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L’influence du droit européen dans l’élaboration et l’évolution d’un droit de la franchise

Dans le document Savoir-faire et franchise (Page 32-35)

Paragraphe II : La diversité des règles applicables à la franchise

B. L’influence du droit européen dans l’élaboration et l’évolution d’un droit de la franchise

11. La jurisprudence « Pronuptia », à l’origine de l’influence du législateur européen sur l’encadrement de la pratique de la franchise. Affirmer que les dispositions contenues dans le Code du Commerce en matière de droits de la concurrence et de la distribution, ont été en grande partie façonnées sous l'influence du droit européen est un doux euphémisme. Depuis leurs avènements en 1957, le droit et la jurisprudence communautaires n'ont cessé d'accroître leur emprise sur les règles relatives à l'encadrement des modes de distribution et le contrat de franchise n'échappe pas à ce phénomène. Les dispositions contenues dans le Traité de Rome ont posé les bases d'un droit européen de la concurrence, que l'on retrouve aujourd'hui encore au sein du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne. Ces différents traités ont dressé au fil du temps une liste de pratiques prohibées en raison de leurs incompatibilités avec le marché commun et qui auraient pour conséquences d'empêcher, de restreindre et de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur de ce marché. Or, la question de la compatibilité entre ces dispositions et le développement des accords de franchise s'est inévitablement posée, en raison de la nature même de ces contrats qui appartiennent à la catégorie dite des accords verticaux. En outre, le risque est grand de voir ces contrats paralyser la concurrence par la mise en place d'un système organisé de distribution de produits ou de services. Cependant, il faudra attendre 1986 et son arrêt Pronuptia pour que la Cour de Justice des Communautés Européennes se prononce enfin sur la licéité de la franchise au regard du

92 BOUVET (T.) : « Détermination du détenteur légitime des droits sur un secret d’affaires », PI n°9, sept. 2018, doss.9 ; RAYNARD (J.) : « Le contenu et la particularité de la protection », PI n°9, sept. 2018, doss. 10 ;

93 BEHAR TOUCHAIS (M.) et GOUACHE (J-B.) : « Actualité du droit de la franchise 2018 », CCC n°12, déc. 2018, ét. n°16 ; PIHERY (R.) : « La loi relative à la protection du secret des affaires : quels impacts en matière de franchise ? », AJ contrat 2018, p. 414.

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droit communautaire94. Dans cet arrêt, la Cour précise que les contrats de franchise peuvent contenir des clauses ayant pour effet de limiter la liberté d'entreprendre du franchisé, au cours et postérieurement à la période d'exécution dans la mesure où elles ont pour principal objet de protéger le savoir-faire, qui relève de l'essence même de ce contrat95. Mais l'importance de cet arrêt ne se cantonne pas aux seuls éclaircissements apportés sur la compatibilité de la franchise vis-à-vis des règles européennes, mais se situe aussi du côté de l’attitude adoptée par la Commission européenne en réaction à cette jurisprudence.

12. L’important travail normatif réalisé par la Commission européenne en matière d’encadrement de la pratique de la franchise. A la suite de la prise de position de la Cour de Justice, la Commission européenne a rendu en l'espace de deux années pas moins de cinq décisions qui s'inscrivent dans le sillage de la jurisprudence Pronuptia96. Mais, ces décisions ont surtout permis à la Commission de recueillir suffisamment d'éléments pour élaborer les différents règlements communautaires promulgués depuis 1988. En effet, une série de règlements dits d'exemption ont été adoptés ayant pour finalité de faire échapper certaines clauses du contrat de franchise à une nullité de plein droit prévue par les dispositions des traités européens en ce qui concerne les pratiques restrictives de concurrence97. Toutefois, comme le fait remarquer un auteur, ces règlements ne constituent pas un modèle contractuel98 puisqu’ils ont pour seule finalité de se prononcer sur « la licéité concurrentielle d’un contrat ou d’une

94 DEMARET (P.) : « L'arrêt Pronuptia et les contrats de franchise en droit européen de la concurrence : innovation et tradition », JCP E, n°48, 27 nov. 1986, 14816.

95 GAST (O.), « Plaidoyer pour une révision de la notion de savoir-faire en matière de franchise : du savoir-faire au savoir- réussir », LPA, 3 nov. 1995, n°132, p.9.

96 Décision 87/14/CEE de la Commission du 17 déc. 1986 relative à une procédure d'application de l'art. 85 du traité CEE (IV/31.428 à 31.432 – Yves Rocher) ; Décision 87/17/CEE de la Commission du 17 déc. 1986 relative à une procédure d'application de l'art. 85 du traité CEE (IV/30937 – Pronuptia) ; Décision 87/407/CEE de la Commission du 13 juill. 1987 relative à une procédure d'application de l'art. 85 du traité CEE (IV/32.034 – Computerland) ; Décision 88/604/CEE de la Commission du 14 nov. 1988 relative à une procédure d'application de l'art. 85 du traité CEE (IV/32.358 – Service Master) , Décision 89/94/CEE de la Commission du 2 déc. 1988 relative à une procédure d'application de l'art. 85 du traité CEE (IV/31.697 – Charles Jourdan).

97 Règlement CE n°4087/88 du 30 nov. 1988 concernant l'application de l'art. 85 paragraphe 3 du Traité aux accords de franchise ; Règlement CE n°2790/1999 du 22 déc. 1999 concernant l'application de l'art. 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées ; Règlement de la Commission n°330/2010 du 20 avr. 2010, concernant l'application de l'Art. 101 paragraphe 3 du TFUE.

98 LELOUP (J-M.) : « Le règlement communautaire relatif à certaines catégories d'accords de franchise », JCP N, n°37, 15 sept. 1989, 101000.

15 clause mais n’affecte pas la validité de celui-ci » 99. Malgré le fait qu’à l’heure actuelle seul le règlement de 2010 demeure100, ce dernier s’applique à reprendre la définition du savoir-faire proposée initialement par la jurisprudence Pronuptia et le règlement de 1988. Au final, si le droit de la franchise ne constitue qu’une expression doctrinale, il n’empêche que les dispositions susceptibles de s’appliquer au contrat de franchise sont nombreuses, variées et surtout sujettes à de multiples évolutions. En dépit de cette situation, toujours est-il que ces règles partagent toutes un point commun. Elles sont indissociables du contentieux entourant l’utilisation du savoir-faire, renforçant un peu plus l’idée selon laquelle ce dernier constitue la clé de voute de ce mode de distribution. Par ailleurs, le contrat de franchise se distingue des autres contrats de distribution, en raison de sa finalité première à savoir de permettre la transmission d’un savoir-faire à un franchisé afin qu’il l’exploite à son tour de manière indépendante.

Section II : Le savoir-faire, la cause principale des spécificités de la franchise en tant que figure contractuelle

13. Présentation. Il serait réducteur de résumer le contrat franchise à un simple mode de distribution. La diversité des savoir-faire exploités fait de la franchise une figure contractuelle polymorphe ce qui explique son implantation dans de nombreux secteurs d'activités101. Le contrat de franchise apparaît donc comme un outil indispensable à la transmission par le franchiseur de l’ensemble des éléments constitutifs de son savoir-faire au futur franchisé102. C’est justement parce qu’il constitue un tel outil que le contrat de franchise présente un certain nombre de caractéristiques (Paragraphe I). Par ailleurs, les innovations et les bouleversements apportés par la réforme du droit des obligations103 conduisent à

99 MALAURIE-VIGNAL (M.) : « La Cour de cassation se prononce sur le caractère justifié d’une clause d’approvisionnement exclusif stipulée dans un contrat de franchise sans tenir compte de la durée de la clause », CCC n°3, mars 2018, comm. 45.

100Règlement de la Commission n°330/2010 du 20 avr. 2010, concernant l'application de l'art. 101 paragraphe 3 du TFUE.

101 LE TOURNEAU (Ph.) : « Droit de la responsabilité et des contrats », Action Dalloz 2014/2015, n°5686.

102 MAROT (Y.) : « L’appréciation du savoir-faire dans le contrat de franchise », LPA, 3 août 1994, n°92.

103 DUTTO (V.) : « De quelques réflexions concernant l’appréhension du droit de la franchise à la lumière de la réforme du droit des contrats », AJ contrat 2017, p. 159.

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s’interroger sur une possible remise en cause des pratiques existantes en matière de transmission et de protection du savoir-faire (Paragraphe II).

Paragraphe I : Le contrat de franchise, un instrument complexe au service du franchiseur et de son savoir-faire

14. Plan. L'absence de disposition propre à la franchise en droit français entraîne par voie de conséquence un défaut de définition légale du contrat de franchise. Toutefois, la place fondamentale qu’occupe le savoir-faire au sein du contrat de franchise permet de dégager une définition tant positive (A) que négative (B) de ce contrat.

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