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Du caractère significatif des informations transmises

Dans le document Savoir-faire et franchise (Page 63-66)

33. De l’appréciation par le franchisé de l’importance des informations transmises. L’ensemble des informations qui composent le savoir-faire se doivent d’être importantes, essentielles voire indispensables aux yeux du franchisé248. En raison de leurs importances, les informations qui seront communiquées par le franchiseur devront permettre à un néophyte d’acquérir de façon immédiate une technique commerciale qui a su prouver son efficacité par le passé249. Cela découle du fait que la franchise repose sur la réitération d’une réussite commerciale rendue possible par le succès du franchiseur250, mais surtout, en raison de l’expérience accumulée par celui-ci251. Il faut souligner que ces informations devront être perçues par le franchisé comme essentielles afin de constituer la contrepartie légitime à l’obligation qui lui est faite de verser, dès la signature du contrat, une somme d’argent plus ou moins importante qui correspondra au montant des droits d'entrée252. Si ces informations sont vitales aux yeux du franchisé, c’est parce qu’elles lui permettront en théorie de réaliser une économie substantielle en matière de recherche et de développement253. En effet, en adhérant à 246 V. art. 1-1-ii du Règlement (UE) n°316/2014 de la Communauté du 21 mai 2014, relatif à l’application de l’article 01, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords de transfert de technologie, qui évoque le caractère important des informations constitutives du savoir-faire :

« substantiel : c'est-à-dire important et utile pour la production de produits contractuels »

247 SCHMIDT-SZALEWSKI (L.) : « Le secret du bon savoir-faire », PI. n°3, mars 2004, comm. 27.

248 INFOREG : « Le savoir-faire dans les contrats de franchise », Cah. dr. entr. n°2, mars 2016, prat. 6.

249 Cass. Com., 24 mai 1994, CCC. 1994, comm. 191, p.3, obs. L. LEVENEUR.

250 CA. Paris. 16 avr. 1991. D. 1992 p 391.

251 MALAURIE-VIGNAL (M.) : « Faute d’un véritable savoir-faire, un contrat de franchise peut être annulé », CCC n°8, aout 2011, comm.192.

252LELOUP (J-M.) : « Le règlement communautaire relatif à certaines catégories d’accords de franchise ». JCP N, n°37, 15 sept. 1989, 101000

253DEMARET (P.) : « L'arrêt Pronuptia et les contrats de franchise en droit européen de la concurrence : innovation et tradition », JCP E, n°48, 27 nov. 1986, 14816.

45 un réseau, le franchisé se trouvera par conséquent dispensé d’entreprendre un certain nombre de recherches, parfois longues et périlleuses, dont l'objectif aurait été à terme de concevoir un savoir-faire qui se rapproche au maximum de celui dont est déjà titulaire le franchiseur254. D’ailleurs, la jurisprudence n’hésite pas à prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur lorsque ce dernier s’est contenté de transmettre un savoir-faire minimaliste que le franchisé serait à même de parvenir à un résultat similaire du fait de ses propres recherches255. Néanmoins, la simplicité d’un savoir-faire ne constitue pas un frein à la reconnaissance d’un contrat, en contrat de franchise256. Si le règlement européen en vigueur aborde de manière synthétique la notion de substantialité, les anciens règlements communautaires précisaient, quant à eux, ce qu’il fallait réunir sous le prisme de l’importance des informations transmises puisqu'ils exigeaient de ces dernières qu’elles portent sur la présentation des produits, mais aussi sur l’accueil des clients ou encore sur la gestion ainsi que l’administration d’un point de vente257. Toutefois, la réduction du périmètre des informations communiquées à cette liste limitative de connaissances reviendrait, en toute hypothèse, à dénaturer dans son ensemble la notion de savoir-faire. En effet, l’une des forces de la franchise, en tant que mode de distribution, est que le savoir-faire est susceptible, par définition, de porter sur une infinie variété d’activités258. Ainsi, les informations communiquées pourront porter sur : la mise en place d’un programme de fidélité spécifique259, sur l’accueil des enfants en vue de favoriser leur développement260, ou encore sur la mise au point de nouvelles techniques d’accueil de la clientèle261. Cependant, en dépit de l’importance des informations transmises, ces dernières devront aussi être complètes et globales afin de porter sur l'ensemble des domaines de la future activité du franchisé262.

254Cass. Com., 24 mai 1994, CCC. 1994, comm. 191, p.3, obs. L. LEVENEUR.

255SIMON (F-L.) : « La formation du contrat de franchise », LPA, 13 nov. 2009, n°227, p.23.

256Cass. Com., 16 sept. 1994, n°13-18.710.

257Cass. Com., 19 fév. 1991, n°88-19.809, D.1992 p.391.

258LELOUP (J-M.) : « Le règlement communautaire relatif à certaines catégories d’accords de franchise ». JCP N, n°37, 15 sept. 1989, 101000

259CA. Paris., 8 mars 1996, D. 1996, p. 108.

260CA. Paris., 26 avr. 2012, JurisData n°2012-009600.

261CA. Paris., 1er mars 1994, JurisData n°1994-020602.

262Décision 87/14/CEE de la Commission du 17 déc. 1986 relative à une procédure d'application de l'art. 85 du traité CEE (IV/31.428 à 31.432 – Yves Rocher).

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34. L’exigence d’originalité érigée en composante du savoir-faire ? Le caractère substantiel exigerait-il que les produits ou les services proposés comportent un certain degré d'originalité ? Si, pour certains auteurs, l’originalité constitue un des éléments constitutifs du contrat de franchise263, il n’empêche que l’absence de nouveauté ne saurait nullement s’apparenter comme un obstacle à la reconnaissance, par le juge, de la présence d'un tel contrat264. Pour une partie de la doctrine, cette solution se justifie, par l’absence de toute disposition légale qui viendrait exiger et limiter le recours à la franchise comme mode de distribution à un nombre limité de produits ou de catégories de services. Pour autant, les exigences qui entourent les informations communiquées au franchisé n’imposent pas que celles-ci, soient imprégnées d’une certaine dose de technicité afin que le concept soit novateur ou révolutionnaire. En effet, l’impératif de nouveauté, qui est l’apanage exclusif des inventions brevetables, se retrouve absent au sein des contrats de franchise265. Malgré l'importance que doivent revêtir les informations émises par le franchiseur, ces dernières auront, au final, pour conséquence de faire du franchisé une sorte de commerçant privilégié vis-à-vis de ses concurrents266. Une telle affirmation se justifie à travers le constat selon lequel le franchiseur transmettra, après de longues recherches, des informations relatives à un savoir-faire dont seule une poignée de personnes a, en réalité connaissance267. Cependant, bien que pour être « franchisable » un concept n'a pas besoin d’être révolutionnaire, encore faut-il qu’il incorpore un certain degré d'originalité. Cela lui permettra de se distinguer suffisamment des concurrents, même s'il ne s'agit pas d'une condition de validité à part entière268, nonobstant la présence de décisions prononçant la nullité du contrat269. D’ailleurs, si, a minima, un certain degré d'originalité peut parfois être exigé, il ne pourra porter que sur l'un des éléments du concept et non sur sa totalité270. De plus, les adjectifs utilisés pour décrire les informations constitutives 263VOGEL (L.) et VOGEL (J.) : « Traité de droit économique, Tome 2, Droit de la distribution », Bruylant 2015, n°453.

264CA. Paris, 18 Juin 1992, D. 1995. p. 76.

265LARRIEU (J.) : « Le savoir-faire de la sage-femme », Propr. ind. n°5, mai 2010, comm.33

266DISSAUX (N.) : « L’essai en matière de franchise », RTD Com. 2015, p. 403.

267MALAURIE-VIGNAL (M.) : « La protection des informations privilégiées et du savoir-faire ». D. 1997. p. 207.

268MALAURIE-VIGNAL (M.) : « Contrat de franchise : le caractère banal des informations dispensées ne saurait en soi dénier la valeur du savoir-faire transmis », CCC n°6, juin 2012, comm. 152.

269CA. Paris, 22 sept. 1992, D. 1995. p.76 ; CA. Paris., 28 avril 1978, JurisData n°1980-763557.

47 du savoir-faire devront être gardés à l'esprit du juge lorsqu'il effectuera son contrôle sur la consistance de ce dernier. En effet, s’il dispose d’un pouvoir d’appréciation souverain, il devra toutefois se limiter à une analyse sommaire du concept271. Il est possible de noter que l'une des conséquences négatives de cette forme d'appréciation réside dans l’utilisation de façon assez maladroite, de la part de la jurisprudence, du terme de « banalité » pour caractériser les informations communiquées272. La doctrine critique, d’ailleurs, l’emploi d’un tel terme car s’il n’emporte aucune conséquence quant à la valeur économique du savoir-faire, il viendrait dénaturer l’exigence de substantialité des informations et notamment leur importance aux yeux du franchisé273. Il convient de signaler que, dans la franchise de distribution, et de service, les informations constitutives du savoir-faire ne peuvent porter exclusivement sur les seules spécificités physiques du concept, mais doivent aussi faire référence à son potentiel commercial274. Celui-ci réside, notamment, dans la capacité pour le concept de générer un engouement important et immédiat autour du point de vente du franchisé. L’importance des informations transmises revêt par la même occassion une fonction préventive, dans la mesure où elles doivent permettre, à chacun des franchisés de réaliser la même prestation afin de remplir les impératifs, ô combien importants, d’harmonisation et de préservation de l’identité du réseau. Cela est d'autant plus vrai que, dans la franchise de service les informations communiquées devront être encore plus complètes qu’à l’ordinaire dans la mesure où la prestation que devra réaliser le franchisé comportera un certain degré de technicité.

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