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La suppression de la cause comme condition de validité du contrat. Parmi les nombreux objectifs affichés par la réforme du droit des obligations, le législateur

Dans le document Savoir-faire et franchise (Page 141-145)

Paragraphe I : La nullité du contrat de franchise pour absence de savoir-faire

83. La suppression de la cause comme condition de validité du contrat. Parmi les nombreux objectifs affichés par la réforme du droit des obligations, le législateur

souhaitait notamment simplifier les règles relatives aux conditions de validité du contrat580. Pour cela, les conditions posées par l’ancien article 1108 du Code civil ont été sensiblement modifiées. En effet, le nouvel l’article 1128 du Code civil prévoit désormais que : « sont nécessaires à la validité d’un contrat : 1° Le consentement des parties ; 2° Leur capacité de contracter ; 3° Un contenu licite et certain ». Il s’agit sans doute d’une des évolutions les plus marquantes apportée par la réforme puisque les notions d’objet mais surtout de cause sont supprimées et remplacées par une notion plus large et plus floue à savoir celle de contenu581. Il ressort d’ailleurs du rapport adressé au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016, que le choix de supprimer la cause est motivé par le constat selon lequel d’une part, la cause est une notion absente de la plupart des droits européens, et d’autre part, qu’il s’agit d’une notion « mal définie et qui recouvre en réalité une multiplicité 579Cass. Com., 31 janv. 2012, n°11-10.834 ; Cass. Com., 25 nov. 2014, n°13-24.658.

580 FOURGOUX (J-L.) : « La rupture des contrats d’affaires : résiliation et résolution du contrat », AJCA 2016, p. 127.

581 MALINVAUD (P.) : « Le contenu certain du contrat dans l'avant-projet Chancellerie de code des obligations ou le stoemp bruxellois aux légumes », D. 2008, p. 2551.

123 de sens, que la doctrine, se fondant sur une jurisprudence abondante et fluctuante, s’est attachée à théoriser (…) ». La suppression de la cause a fait l’objet d’un intense débat doctrinal, certains auteurs s’opposant farouchement à sa suppression puisque, selon eux, elle « serait irremplaçable en pratique, indispensable en théorie et cruciale culturellement »582. Pour d’autres, au contraire, la cause était une notion désuète, inutile et complexe583.

84. La préservation des fonctions de la cause. Pour autant, si la notion de cause ne se retrouve plus au sein des dispositions du Code civil, il n’empêche que les fonctions de celle-ci demeurent584. En effet, le rapport précise que : « l’apport de la réforme (…) consiste dans la suppression de la référence à la cause, tout en consolidant dans la loi toutes les fonctions que la jurisprudence lui avait assignées ». Le législateur a donc fait le choix de supprimer le mot « cause » tout en maintenant ses fonctions585, ce qui pourrait démontrer que la cause est bel et bien une notion indispensable en droit français586. Ainsi, le nouvel article 1162 prévoit que : « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties ». L’emploi du but contractuel fait immanquablement penser à la cause subjective, dont on doit contrôler la licéité. Au contraire l’article 1169 consacre la fonction de la cause objective puisqu’il affirme : « qu’un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire ». En définitive, l’absence de la cause au sein des conditions de validité du contrat posées par le nouvel article 1128, ne devrait pas être à l’origine de changements importants ni dans la pratique ni en jurisprudence, puisque le législateur a veillé à préserver l’utilité de la cause, sans pour autant la nommer.

582 GENICON (T.) : « Défense et illustration de la cause en droit des contrats. A propos du projet de réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations », D. 2015, p. 1551.

583 LAGARDE (X.) : « Sur l’utilité de la théorie de la cause », D. 2007, p.740 ; AYNES (L.) : « La cause, inutile et dangereuse », Dr. et patr. oct. 2014, n°240, p. 40.

584 MAZEAUD (D.) : « Pour que survive la cause, en dépit de la réforme », Dr. et patr. oct. 2014, p. 38.

585 GRIMALDI (C.) : « Les maux de la cause ne sont pas qu'une affaire de mots », D. 2015, p. 814 ; LAGARDE (X.) : « Sur l’utilité de la théorie de la cause », D. 2007, p.740 ; AYNES (L.) : « La cause, inutile et dangereuse », Dr. et patr. oct. 2014, n°240, p. 40.

586 GENICON (T.) : « Défense et illustration de la cause en droit des contrats. A propos du projet de réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations », D. 2015, p. 1551.

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85. Les conséquences sur le contrat de franchise. Ainsi, le franchisé désireux d’obtenir la nullité du contrat de franchise en raison de l’absence d’un savoir-faire transmis doit aujourd’hui se tourner vers les articles 1128 et 1169 du Code civil. Toutefois, un auteur a fait remarquer, que l’emploi du terme contrepartie par l’article 1169 pourrait rendre plus difficile, pour le franchisé, l’obtention de la nullité du contrat de franchise. En effet, la transmission d’un savoir-faire constitue la cause de l’obligation du franchisé au paiement des différentes redevances qui sont dues au franchiseur587. Or, l’emploi par le législateur du terme de contrepartie est susceptible d’imposer au juge : « d’avoir une vision plus large du rapport contractuel, voire de l’économie globale des relations entre les parties. La mise à disposition de la marque, de l’enseigne, la formation, l’assistance, la publicité sont autant de contreparties qui permettront peut-être aux franchiseurs de soutenir que l’ensemble de ces prestations forme une contrepartie non illusoire et non dérisoire aux obligations du franchisé, quoique la réalité et l’originalité du seul savoir-faire puissent apparaître contestables » 588. Il convient cependant de nuancer cette affirmation, puisqu’en l’absence de savoir-faire, la formation qu’elle soit initiale ou continue n’aura aucune utilité. Par conséquent, les sommes versées par le franchiseur lors de la signature du contrat de franchise n'ont aucune contrepartie. Il en est de même de l’obligation d’assistance, puisque la méthode transmise n’étant pas constitutive d’un savoir-faire, le franchisé n’aura alors besoin d’aucune aide dans la réitération d’une réussite commerciale qui est par voie de conséquence inexistante.

Si l’obtention de la nullité devait, au moins sur le fondement de la « contrepartie convenue », être plus difficile à obtenir, le franchisé pourrait alors se tourner vers un autre mode d’anéantissement du contrat, à savoir la résolution. En effet, le franchiseur qui s’abstient de transmettre le savoir-faire en sa possession manque à ses obligations contractuelles, ce qui peut conduire à la résolution du contrat de franchise à ses torts exclusifs.

587CHARTIER (F.) : « La notion de savoir-faire et ses implications dans la franchise », Thèse, Montpellier I, 2002.

125 Paragraphe II : La résolution du contrat de franchise pour absence d’émission du savoir-faire

86. L’absence de transmission du savoir-faire, motif de résolution du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur. Dans leur immense majorité, les contrats de franchise sont conclus pour une durée déterminée de telle sorte qu’ils cesseront de produire leurs effets à l’arrivée du terme fixé contractuellement. Cependant, le franchisé pourra décider de s’extraire de la relation contractuelle avant l’arrivée dudit terme, en invoquant les manquements graves du franchiseur dans l’exécution de ses obligations essentielles589. L’existence d’un savoir-faire constitue une condition de validité à part entière du contrat de franchise si bien que son absence au jour de la signature du contrat aura pour effet d’emporter la nullité de celui-ci590. Toutefois, la transmission du savoir-faire est une obligation essentielle du franchiseur. Il ressort de la jurisprudence que le franchiseur qui ne communique qu’une partie des éléments constitutifs de son savoir-faire, ou qui les communique de manière tardive commet un manquement contractuel. Dans cette situation, le franchisé peut alors demander la résolution du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur591. Il résulte de la définition même du contrat de franchise qu’à l’instar du manquement du franchiseur à ses obligations de mise à disposition des signes distinctifs et de fourniture d’une assistance technique ou commerciale592, le défaut de communication du savoir-faire justifie la résolution du contrat de franchise593. En d’autres termes, l’existence à proprement parler du savoir-faire renvoie à la formation du contrat et donc à sa validité, alors, qu’au contraire, la transmission du savoir-faire relève de l’exécution du contrat de franchise594. Par conséquent, le non-respect par le franchiseur de cette obligation sera susceptible d’entraîner la résolution du contrat et non sa nullité595. Les exemples sont

589FOURGOUX (J-L.) : « La rupture des contrats d’affaires : résiliation et résolution du contrat », AJCA 2016, p. 127.

590MALAURIE-VIGNAL (M.) : « L’annulation du contrat de franchise n’est pas aisée ! », CCC n°8-9, août 2017, comm. 172.

591Cass. Com., 12 juill. 2005, RTD civ, 2006, p.306, obs, J.MESTRE et B.FAGES ; Cass. Com., 24 mai 1995, pourvoi n°92-15.846.

592Cass. Com., 7 mars 1995, pourvoi n°93-10.368.

593LPA, 15 nov. 2007, n°229, p.45.

594SIMON (F-L.) : « L’exécution du contrat de franchise », LPA, 13 nov. 2009, n°227 p.44.

595CA. Paris., 7 janv. 2009, RG n°06/13301 ; Cass. Com., 24 mai 1994, n°92-15.846 : CCC 1994, comm. n°191, obs. L. LEVENEUR ; Cass. Com., 27 janv. 1998, n°95-13.600.

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nombreux en jurisprudence dans lesquels la résolution du contrat de franchise est prononcée aux torts exclusifs du franchiseur. Ainsi, le contrat de franchise doit être résolu aux torts exclusifs du franchiseur, lorsque ce dernier a été dans l'impossibilité de fournir le savoir-faire en raison d’une inadaptation technique596. La résolution doit également être prononcée lorsque le franchiseur s’est contenté de limiter la transmission des éléments constitutifs du savoir-faire à la seule communication de documents commerciaux597. Enfin, le contrat de franchise doit être résolu aux torts exclusifs du franchiseur lorsque le savoir-faire devient inutile pour le franchisé, en raison de sa communication tardive intervenue après l’ouverture de son établissement598. A la différence de la nullité, qui sanctionne une irrégularité concomitante à la formation du contrat en anéantissant celui-ci de manière rétroactive, la résolution sanctionne l’inexécution des obligations contractuelles599. Cependant, les évolutions apportées par la réforme du droit des obligations en ce qui concerne la résolution du contrat risquent de bouleverser les solutions existantes en matière de restitution.

87. L’influence de la réforme du droit des obligations sur la résolution du

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