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La volonté, fondement amplifié

196. L’inné et l’acquis. La filiation ne se fonde pas seulement dans l’existence d’un lien charnel – lien subi – mais elle se fonde aussi, voire parfois uniquement, dans la manifestation de volonté du parent de se rattacher l’enfant – lien choisi. Une seconde dichotomie se dégage alors, celle de l’inné et l’acquis ; la filiation voulue, acquise, se conjugue ou, parfois même, se substitue à la filiation génétique, innée. Afin de construire des liens de filiation détachés du modèle génétique et même physique, le droit recourt de plus en plus à la volonté qui lui offre une grande flexibilité. Dépourvue de contraintes matérielles et morales, toute filiation devient envisageable lorsque la volonté individuelle est à sa source.

197. Une volonté de rattachement. La volonté peut se définir comme un état psycholo- gique qui va se manifester dans un comportement. En notre domaine, son extériorisation va fonder l’établissement d’un lien juridique de filiation. Elle est celle suivant laquelle l’individu recherche, en établissant un lien juridique de filiation, à intégrer l’enfant dans sa propre lignée, mais également à assumer la charge de celui-ci dans son ensemble. Ainsi, c’est la manifesta- tion concrète d’une telle volonté qui pourra être retenue comme fondement de la filiation.

198. Volonté et loi. Cette volonté parentale, individuelle ou conjointe, ne connaît d’in- cidences qu’organisées par l’État. Comme en matière de contrat1, la volonté n’est pas toute- puissante ; elle n’est pas à elle seule créatrice de droits. C’est le droit qui attribue à cette volonté une valeur juridique et y associe des effets. Autrement dit, la seule volonté d’être pa- rent n’a d’effets sur la filiation à l’égard de l’enfant que si elle s’insère dans un processus légal voire institutionnel. La loi détermine donc le rôle, l’étendue et les conséquences de la volonté

1. F. TERRÉ, P. SIMLERet Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, 11eéd., Dalloz, 2013, p. 35, no28 in

fine. Traitant de la force obligatoire du contrat, les auteurs ont cette formule : « la force obligatoire ne vient donc pas de la promesse, mais de la valeur que le droit attribue à la promesse ». C’est donc l’ordre juridique qui donne à la volonté son véritable rôle.

la notion de filiation en droit comparé

comme fondement de la filiation.

La volonté est favorisée pour fonder la filiation hors mariage en tant que palliatif à l’ab- sence de lien de droit entre les géniteurs de l’enfant. L’expression de la volonté va permettre un rattachement qui est présumé, en principe1, en présence d’un couple marié et qui nécessite d’être révélé par une déclaration en dehors d’une telle union parentale. Le déclin du modèle de la famille légitime a contribué à l’essor de la volonté comme fondement de la filiation en ce que la reconnnaissance ou la déclaration de parenté sont apparues plus courantes, elles se sont normalisées. Ces modes d’établissement volontaires soulèvent désormais de nouvelles inter- rogations quant à leur emploi par des personnes de même sexe mais également par plus de deux personnes à l’égard d’un seul enfant. Si la volonté est à l’origine de la filiation, pourquoi doit-elle être limitée ?

199. Une amplification en matière de filiation élective. C’est en matière de filiation élec- tive que la volonté a encore davantage pris de l’ampleur comme fondement de la filiation. Si la volonté est un fondement historique de la filiation adoptive, elle a été étendue aux filia- tions des enfants issus de procréation médicalement assistée avec tiers donneur. Désormais, la volonté est de plus en plus sollicitée au soutien de l’établissement de la filiation d’un enfant issu de nouveaux modes de procréation, telle que la gestation pour autrui, ou de l’ouverture de certaines de ces figures à d’autres titulaires, tels que les couples de même sexe. De sorte que, « sur un sujet aussi passionné et passionnel que le désir d’enfant, que le mal d’enfant, la volonté se veut souveraine, sans obstacles »2. La volonté est alors à l’origine du « projet pa- rental » qui mène à la filiation, elle n’est plus uniquement un mode de rattachement de l’enfant à une famille mais l’élément fondateur de la conception organisée de l’enfant.

Il s’agit là de la manifestation de la deuxième tendance contemporaine du droit de la fi- liation ; la première survalorisant la génétique comme fondement de la filiation, allant jusqu’à dire qu’il s’agit d’une « vérité », celle dont il est ici question survalorise la volonté pour élar- gir la notion de filiation à des situations qui n’en relevaient pas jusqu’alors. La volonté est alors l’outil de torsion de la notion de filiation qui en est, certes, renouvellée mais également déstabilisée.

1. En effet, la loi du 13 mai 2013 qui a ouvert le mariage aux couples de même sexe en France n’a pas prévu l’extension des effets de la présomption de paternité au sein d’un couple de même sexe. Aussi, un enfant né au sein d’un couple homosexuel marié devra être reconnu par l’épouse de la mère. Le droit anglais a instauré une présomption de parenté au profit du civil partner du parent de l’enfant lorsque l’enfant est issu d’un projet parental commun. L’ouverture du mariage aux couples de même sexe depuis juillet 2013 aura donc logiquement pour effet d’étendre la présomption au sein des couples mariés qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels.

2. É. HIRSOUX, La volonté individuelle dans l’établissement du lien de filiation, Paris, 1988, p. 3.

Section I. Une volonté révélatrice de l’engagement parental

200. Ainsi, la volonté, initialement révélatrice du lien de filiation (Section I) en est deve- nue constructrice (Section II).

Section I

Une volonté révélatrice de