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Le savoir-faire, un des éléments essentiels du contrat de franchise

Dans le document Savoir-faire et franchise (Page 48-54)

31 « Le savoir-faire consiste en un ensemble de connaissances, transmissibles non immédiatement accessibles au public, et non brevetées,

et pour lesquelles quelqu’un serait disposé à payer pour en avoir connaissance »

Jean- Marc MOUSSERON168.

21. La pratique américaine des accords de franchise, à l’origine de la conception française du savoir-faire. Sans minimiser l'apport des instances européennes sur la pratique des accords de franchise, il faut bien admettre que l'influence américaine sur cette dernière est telle qu'elle se retrouve dans la manière dont les praticiens français exploitent à leur tour ce mode de distribution. Elle se manifeste également, en toute logique, dans les différentes définitions employées par la jurisprudence et la doctrine, pour tenter d'établir une sorte de vocabulaire juridique propre aux contrats de franchise. Ainsi la notion de savoir-faire, appréhendée dans sa globalité, est directement inspirée et dérivée d'un terme spécifique à la législation anglo-saxonne en matière de propriété intellectuelle : « Know How »169. Si, pendant des années, la jurisprudence lui a préféré la notion de secret de fabrique170, il faudra attendre 1967171 pour que l’expression « savoir-faire » soit utilisée pour la première fois172.

22. Le savoir-faire, l’élément cardinal du contrat de franchise. Etant placée depuis longtemps au centre d'un long feuilleton jurisprudentiel173, la qualification juridique du savoir-faire n'en finit plus de savoir-faire débat au sein de la doctrine174. Doit-il être considéré comme un 168 LARRIEU (J.) : « Le savoir-faire de la sage-femme ». Propr. ind. n°5, mai 2010 comm 33.

169 MOUSSERON (J-M.) : « Aspects juridiques du know how », Cah. dr. entr. n°1, 1972, p. 1, spéc. p.2

170 Cass. Crim., 30 déc. 1931, Gaz. pal. 1936. 1. 333.

171 CA. Douai., 16 mars 1967, D. 1967, p. 637.

172 SCHMIDT-SZALEWSKI (J.) : « Savoir-faire », Rép. com, févr. 2009, n°2 et s.

173 CARON (C.) : « Le droit d'auteur n'est plus au parfum », CCE, n°9, sept 2006, comm 119.

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bien à part entière ? Peut-il faire l'objet d'une appropriation par l'utilisation des règles relatives au droit de propriété ? Malgré la présence de ce débat récurrent, la doctrine s'accorde unanimement pour affirmer que le savoir-faire constitue l'élément fondamental, si ce n'est l’élément cardinal, du contrat de franchise175. Certains auteurs prétendent, de manière encore plus tranchée, que l'intérêt principal et unique du recours aux accords de franchise réside dans la seule présence d'un savoir-faire176. Pour tenter de matérialiser l'importance du savoir-faire au sein des accords de franchise, trois remarques conviennent d’être formulées. Premièrement, pour reprendre l’expression utilisée en doctrine, le savoir-faire constitue l’essence même du contrat de franchise177. Comme il conviendra de l’étudier par la suite, le recours à cette forme contractuelle, doit permettre à une personne dénuée de tout sens des affaires, ou n’ayant aucune expérience dans un secteur d’activité, de jouir d’un avantage concurrentiel, lui permettant ainsi de réitérer à son tour, le succès commercial d’un concept éprouvé par le passé178. Deuxièmement, l'inexistence ainsi que l’absence de transmission d'un réel savoir-faire, entraînent des conséquences importantes sur le terrain de la validité même du contrat de franchise179. Enfin, troisièmement, la notion de savoir-faire permet de distinguer les accords de franchise, des autres modes de distribution, parfois similaires180. La place centrale dévolue au savoir-faire au sein du contrat de franchise, a pour conséquence de faire reposer aussi bien sur le franchiseur, que sur ses franchisés un certain nombre d’obligations spécifiques (Titre 2). Toutefois, avant même d’aborder les questions relatives aux contenus de ces dernières, encore faut-il réussir à appréhender la notion de savoir-faire dans sa globalité, en dégageant l’ensemble de ses éléments constitutifs (Titre 1).

175 BASCHET (D.) : « Le savoir-faire dans le contrat de franchise », Gaz. pal. 1994, 1, doctr., p. 609 et s ; TADDUNO (J.) : « Le savoir-faire, point névralgique du contrat de franchise », www.officieldelafranchise.fr, 19 mars 2015.

176 GAST (O.) : « Plaidoyer pour une révision de la notion de savoir-faire en matière de franchise : du savoir-faire au savoir- réussir », LPA, 3 nov. 1995, n°132, p.9.

177 LEGEAIS (D.) : « La franchise », JCP N, n°27, 3 juill. 1992, 100982.

178 KAHN (M.) : « Franchise et Partenariat », 5éme éd, DUNOD, 2009, p.14.

179 BEHAR-TOUCHAIS (M.) et GOUACHE (J-B.) : « Choix de la franchise », Fasc. 1051, J.-Cl, n°41 et s.

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Titre 1 : Les éléments constitutifs du

savoir-faire

23. De la conception classique à la conception moderne du savoir-faire. Le « droit de la franchise », constitué pour l'essentiel du droit commun des contrats et de dispositions spécifiques situées dans le Code de commerce181, ne donne quasiment aucune définition du savoir-faire182. S'il est revenu à la jurisprudence, et à la doctrine, de dégager une telle définition, la plus connue d'entre elles reste sans aucun doute celle du Professeur J-M. MOUSSERON selon laquelle : « le savoir-faire consiste en un ensemble de connaissances, transmissibles, non immédiatement accessibles au public, et non brevetées, et pour lesquelles quelqu’un serait disposé à payer pour en avoir connaissance »183. Toutefois, face à l'infinie variété de définitions proposées par la doctrine, il convient de remarquer qu'elles sont en grande partie influencées par les différents textes internationaux184. Ainsi, l'article 39 de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce fait référence indirectement au savoir-faire, à travers la notion de « renseignements non divulgués »185. En effet, les éléments constitutifs de ces derniers se rapprochent de ceux du savoir-faire, puisqu’ils devront être à la fois secrets, disposer d’une valeur marchande, et faire l'objet de tout un ensemble de mesures de protection afin de garantir leurs inaccessibilités aux yeux des tiers186. Mais, c'est réellement les textes européensqui ont donné naissance à la définition classique du savoir-faire propre aux accords de franchise187. Le savoir-faire y est défini comme un 181Cependant le nouvel art. L.341-2, II, 3° issu de la l. du 6 aout 2015, parle de savoir-faire substantiel, spécifique et secret, sans donner une quelconque définition.

182DONDERO (B.) : « L’instrumentalisation du droit des sociétés : la franchise participative », JCP E n°46, 15 nov. 2012, 1671.

183MOUSSERON (J-M.) : « Aspects juridiques du know-how », JPC E, supplément 1, 1972, p.1-14.

184SIMON (F-L.) : « La formation du contrat de franchise », LPA, 13 nov. 2009, n°227, p.23.

185Accord ADPIC annexé à l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce signé le 15 avril 1994 à Marrakech.

186V. Art. 2-1 de la Directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secret d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation, et la divulgation illicites, qui reprend quasiment à l’identique les dispositions de l’art. 39 de l’ADPIC.

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« ensemble d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du franchiseur et testées par celui-ci, ensemble qui est secret, substantiel, et identifié »188. Ce triptyque a longtemps été indissociable de la notion de savoir-faire au sein des accords de franchise, à tel point que la jurisprudence a refusé pendant bien des années de reconnaître la qualification de savoir-faire189 à un ensemble d'informations ne regroupant pas ces trois conditions190. Toutefois, sous l'influence de la doctrine191, la jurisprudence a quelque peu évolué vers plus de souplesse et reconnaît désormais l'existence d'un tel savoir, alors même que certains éléments constitutifs seraient partiellement absents192.

Si la conception dite « classique » a pendant longtemps reçu les faveurs de la jurisprudence (Chapitre 1), il semble qu'elle ne corresponde plus à la pratique contemporaine des accords de franchises, qui ont permis l’émergence d'une conception « moderne » du savoir-faire (Chapitre 2).

188Art. 1er du Règlement CEE n°4087/88 de la Commission du 30 nov. 1988.

189VIENNOIS (J-P.) : « Annulation d'un contrat de franchise pour absence de cause et réticences dolosives », JCP G, n°30, 23 juill. 2003, II, 10127.

190ANCELIN (O.) : « De l'inexistence du savoir-faire dans un contrat de franchise », AJCA, 2015, p. 333.

191BENSOUSSAN (H.) : « Le droit de la franchise », Apogée – Rennes 1997, p.192

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Chapitre 1 : La conception dite « classique » du

savoir-faire

24.Plan. La conception classique renvoie expressément aux définitions établies par les instances européennes. Il résulte de ce corpus de textes qu'un ensemble d'informations n'emportera la qualification de savoir-faire, condition indispensable à la reconnaissance d'un contrat de franchise, que si ces informations sont cumulativement secrètes (Section I), substantielles (Section II) et identifiées (Section III).

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