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Le caractère éprouvé du savoir-faire

Dans le document Savoir-faire et franchise (Page 81-89)

43. L’expérimentation du savoir-faire, prélude indispensable à sa transmission. Indépendamment des termes retenus pour définir le contrat de franchise, la finalité même de ce dernier réside dans la transmission par le franchiseur d’un ensemble de connaissances lui ayant permis de rencontrer un succès commercial, succès que le candidat franchisé cherche à réitérer à son tour338. Toutefois, le succès rencontré par le franchiseur ne saurait exister si ce dernier n’a pas, en amont de la création de son réseau, expérimenté son savoir-faire et acquis de l’expérience dans son exploitation339. Ainsi, l’exigence d’expérimentation apparaît, pour la première fois, dans les dispositions du règlement d'exemption de 1988, et dans la définition qu’il donne du savoir-faire. Ce dernier y est défini comme étant « un ensemble d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du franchiseur et testé par celui-ci, ensemble

336 ALLIX-DESFAUTAUX (C.), CHAUDEY (M.), FADAIRO (M.), KHELIL (N.), LE NADANT (A-L.), PERDREAU (F.), SIMON-LEE (F.) : « Conditions d’émergence et de diffusion de l’innovation au sein des réseaux de franchise », contrat de recherche 2013-2014 pour la Fédération Française de la Franchise.

337 MALAURIE-VIGNAL (M.) : « Nullité du contrat de franchise pour erreur sur la rentabilité », CCC n°4, Avril 2015, comm. 88.

338 GRIMALDI (C.), MERESSE (S.), ZAKHORAVA-RENAUD (O.) : « Droit de la franchise », LexisNexis, 2017, n°2, p. 1.

339 PFEIFER (M.) : « La protection des secrets techniques », LPA, n°226-227, p. 55, 14 nov. 2016 ; SIMON (F-L.) : « Contrat de franchise et rentabilité du réseau », LEDICO févr. 2019, n°111w8, p.2

63 qui est secret, substantiel et identifié »340. La nécessité d’une expérimentation au préalable du savoir-faire se retrouve aussi au sein du Code de déontologie européen de la franchise bien que celui-ci soit dépourvu d’une quelconque force contraignante341. Le constat est identique pour ce qui est de la norme AFNOR, cette dernière indiquant très clairement que : « la franchise qui est une méthode de collaboration entre entreprises, implique préalablement pour l'entreprise franchisante, la propriété ou la jouissance d'un ou de plusieurs signes de ralliement de la clientèle (…) ainsi que la détention d'un savoir-faire transmissible aux entreprises franchisées, et se caractérisant par une collection de produits et/ou un ensemble de services : présentant un caractère orignal et spécifique ; exploité selon les techniques préalablement expérimentées »342. En effet, pour conférer un réel avantage au futur franchisé, le concept doit avoir été expérimenté et standardisé au préalable. Il serait mal venu, pour un franchiseur de prétendre maîtriser son savoir-faire s'il ne l’a pas testé auparavant pendant une période de temps suffisamment longue343. Pour certains auteurs, la nécessité, voire l’obligation pour le franchiseur de transmettre un savoir-faire qui a été éprouvé par le passé constitue, l’une des causes ou, devrait-on dire dorénavant, l’une des contreparties du contrat de franchise, pouvant entraîner par voie de conséquence sa nullité en cas d’absence344. Cependant, le caractère expérimenté du savoir-faire ne constitue pas une obligation légale en droit interne mais découle d’une exigence jurisprudentielle à proprement parler345. Ainsi, la Cour d’appel de Paris considère que : « le franchiseur doit transmettre un savoir-faire adapté à la réussite commerciale du franchisé ; si le franchisé, commerçant indépendant, est responsable de sa propre réussite, le savoir-faire transmis doit être rentable dans des conditions normales d'exploitation ; cette rentabilité est normalement garantie par l'expérimentation effectuée par le franchiseur lui-même et par un certain nombre de ses franchisés, qui atteste que le

savoir-340 Etant précisé que si l'art. 1-1, g du règlement de l'UE n°330 du 20 avril 2010 indique que le savoir-faire est :

« un ensemble secret, substantiel et identifié d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du fournisseur et testées par celui-ci », les lignes directrices relatives aux restrictions verticales ne mentionnent

nullement une quelconque obligation pour le franchiseur de tester au préalable le savoir-faire.

341 Art. 2-2 : « Le Franchiseur devra : a) avoir mis au point et exploité avec succès un concept sur le marché

pertinent, pendant au moins un an et dans au moins une unité pilote, avant le lancement du réseau de franchise sur ce marché (…). »

342 SCHMIDT-SZALEWSKI (J.) : « Le secret du bon savoir-faire », PI n°3, Mars 2004, comm. 27.

343 GAST (O.), « Plaidoyer pour une révision de la notion de savoir-faire en matière de franchise : du savoir-faire au savoir- réussir », LPA, 3 nov. 1995, n°132, p.9.

344 Cass. Com., 14 sept. 2010, pourvoi n°09-17.079, Juris-Data n°2011-001558.

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faire est éprouvé »346. Cette même Cour d’appel a par ailleurs affirmé que : « comme l’ont relevé les premiers juges, le savoir-faire n’est pas identifié, ni matérialisé dans un quelconque document (…), et n’avait pas fait l’objet d’expérimentations au moment de la conclusion du contrat, n’ayant pas été suffisamment testé avec succès sur plusieurs sites ; qu’il y a donc lieu de confirmer le jugement présentement déféré en ce qu’il a estimé dépourvu de cause, faute de savoir-faire éprouvé, le contrat de franchise litigieux »347. En conséquence, il est impératif qu’après la mise au point dite théorique du savoir-faire, le franchiseur consacre du temps afin que son concept soit testé et éprouvé directement sur le terrain348. C’est la raison pour laquelle, certains auteurs recommandent au franchiseur, afin d’évaluer la pertinence de son savoir-faire, de le tester impérativement au sein d’un établissement référant appelé communément en doctrine et dans la pratique une : « unité pilote »349.

44. L’unité pilote, un outil au service du franchiseur et de son savoir-faire. Comme le résume des auteurs : « le cœur de la franchise gît dans l’avantage concurrentiel que l’expérience, le savoir-faire et l’assistance du franchiseur sont censés donner »350. Ainsi, la finalité de ce contrat repose quasi-intégralement sur la réitération d’une réussite commerciale par le franchisé. Dans ces conditions, le contrat de franchise ne peut pas exister si l’objectif initial repose sur le seul lancement d’un concept trop lacunaire ou perfectible. Dans ce contexte, les unités pilotes apparaissent pour le franchiseur comme un moyen de preuve indispensable, lui permettant, d’une part, de démontrer la réalité de son savoir-faire, mais surtout, d’autre part, de promouvoir celui-ci auprès de potentiels franchisés351. Avant d’opérer la transmission du savoir-faire, le franchiseur doit s’assurer qu’il soit viable352. Certains auteurs préconisent d’ailleurs que la période d’expérimentation ait une durée comprise entre douze et vingt-quatre mois afin de pouvoir identifier toutes les faiblesses du savoir-faire avant sa transmission353. 346 CA, Paris., 19 mars 2014, Juris-Data n°2014-005431.

347 CA, Paris., 3 oct. 2012, RG n°11/05235.

348 PICHON-DRIANCOURT (M.) : « Le savoir-faire, élément central du contrat de franchise : conditions du test, résultats du test et caractéristiques du savoir-faire », www.toute-la-franchise.com, 9 juin 2011.

349 MALAURIE-VIGNAL (M.) : « L’annulation du contrat de franchise n’est pas aisée ! », CCC, n°8-9, Aout 2017, comm. 172.

350 DISSAUX (N.) et LOIR (R.) : « Droit de la distribution », LDGJ, n°732, p. 389.

351 LE TOURNEAU (Ph.) : « Droit de la responsabilité et des contrats », Action Dalloz 2014/2015, n°5698.

352 LEGEAIS (D.) : « La franchise », JCP N, n°27, 3 juill. 1992, 100982.

65 Toutefois, il est important de remarquer que contrairement au Code de déontologie européen de la franchise, la jurisprudence ne fixe aucune durée minimum liée à l’expérimentation du savoir-faire, dans la mesure où elle considère seulement que cette expérimentation doit être suffisamment longue afin que le franchiseur perfectionne le savoir-faire qui sera transmis par la suite à ses franchisés354. Malgré tout, il convient de citer un arrêt rendu par la Cour d’appel de Montpellier qui admet dans une décision restant à ce jour isolée que « l’insuffisance du succès commercial ou l’expérience limitée du franchiseur au moment de la signature du contrat de franchise ne suffisent pas à établir l’absence de tout savoir-faire »355. Cette décision ne saurait être considérée comme étant représentative de la position de la jurisprudence dans sa globalité au sujet de l’exigence d’expérimentation au préalable du savoir-faire.

45. Les conséquences de l’absence d’unité pilote sur la validité du contrat de franchise. Etant donné le rôle des unités pilotes dans l’évaluation de la consistance du savoir-faire, une problématique est apparue en pratique. En effet, à supposer qu’un franchisé soit mécontent des résultats de son propre point de vente, pourrait-il invoquer l’absence d’unité pilote au sein du réseau afin d’obtenir la nullité du contrat de franchise ? Si la jurisprudence s’est saisie depuis longtemps de cette question, il aura tout de même fallu attendre quasiment vingt-cinq ans après l’apparition des premières décisions, pour que la Cour de cassation fasse enfin entendre sa position à ce sujet356. En effet, dès 1993, la Cour d’appel de Versailles, à la seule lecture des dispositions du Règlement communautaire de 1988, débouta un franchisé d’une demande en annulation du contrat de franchise pour défaut d’expérimentation préalable du savoir-faire au motif que lesdites dispositions n’exigeaient pas que le savoir-faire soit testé au préalable au sein d’une unité pilote357. Plus récemment la Cour d’appel de Paris affirmait encore que : « l'exploitation d'une activité de gestion de patrimoine, la commercialisation de produits d'investissements et d'assurance, dans le cadre d'un réseau de franchise ne doit pas être annulé pour vice de consentement du franchisé. Contrairement à ce qu'il soutient, il n'a pas commis d'erreur sur l'expérimentation du savoir-faire. Pour vérifier le

354 GOUACHE (J-B.) et BEHAR-TOUCHAIS (M.) : « Choix de la franchise », JCl. Contrats-Distribution, Fasc. 1051, n°39 et 40.

355 CA. Montpellier., 12 avril 2011, RG n°09/07385.

356 Cass. Com., 8 juin 2017, n°15-29093.

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caractère éprouvé du savoir-faire, il n'est pas nécessaire qu'il existe un « pilote » exploité par un autre que le franchiseur antérieurement à la signature du contrat de franchise. Le savoir-faire repose sur l'expérience des dirigeants du réseau de franchise qui assurent la direction de sociétés de conseil en gestion de patrimoine et de ses associés spécialisés dans le management d'équipes commerciales et en programmation informatique. Le savoir-faire a fait l'objet d'une expérimentation dans un point de vente pendant 10 ans »358.Selon le raisonnement de la Cour d’appel de Paris et des nombreuses décisions prononcées par la suite359, aucun des règlements communautaires, ni des textes nationaux en vigueur, n’imposent de façon contraignante, une quelconque obligation à la charge du franchiseur d’exploiter et d’expérimenter au préalable son savoir-faire ainsi que son concept au sein d’une telle unité pilote. Tout au plus, trouve-t-on des traces de cette exigence au sein de dispositions dépourvues cependant d’une quelconque force contraignante360. Malgré tout, la question de la nécessité ou non de la présence d’une unité pilote au sein d’un réseau n’était jusqu’à présent tranchée que par les juges du fond361. Toutefois, par un arrêt récent, la Haute juridiction a affirmé : « que pour statuer comme il fait, l’arrêt retient encore que le franchiseur n’a pas transmis de savoir-faire aux franchisés faute d’avoir mis à leur disposition un établissement pilote bien que l’existence d’un tel site soit nécessairement déterminante pour en apprécier la pertinence et l’efficience ; qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du franchiseur qui soutenait qu’elle avait dispensé des sessions de formation aux cours desquelles un savoir-faire spécifique avait été transmis aux franchisés, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé »362. Pour la Cour de cassation, il apparaît que l’existence d’une unité pilote n’est pas nécessaire afin de mesurer la consistance et la réalité du savoir-faire transmis. Par ailleurs, il ressort très clairement de cet arrêt que seule la présence d’un savoir-faire éprouvé et testé doit être pris en compte pour

358 CA. Paris., 2 mars 2016, RG n°13/23068 ; CA Paris., 9 janv. 2019, n°16/21425

359 C’est uniquement en raison d’un vice du consentement trouvant son origine dans une tromperie dont a été victime le franchisé notamment en ce qui concerne les résultats commerciaux exagérément optimistes des unités pilotes, que certains arrêts n’ont pas hésité à prononcer la nullité du contrat de franchise, voir CA. Paris., 3 oct. 2012, Juris-Data n°2012-024547

360 DISSAUX (N.) : « L’essai en matière de franchise », RTD Com. 2015, p. 403.

361 CA. Paris., 12 nov. 2014, n°12/15179 et n°12/15178, arrêts dans lesquels la Cour d’appel admet la validité d’un contrat de franchise en dépit du fait que le savoir-faire n’avait pas été expérimenté par des unités pilotes appartenant au franchiseur, mais qu’il avait été transmis par les premiers franchisés du réseau, déjà en place, qui assuraient des formations et des animations.

67 qualifier un contrat, de contrat de franchise. La solution retenue par la Cour de cassation ne peut être qu’approuvée puisqu’elle est conforme à l’état actuel du droit positif dans la mesure où celui-ci ne comporte aucune disposition légale contraignante, venant imposer au franchiseur la création d’une unité pilote au sein de son réseau363. Toutefois, cette décision ne saurait être interprétée comme dispensant le franchiseur de tester suffisamment au préalable son savoir-faire. En effet, si un savoir-faire est exploité par le biais d’un contrat de franchise, c’est justement parce que son concepteur, le franchiseur, l’a suffisamment testé en amont de sa transmission.

46. De la validité de la clause informant le franchisé de l’absence d’expérimentation du savoir-faire transmis. Réduit à sa plus simple expression, le contrat de franchise a pour finalité de permettre au franchisé de réitérer une réussite commerciale rendue possible grâce à l’exploitation d’un savoir-faire éprouvé. Dans ces conditions, comment pourrait-on imaginer qu’une clause informant le franchisé que le savoir-faire transmis est dénué d’expérimentation préalable, n’ait pas pour effet d’entraîner la nullité du contrat de franchise ? Après tout, la Cour de cassation rappelle inlassablement depuis quatre décennies qu’en l’absence d’un savoir-faire, il n’y a point de contrat de franchise364. Toutefois, par une série de dix décisions rendues le même jour, la Haute juridiction s’est prononcée sur la validité d’une telle clause lorsqu’elle est insérée dans un contrat de franchise dont l’objet porte sur l’exploitation d’un savoir-faire innovant. En l'espèce, le franchiseur avait tenté d’adapter son expérience personnelle acquise dans le secteur de l’assurance, à une activité commerciale voisine, à savoir de crédit. Le franchiseur avait intégré dans le contrat de franchise une clause informant le franchisé de l’absence d’exploitation préalable du savoir-faire et donc du concept compte tenu de son caractère innovant365. Trois ans après la signature, les franchisés demandaient la nullité du contrat de franchise au visa de l’article L. 330-3 du Code de commerce, au motif qu’il y avait un manquement de la part du franchiseur à son obligation précontractuelle d’information et plus précisément en ce qui concerne la fourniture d’un état de 363 SIMON (F-L.) : « Savoir-faire et unité pilote », LEDICO sept. 2017, n°110q6, p.6 ; SIMON (F-L.) : « Contrat de franchise et rentabilité du réseau », LEDICO févr. 2019, n°111w8, p.2

364 Cass. Com., 9 oct. 1990, n°89-13.384 ; Cass. Com., 14 sept. 2010, n°09-17.079 ; ANCELIN (O.) et DE BAKKER (F.) : « De l’inexistence du savoir-faire dans un contrat de franchise », AJCA 2015, p. 333.

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présentation du marché ainsi que sur les perspectives de développement. Toute la portée de ces arrêts réside dans la distinction qui est opérée par la Cour de cassation entre les différents franchisés notamment en fonction de leur expérience dans le secteur d’activité franchisé. En effet, la Haute juridiction affirme très clairement pour rejeter un pourvoi que « l’arrêt constate que le franchisé exerçait depuis plus de vingt-huit ans une activité de courtage en matière d’assurance et de crédit dans la ville de Rouen, et qu’il a également exercé une activité de courtier en finances pendant dix-sept ans ; qu’il en déduit que le franchisé avait une bonne connaissance du marché local (…) que le franchisé avait été informé du caractère innovant du concept et constaté que le DIP mentionnait la date de création de la société qui était concomitante à celle du réseau et précisait le domaine dans lequel chacune des deux sociétés fondatrices avait développé son expertise, ce dont il se déduisait que l’expérience acquise par ces dernières ne portait pas sur le concept innovant associant l’assurance et le crédit, l’arrêt retient que le franchisé a été informé de l’absence d’exploitation préalable du concept »366. A contrario, la Cour de cassation considère qu’il doit être fait droit à la demande de dommages-intérêts formulée par un franchisé malgré son expérience professionnelle de plus de trente ans dans le secteur de l’assurance dès lors que cette expérience : « était insuffisante pour lui permettre d’apprécier l’état du marché local d’un concept novateur alliant crédit et assurance »367. En d’autres termes, malgré le fait que le contrat de franchise portait sur un savoir-faire n'ayant jamais fait l’objet d’une exploitation par le franchiseur, les franchisés avaient contracté en pleine connaissance de cause. Par conséquent, un savoir-faire innovant dépourvu de toute expérimentation préalable pourra faire l'objet d'un contrat de franchise, à la condition qu’en raison des compétences du franchisé, ce dernier soit en mesure, d’apprécier le sérieux et la pertinence des informations qui lui ont été communiquées par le franchiseur368. Dans un tel cas, le franchiseur devra veiller à insérer une clause informant le franchisé de l’absence d’exploitation au préalable du savoir-faire transmis. Ainsi, cette série d’arrêts semble consacrer la faculté offerte au franchisé d’accepter, à ses risques et périls, de s’engager avec un franchiseur qui n’aurait nullement exploité au préalable un concept dit innovant369. Or, toute la 366 Cass. Com., 5 janvier 2016, n°14-15.710.

367 Cass. Com., 5 janv. 2016, n°14-15.704.

368 FERRIER (D.) : « Concurrence – Distribution », D. 2017, p. 881.

69 problématique d’une telle affirmation réside dans l’appréciation du caractère innovant du savoir-faire. Doit-on considérer qu’un savoir-faire innovant renvoie à un savoir-faire doté d’une certaine originalité ? Ou au contraire, à un savoir-faire dont les éléments constitutifs sont entièrement nouveaux ? Le simple fait pour le franchisé d’accepter les aléas et les risques qui sont inhérents à l’exploitation d’un savoir-faire innovant ne constitue pas une réelle atteinte à la définition même du contrat de franchise ? S’il appartiendra à la jurisprudence de répondre à ces différentes interrogations370, la possibilité qui est offerte au franchiseur d’être dispensé de son obligation de transmettre au franchisé un savoir-faire éprouvé au seul motif qu’il propose un concept innovant, semble difficilement compatible avec la philosophie même du contrat de franchise qui tend à faire bénéficier le franchisé d’un avantage concurrentiel certain sur un marché déterminé. Par ailleurs, l'absence de la part du franchiseur d’une quelconque expérience traduit irrémédiablement une maîtrise insuffisante du savoir-faire, constituant un obstacle insurmontable à la qualification d’une telle opération en contrat de franchise.

La transmission d’un savoir-faire suffisamment éprouvé, constitue un enjeu majeur pour les réseaux de franchise. L’exploitation personnelle par le franchiseur de sa méthode ou de ses procédés doit le conduire vers une réussite commerciale certaine, réussite que devront réitérer par la suite ses futurs franchisés. En ayant exploité suffisamment son savoir-faire, le franchiseur réduira les probabilités de voir ses franchisés échouer et ainsi remettre en cause le contrat. Les franchisés ne peuvent donc essuyer les plâtres résultant d’un défaut d’exploitation préalable et suffisante du savoir-faire par le franchiseur. S’il ressort de la jurisprudence et de la pratique le principe selon lequel le savoir-faire se doit d’être éprouvé, celui-ci souffre néanmoins d’une exception. Ainsi, le contrat de franchise ne pourra être remis en cause en cas d’absence d’expérimentation du savoir-faire, dès lors que le contrat comportera une clause justifiant de cette absence en raison du caractère innovant du savoir-faire transmis. A

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