 1146. ; CONSTANTIN (A.) : « L’exception d’inexécution peut être opposée entre obligations nées de conventions distinctes », JCP G n°50, 14 déc. 2005, doctr. 194.

770 Cass. req., 1er déc.1987 : S. 1899, 1, p. 174 ; DP 1898, 1, p. 289, note Planiol ; CA. Paris., 12 mai 1910 : Gaz. pal. 1910, 1, p. 676.

771 CASSIN (R.) : « De l’exception tirée de l’inexécution dans les rapports synallagmatiques – exception non

adimpleti contractus – et de ses relations avec le droit de rétention, la compensation et la résolution », Thèse

Paris, 1914.

772 SALEILLES (R.) : « Etude sur la théorie générale de l’obligation, d’après le premier projet de Code civil

pour l’empire allemand », LGDJ, 3ème éd. 1925, p. 185.

773 A compter de la circulaire du 15 sept. 1977 relative au vocabulaire juridique, l’expression d’exception d’inexécution fut préférée à celle d’exception non adimpleti contractus. La circulaire justifia ce choix en affirmant que : « la commission de modernisation du langage judiciaire s’est attachée à rechercher les moyens

de rendre le langage judiciaire plus clair, plus moderne, plus intelligible et plus français. Il importe en effet que la justice se fasse mieux comprendre de ceux pour qui elle est faite (…). Le Code civil n’emploie aucune expression latine. Le législateur les évite lui aussi. Leur exemple doit être suivi d’autant mieux qu’elles peuvent toutes êtres remplacées par des expressions françaises sans perdre de leur valeur ».

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spéciaux comme la vente774, l’échange775 ou le dépôt776. L’un des objectifs fixés au gouvernement par la loi l’ayant autorisé à réformer le droit des obligations était ainsi de « regrouper les règles applicables à l’inexécution du contrat et introduire la possibilité d’une résolution unilatérale du contrat »777. Afin d’atteindre cet objectif, la réforme a sensiblement élargi les pouvoirs unilatéraux de sanction du créancier en cas d’inexécution de son débiteur778, notamment en consacrant l’exception d’inexécution779. Ainsi, le nouvel article 1219 du Code civil pose le principe selon lequel « une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ». Pour reprendre une formule employée par un auteur, « l’exception d’inexécution est à la fois un mécanisme défensif de sauvegarde des intérêts de l’excipiens et un mécanisme comminatoire par lequel l’excipiens fait pression sur son cocontractant pour qu’il s’exécute »780. L’exception d’inexécution se distingue de la résolution puisqu’elle n’a pas pour effet de mettre un terme au contrat mais seulement d’en suspendre son exécution781. Le législateur a d’ailleurs fait le choix de ne pas restreindre le champ d’application de l’exception d’inexécution au seul contrat synallagmatique en consacrant la jurisprudence en la matière qui avait étendu le domaine d’application de

774 Art. 1612 du C. civ : « Le vendeur n’est pas tenu de délivrer la chose, si l’acheteur n’en paye pas le prix,

et que le vendeur ne lui ait pas accordé un délai pour payement » ; V. not. Cass. 3ème Civ., 26 mars 2014, n°13-10984 : Bull. Civ. III, n°45 ; Art. 1613 du C. civ : « Il ne sera pas non plus obligé à la délivrance, quand même

il aurait accordé un délai pour le payement, si, depuis la vente, l’acheteur est tombé en faillite ou en état de déconfiture, en sorte que le vendeur se trouve en danger imminent de perdre le prix ; à moins que l’acheteur ne lui donne caution de payer à terme » , Art. 1653 du C. civ : « Si l’acheteur est troublé ou a juste sujet de craindre d’être troublé par une action, soit hypothécaire, soit en revendication, il peut suspendre le payement du prix jusqu’à ce que le vendeur ait fait cesser le trouble, si mieux n’aime celui-ci donner caution, ou à moins qu’il n’ait été stipulé que, nonobstant le trouble, l’acheteur payera ».

775 Art. 1704 du C. civ : « Si l’un des copermutants a déjà reçu la chose à lui donnée en échange, et qu’il

prouve ensuite que l’autre contractant n’est pas propriétaire de cette chose, il ne peut pas être forcé à livrer celle qu’il a promise en contre-échange, mais seulement à rendre celle qu’il a reçue ».

776 Art. 1948 du C. civ : « Le dépositaire peut retenir le dépôt jusqu’à l’entier payement de ce qui lui est dû à

raison du dépôt ».

777 Art. 8, 8°, de la l. n°2015-177 du 16 févr. 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.

778 WATRIN (L.) : « L’exception d’inexécution anticipée : une menace contre l’efficacité des procédures amiables ? », Rec. proc. coll. n°4, juill. 2018, étude 17 ; DISSAUX (N.) : « Les nouvelles sanctions en matière contractuelle », AJ contrat 2017, p. 10 ; MEKKI (M.) : « Les remèdes à l’inexécution dans le projet d’ordonnance portant réforme du droit des obligations », Gaz. pal. 2015, n°120, p. 37, spéc. n°9.

779 CHANTEPIE (G.) et LATINA (M.) : « La réforme du droit des obligations : commentaire théorique et

pratique dans l’ordre du Code civil », Dalloz, 2ème édition, 2018, n°627 et s.

780 DESHAYES (O.) : « L’exception d’inexécution doit-elle être proportionnée ? », RDC n°04, p. 654.

781 BENABENT (A.) : « Droit des obligations », 17ème éd. LGDJ, n°367 ; Cass. 1re civ., 19 juill. 1965, Bull. civ. I, n°489 ; Cass. 3ème civ, 21 nov. 1990, Bull. civ. III, n°238 ; STORCK (M.) : « Contrat – Inexécution du contrat – Exception d’inexécution », JCl. Civil. code, Art. 1219 et 1220, n°69.

167 l’exception782. En effet, la jurisprudence avait admis le jeu de l’exception d’inexécution à des contrats synallagmatiques imparfaits, à des ensembles contractuels ainsi qu’à des quasi-contrats. Il suffit donc qu’il existe une interdépendance entre les obligations sans pour autant être forcément en présence d’un contrat synallagmatique, ou d’un contrat unique. Certains auteurs regrettent que l’article 1219 ne précise pas le type de contrat concerné par ce mécanisme783, mais surtout ne délimite pas le champ d’application de ce texte. Il appartiendra à la jurisprudence de corriger cette lacune784. Toutefois, si l’article 1219 ne fait que consacrer une jurisprudence bien établie, qui ne devrait pas révolutionner le contentieux existant en matière de franchise, la solution risque d’être assez différente au sujet de l’exception d’inexécution préventive prévue au nouvel article 1220 du Code civil.

115. Le possible recours par le franchisé aux dispositions de l’article 1220 du Code civil instaurant une exception d’inexécution préventive. Avant la réforme de 2016, un contractant ne pouvait refuser d’exécuter sa propre obligation que s’il était confronté à une inexécution déjà réalisée ou avérée785. Il était impératif que l’excipiens démontre que l’obligation de son contractant était exigible afin de pouvoir invoquer valablement le mécanisme de l’exception d’inexécution786. Sous l’influence des projets doctrinaux787, des textes internationaux788 ainsi que de certains droits étrangers789, le nouvel article 1220 consacre une exception d’inexécution pouvant être qualifiée d’anticipée ou de préventive790. Toutefois, cette forme d’exception n’était pas complétement étrangère du droit français puisqu’elle se retrouvait de manière implicite dans certaines dispositions propres aux

782 MIGNOT (M.) : « Commentaire article par article de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (VI) », LPA, 4 avr. 2016, n°67, p.5.

783 STORCK (M.) : « Contrat – Inexécution du contrat – Exception d’inexécution », JCl., Civil. Code, Art. 1219 et 1220, n°15.

784 CHONE-GRIMALDI (A-S.), DARMON (J.) et GRANDJEAN (J-P.) : « Les conditions de l’exception d’inexécution par anticipation », JCP E 2016, n°25, 1374.

785 PINNA (A.) : « L’exception pour risque d’inexécution », RTD civ. 2003, p. 31.

786 CHANTEPIE (G.) et LATINA (M.) : « La réforme du droit des obligations : commentaire théorique et

pratique dans l’ordre du Code civil », Dalloz, 2ème édition, 2018, n°630 et s.

787 Art. 103 de l’avant-projet Terré relatif au contrat ; Art. 9 :201 des principes du droit européen des contrats.

788 Art. 71 et 72 de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises.

789 Art. 321 alinéa 1er du Bürgerliches Gesetzbuch (BGB) : « Quiconque est obligé de livrer à partir d’un

contrat réciproque peut refuser de payer le service si, après la conclusion du contrat, il devient évident que sa réclamation contre la contrepartie est compromise par le manque d’efficacité de l’autre partie. Le droit de refuser l’exécution ne s’applique pas si la contrepartie est fournie ou si une garantie est fournie ».

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contrats spéciaux791. Par ailleurs, au visa des articles 809 et 873 du Code de procédure civile, la jurisprudence autorise un contractant à saisir le juge des référés dans l’optique d’obtenir la suspension temporaire de l’exécution d’une obligation non encore exigible, afin de prévenir un dommage imminent792. L’article 1220 du Code civil prévoit ainsi qu’une « partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais ». Le rapport de présentation au Président de la République de l’ordonnance précise que cette exception par anticipation vise à « limiter le préjudice résultant d’une inexécution contractuelle (…) et constitue un moyen de pression efficace pour inciter le débiteur à s’exécuter ». Contrairement à l’exception d’inexécution classique qui n’est subordonnée à aucune condition d’exercice793, le législateur a fait le choix de soumettre l’exceptio timoris à des conditions de fond et de forme. Tout d’abord, l’article 1220 prévoit deux conditions de fond. Il est donc primordial d’une part, que le créancier ait la certitude que son débiteur ne s’exécutera pas à l’échéance prévue, et, d’autre part, que les conséquences de l’inexécution soient suffisamment graves pour l’excipiens. Ensuite, l’article 1220 pose une condition de forme puisque l’excipiens devra notifier dans les meilleurs délais la suspension de l’exécution de sa propre obligation. Le texte reste toutefois silencieux sur la sanction encourue par le contractant en cas de notification tardive. Certains auteurs regrettent cependant que le législateur n’ait pas imposé au contractant d’indiquer dans sa notification les raisons de la suspension de l’exécution de ses obligations comme c’est pourtant le cas en matière de résolution unilatérale du contrat. Pour la majorité des auteurs794, le champ d’application de l’exception d’inexécution de l’article 1220 du Code civil n’a pas vocation à être cantonné aux seuls contrats synallagmatiques mais à l’ensemble des obligations réciproques dès lors qu’il existe une « certaine latence entre l’obligation et son exécution »795. Quoi qu’il en soit, il est probable que certains franchisés invoquent les 791 CHANTEPIE (G.) : « Contrat : effets », Rép. civ. n°193.

792 MESTRE (J.) : « D’un effet suspensif par anticipation de l’exception d’inexécution », RTD. Civ. 1993, p. 819.

793 V. notamment Cass. Com., 27 janv. 1970, n°67-13764, JCP 1979, II 16554, note A. Huet, qui affirme que le contractant n’est nullement tenu d’adresser une mise en demeure préalablement à la suspension de l’exécution de son obligation.

794 V. par ex. CABRILLAC (R.) : « Droit européen comparé des contrats », 2ème éd., LGDJ, 2016, n°237 et s.

795 GUERIN (S.) et GENTY (N.) : « L’exception d’inexécution et les différentes formes de résolution du contrat », AJ contrat 2017, p. 17.

169 nouvelles dispositions de l’article 1220 du Code civil, pour suspendre le paiement des redevances. Cependant et dès la rédaction du contrat de franchise, le franchiseur pourra néanmoins aménager le mécanisme de l’article 1220 du Code civil, puisque ces dernières ne sont pas d’ordre public. A titre d’exemple, il est possible que le franchisé invoque les dispositions de l’article 1220 du Code civil, lorsque son franchiseur qui rencontre des difficultés financières importantes est sur le point de licencier l’ensemble de son équipe dédiée au développement du savoir-faire. Dans ce cas, le franchiseur ne sera plus en mesure de communiquer au franchisé les évolutions relatives au savoir-faire ce qui aura pour effet de lui faire perdre son avantage concurrentiel sur le marché sur lequel il est implanté. Le franchisé pourrait alors suspendre le paiement des redevances sur le fondement de l’article 1220 du Code civil. En dehors du paiement des redevances, le franchiseur pourra par la même occasion mettre à la charge de son franchisé une obligation d’approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif.

Paragraphe II : La clause d’approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif

116. Le régime juridique de la clause d’approvisionnement encadré par des dispositions hétéroclites. La clause d’approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif est indissociable du contrat de franchise. Par une telle clause, le franchiseur impose à son franchisé de s’approvisionner en totalité auprès de lui ou de l’une ses filiales ou d’un fournisseur qu’il aura personnellement agréé796. L’obligation d’approvisionnement pourra

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