• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I – Les ADN polymérases et le maintien de la stabilité du génome

2. Les ADN polymérases translésionnelles (TLS) et la gestion des lésions de l’ADN

2.1 Les barrières de fourches de réplication

2.1.2 Les collisions avec la machinerie de transcription

Continuellement, les complexes protéiques de transcription permettent l’expression des gènes requis pour l’ensemble des fonctions cellulaires. Il est alors possible que la machinerie de transcription puisse interférer avec le processus de réplication et que le réplisome puisse entrer en collision avec les protéines de la transcription. Afin d’éviter cela, la cellule a mis en place des mécanismes de « pause » de la réplication en amont des

gènes hautement transcrits, comme par exemple au niveau de l’ADNr codant pour les ARN ribosomiques chez la levure. Au niveau des gènes transcrits par l’ARN polymérase III (produisant les ARNm), il apparaît que la collision entre réplication et transcription soit une source naturelle de cassure de l’ADN et soit à la base du mécanisme de Recombinaison Associée à la Transcription (RAT) (Prado and Aguilera, 2005). Afin d’éviter au maximum les collisions entre les deux machineries, sur plus d’un quart du génome, les gènes fortement transcrits sont orientés dans la même direction que le sens d’élongation de la réplication (Huvet et al., 2007).

2.1.3

Les lésions de l’ADN

Le génome des cellules est sans cesse la cible d’un large spectre de lésions d’origine endogène ou causées par une exposition à des agents génotoxiques environnementaux

(Figure 9). De plus, tous les composants de l’ADN peuvent être sujets à ces dommages (les

bases, les sucres et les liaisons phosphodiesters).

FIGURE 9. Les lésions de l’ADN. Les agents génotoxiques les plus communs sont représentés en haut et les dommages de l’ADN qu’ils engendrent sont représentés en bas. D’après J. H. J Hoeijmakers, 2001 (Hoeijmakers, 2001)

TABLE 2. Types et quantités de nucléotides endommagés retrouvés communément dans l’ADN.

* Taux de lésions exprimé en nombre de lésions par cellules par jour, considérant six millions de nucléotides par cellule diploïde.

# Taux de lésions exprimés pour six millions de bases d’ADN

a Traitement de la peau par 200 nM d’œstradiol-3,4-quinone

b Induit par la dose d’UVA, qui est estimée correspondre à une heure d’exposition au soleil en été à midi à

45° de latitude (200kJm-2 par heure)

c Taux de lésions dans de l’ADN isolé de tissu hépatique de rat 1-2 heures après adminitration d’une simple

dose (60 mg/kg) de méthyl nitrosourée (MNU)

d Induit par une surproduction de AID. C’est une estimation minimale basée sur le taux de mutations CÆ T. e Basé sur le taux de formation de thymine glycol par Gy de γ-irradiation d’une solution de thymus de veau.

D’après Y. I. Pavlov, P. V. Shcherbakova, I. B. Rogozin (Pavlov et al., 2006b)

a) Les lésions endogènes

Nous savons désormais que la structure primaire de l’ADN peut être largement altérée en réagissant avec des molécules présentes dans l’environnement cellulaire normal. Plus de 10 000 résidus purines ou pyrimidines sont perdus chaque jour dans une cellule par hydrolyse de la liaison reliant la base et le squelette phosphate de l’ADN (Table 2)

(Lindahl and Nyberg, 1972; Nakamura et al., 1998). Cette réaction produit des sites abasiques, ou AP (apurinique, ou apyrimidinique). Une autre source de lésion endogène de l’ADN est la transformation de résidus cytosine en résidus uracile par désamination. Cela se produit environ 500 fois par jour dans chaque cellule de mammifère (Frederico et al., 1990; Shen et al., 1994) (Table 2). Les produits de désamination peuvent donner naissance à des mutations au cours de la synthèse d’ADN, car la perte du groupe amine change les propriétés d’appariement de la base. Enfin, le stress oxydatif est une conséquence inévitable de la vie en atmosphère riche en oxygène et les ROS (Reactive oxygen species) sont générés de manière continue comme produits annexes du métabolisme aérobique.

Cependant, ces ROS sont extrêmement réactifs et endommagent l’ADN. En effet, l’attaque du résidu sucré conduit à une fragmentation, une perte de base et des cassures de l’ADN essentiellement simple-brin et l’attaque au niveau des bases peut conduire par exemple au thymine-glycol ou à la 7,8-dihydro-8-oxoguanine, plus connue sous l’abréviation 8-oxoG

(Figure 10).

FIGURE 10. Exemples de modifications des bases de l’ADN par le stress oxydatif.

b) Les lésions exogènes

Des agents physiques naturels venant de sources externes peuvent également porter atteinte à l’intégrité du matériel génétique. Les rayonnements ultra-violets (UV) du soleil sont en effet à l’origine de lésions toxiques de l’ADN et représentent la source majeure de développement de cancers de la peau. La plupart des effets mutagènes des rayonnements UV proviennent des UV-B et UV-C qui génèrent des photoproduits de l’ADN, majoritairement des Dimères de Pyrimidines Cyclobutane (CPD) (Figure 11A) et des adduits (6-4) pyrimidine-pyrimidone [(6-4)PP] (Figure 11B) qui distordent la structure de l’ADN (Table 2). Les CPD sont les photoproduits les plus délétères pour la réplication car ils induisent un ralentissement de la synthèse globale d’ADN au cours de la phase S.

FIGURE 11. Lésions majoritaires induites par les radiations UV

Les radiations ionisantes sont une autre source de rayonnements subie par les être vivants. Ces rayonnements proviennent essentiellement des radiations cosmiques ou encore de la radioactivité naturelle des roches, mais aussi de sources artificielles telles que les rayons X ou les composés radioactifs utilisés en médecine nucléaire. La formation de molécules excitées ou ionisées par les radiations ionisantes induit des dommages à tous les composants cellulaires et provoque une grande variété de lésions sur l’ADN, notamment des cassures simple-brin (CSB) ou double-brin (CDB) ainsi qu’une multitude de dommages oxydatifs.

De nombreux composés chimiques peuvent réagir avec l’ADN et altérer sa chimie ainsi que sa structure. Les agents alkylant sont capables d’attacher de manière covalente un groupement alkyl aux bases de l’ADN, rendant ces bases difficiles à répliquer par les ADN polymérases et donc pouvant être à l’origine de mutations. Le methyl methanesulfonate (MMS), le methylnitrosourea (MNU) ou le temozolomide sont utilisés en laboratoire dans des études de réparation de l’ADN, et le temozolomide est également utilisé comme agent anticancéreux en chimiothérapie. Les agents bi-fonctionnels peuvent réagir avec deux centres nucléophiles différents sur l’ADN. Si ces deux sites sont sur le même brin d’ADN

opposés, il en résulte un pontage inter-brin (Figure 12). Ces derniers représentent des dommages chimiques important de l’ADN, car ils empêchent la séparation des deux brins d’ADN et constituent de ce fait un blocage complet des ADN polymérases réplicatives Polδ, ε et α (Hoffmann et al., 1995). C’est pour cette raison qu’un certain nombre d’agents de ce type, tels que le cisplatine (cis-Pt), la mitomycine C (MMC), les moutardes azotées ou certains psoralènes photo-activés ont été largement utilisés en chimiothérapie anticancéreuse.

FIGURE 12. Lésions générées par les agents bi- fonctionnels tels que le cisplatine.

Le benzo[a]pyrène est une molécule hautement cancérigène retrouvée dans le goudron, la fumée de cigarette, les gaz d’échappement des véhicules. Non modifié, ce composé n’est pas réactif. Cependant, lorsqu’il est inhalé, sa métabolisation par ce cytochrome P-450 dans les cellules le transforme en 7,8-diol-9,10,-epoxide (BPDE) qui se lie de manière prépondérante aux guanines (Figure 13). Cette lésion particulièrement encombrante entraîne le blocage d’une fourche de réplication du virus SV40 par la machinerie réplicative d’une cellule de mammifère (Rinaldy et al., 1982).

FIGURE 13. Formation d’un adduit BPDE sur l’ADN après métabolisation du Benzo[a]pyrene par le cytochrome P-450 des cellules.

2.2

Rôle des ADN polymérases TLS dans la tolérance des