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CHAPITRE II- La perturbation de la réplication : Réponses cellulaires et conséquences

1. Le point de contrôle de phase S

1.1 La voie dépendante d’ATR

1.1.1

Les mécanismes d’activation d’ATR

ATR appartient à la famille des protéines kinases apparentées à la phosphoinositide-3- kinase (PI3K) et possède une activité Sérine/ Théonine kinase. ATR est activé en réponse à de très nombreux types de dommages de l’ADN, tels que les CDBs, les bases endommagées et le stress réplicatif. L’ensemble de ces dommages est capable former une structure intermédiaire commune sous forme d’ADN simple-brin. Plusieurs données suggèrent que c’est cet ADN simple brin (ADNsb) recouvert par la protéine RPA qui serait reconnu pour l’activation d’ATR (Zou and Elledge, 2003). En effet, cette structure permet la localisation d’ATR au niveau du site du dommage chez l’homme et la levure (Zou and Elledge, 2003). Ce type de structure est généré en grande partie lors d’un blocage des fourches de réplication au niveau d’un dommage sur l’ADN entraînant un découplage entre hélicases et polymérases (Figure 21 B,C), mais peut également être formé lors de la maturation des extrémités de CDBs par le complexe MRN (Mre11-Rad50-NBS1) (Figure 21D) ou encore suite à l’excision d’ADN par la réparation par excision de nucléotides (Figure 21E).

FIGURE 21. L’ADN simple brin : une structure commune qui active ATR.

(A) Au niveau d’une fourche de réplication normale en mouvement, un taux limité d’ADN simple-brin est généré et n’est pas suffisant pour activer le point de contrôle de phase S. (B) Si la fourche de réplication rencontre une lésion au niveau de son brin discontinu, une nouvelle ADN polymérase est chargée sur l’ADN en aval de la lésion bloquante, générant une brèche d’ADN simple-brin. (C) Si la fourche de réplication rencontre une lésion au niveau de son brin continu, l’ADN polymérase de ce brin reste bloquée alors que l’hélicase continue de dérouler l’ADN, générant une longue portion d’ADN simple-brin à l’origine de l’activation du point de contrôle de phase S. La réplication peut se poursuivre sur le brin discontinu à cause du découplage entre les ADN polymérases du brin continu et discontinu. (D) La résection des extrémités de cassures double-brin génère de l’ADN simple-brin pouvant être à l’origine d’une activation d’ATR. (E) L’excision d’ADN par la réparation par excision de nucléotides peut également former des structures initiant l’activation ATR. Adapté de R. D. Paulsen, K. A. Cimprich et D. Cortez (Cimprich and Cortez, 2008; Paulsen and Cimprich, 2007).

Le recrutement d’ATR au niveau de l’ADNsb recouvert par RPA dépend d’une autre protéine, nommée ATRIP (ATR Interacting Protein) (Cortez et al., 2001). Les stabilités d’ATR et d’ATRIP sont liées et leur association n’est pas régulée. Le fait que la perte de l’une ou l’autre de ces protéines entraîne des phénotypes semblables suggère qu’ATRIP peut être considéré comme une sous-unité obligatoire d’ATR. Bien que la présence d’ADNsb recouvert par RPA semble être suffisante pour localiser le complexe ATR-ATRIP au niveau des fourches bloquées, elle n’est pas suffisante pour activer ATR. L’activation

le nom de complexe 9-1-1). Le recrutement de ce complexe requière plusieurs étapes. Tout d’abord, Polα est recrutée et à son tour recrute le complexe alternatif Rad17-RFC2-5 qui permet alors le chargement du complexe 9-1-1 sur la chromatine (Zou et al., 2002). Bien que le recrutement d’ATR-ATRIP et du complexe 9-1-1 soient indépendants l’un de l’autre, ces deux événements sont essentiels pour l’activation optimale d’ATR. Le complexe 9-1-1, qui possède une structure similaire à celle de PCNA, permet le recrutement de la Topoisomérase-Binding Protein 1 (TOPBP1), une protéine cruciale pour l’activation d’ATR (Delacroix et al., 2007; Lee et al., 2007). TOPBP1 contient un domaine d’activation d’ATR capable d’interagir avec le complexe ATR-ATRIP et de l’activer directement in vitro (Kumagai et al., 2006) (Figure 22).

FIGURE 22. Modèle simplifié de l’activation d’ATR. Deux complexes, Rad9-Rad1-Hus1 et ATR-ATRIP, sont recrutés indépendamment au niveau de l’ADN simple-brin recouvert par RPA. RPA se lie à ATRIP et dirige le chargement du complexe 9-1-1 par l’intermédiaire du complexe Rad17-RFC2-5. Le

complexe 9-1-1 recrute TOPBP1, ce dernier entraînant l’activation d’ATR. Ceci conduit à la phosphorylation de Chk1 et des autres effecteurs d’ATR. En réponse à un stress réplicatif ou à des dommages de l’ADN, l’activation d’ATR conduit à une inhibition de l’activation des origines de réplication tardives, à l’arrêt du cycle cellulaire et favorise la stabilisation et le redémarrage des fourches de réplications bloquées. D’après K. A. Cimprich et D. Cortez (Cimprich and Cortez, 2008).

1.1.2

La signalisation issue de l’activation d’ATR

Une fois la mise en place d’un complexe actif d’ATR au niveau de la lésion sur l’ADN ou de la fourche bloquée effectuée, la signalisation dépendante d’ATR permettant la coordination de la réplication, de la réparation et du cycle cellulaire peut s’initier. Un des effecteurs d’ATR les mieux étudiés est la protéine kinase Chk1 (checkpoint kinase-1).

a) Activation et rôles de Chk1

Chk1 est phosphorylé par ATR sur les sérines Ser317 et Ser345 et son niveau de phosphorylation rend compte de son état d’activation. La Claspine, une protéine adaptatrice, est essentielle à l’activation de Chk1 (Kumagai and Dunphy, 2000). La phosphorylation de Chk1 pourrait être rendue possible grâce au recrutement de la Claspine par Rad17 (Wang et al., 2006), ce qui permettrait le rapprochement de Chk1 et d’ATR, mais le mécanisme moléculaire exact de l’activation de Chk1 reste à déterminer. Contrairement à la plupart des protéines des points de contrôle qui agissent au niveau des dommages, la fonction de Chk1 est de signaler les dommages de l’ADN au reste du noyau. En effet, lorsque Chk1 est phosphorylée, elle se dissocie de la chromatine pour phosphoryler ses substrats (Smits et al., 2006).

Les cibles principales de Chk1 sont les trois phosphatases Cdc25 (A, B et C) (Boutros et al., 2006). Leur phosphorylation par Chk1 conduit à leur inactivation. Ces phosphatases sont alors incapables d’activer les différentes CDKs en déphosphorylant leurs sites inhibiteurs. La dégradation de ces phosphatases Cdc25 bloque le passage en mitose via l’inactivation de Cdc2 (CDK1) dont l’activation signe le passage en mitose. De plus, chez la levure, Chk1 est capable de phosphoryler le gène suppresseur de tumeur p53 sur la Ser20 (Shieh et al., 2000), ce qui conduit à l’expression de gènes impliqués dans l’arrêt du cycle cellulaire tels que p21.

Outre son rôle dans la régulation du cycle cellulaire, Chk1 joue aussi un rôle essentiel dans la régulation de la réplication. En condition de stress réplicatif, Chk1 inhiberait la

al., 2007b; Feijoo et al., 2001; Seiler et al., 2007). En effet, après traitement à la camptothecine, un inhibiteur de topoisomérase I qui produit des CDBs induites par la collision entre la topoisomérase I et la fourche de réplication, les cellules humaines présentent une diminution de la vitesse des fourches de réplication ainsi qu’une inhibition de l’activation de nouvelles origines. L’inhibition de Chk1 par des inhibiteurs pharmacologiques ou par ARN interférence conduit à la perte de cette régulation (Seiler et al., 2007). La phosphorylation par Chk1 de Cdc25A, en entraînant l’inactivation de CDK2, conduirait à l’inhibition de l’activation des origines tardives de réplication en réponse à un stress réplicatif.

b) Les autres substrats d’ATR

Outre Chk1, de nombreux autres substrats d’ATR ont été identifiés. Une étude protéomique récente menée à large échelle a permis d’identifier plus de 700 protéines phosphorylées sur des sites consensus d’ATM et d’ATR, ces deux kinases partageant un grand nombre de substrats (Matsuoka et al., 2007). Ces protéines interviennent en grande partie dans la réponse cellulaire aux dommages de l’ADN et un grand nombre d’entre elles sont des composantes de systèmes de réparation ou du réplisome. En effet, en réponse à un stress réplicatif, ATR joue un rôle essentiel au niveau des fourches de réplication bloquées en favorisant leur stabilisation et leur redémarrage afin d’assurer la réplication complète du génome. Ainsi, les protéines RFC, RPA, Rad9, Rad17, MCM10, le complexe MCM2- 7, la Claspine ainsi que plusieurs ADN polymérases (Polε, Polλ et Polθ) peuvent être phosphorylés par ATR. Cependant, les conséquences de la plupart de ces phosphorylations ne sont pas connues. Néanmoins, il a été mis en évidence que Mrc1, l’homologue de la Claspine chez la levure, permet de coordonner l’activité des hélicases et des ADN polymérases, empêchant ainsi l’effondrement des fourches de réplication en réponse à un traitement HU (Katou et al., 2003). En effet, la phosphorylation de Mrc1 permet de stabiliser la sous-unité catalytique de Polε au niveau de la fourche de réplication bloquée (Lou et al., 2008). Lorsque les fourches de réplication s’effondrent, Polε se dissocie du réplisome, alors que les hélicases restent à la chromatine. Cependant, ces fourches de

réplication peuvent être réassemblées et redémarrées. Ce processus est dépendant d’ATR et d’ATM, qui en phosphorylant Mre11, permettent le recrutement du complexe MRN (Mre11/Rad50/Nbs1) au niveau des fourches bloquées. Un modèle propose que ce recrutement aiderait au redémarrage des fourches de réplication en favorisant la recapture des molécules d’ADN de la fourche de réplication effondrée, peut être par un processus faisant intervenir de la RH (Trenz et al., 2006). Une autre façon de venir au secours de fourches de réplication bloquées afin d’assurer la réplication complète du génome, réside dans l’activation d’origines dormantes juste an aval du site de blocage de la réplication. Ces origines dormantes ne sont normalement jamais activées durant une phase S normale, mais s’allument en cas de stress réplicatif, grâce à l’excès de protéines MCM2-7 sur la chromatine (Ge et al., 2007; Ibarra et al., 2008). Pour cela, il a été mis en évidence qu’ATR phosphoryle MCM2 en réponse à un stress réplicatif (Cortez et al., 2004; Yoo et al., 2004). Chez le Xenope, cette phosphorylation de MCM2 favorise son interaction avec Polo-like- kinase 1 (Plk1). Ainsi l’activité de Plk1 à proximité d’une fourche de réplication bloquée semble favoriser l’activation d’origines dormantes voisines (Trenz et al., 2008).

Les études génétiques ont apporté un nombre grandissant de données appuyant le rôle essentiel d’ATR au niveau de fourches de réplication bloquées, et les études biochimiques ont permis d’identifier bon nombre de ses substrats. Cependant, un grand nombre de voies par lesquelles ATR garantit le maintien de la stabilité des fourches de réplication et régule l’activation des origines ainsi que l’élongation restent encore à être caractérisées.