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Chapitre III- La dérégulation de l’expression des protéines de la réplication comme

1. L’instabilité génétique dans le développement tumoral

La tumorigenèse est un processus par lequel les cellules cancéreuses évoluent à partir d’une seule cellule normale et diploïde. Ces cellules normales peuvent se transformer pour donner naissance à des cellules cancéreuses de façon spontanée ou par l’action de carcinogènes environnementaux. Des vagues successives d’expansion clonale et de sélection de cellules précancéreuses exprimant des mutations-clés (dans des oncogènes ou des gènes suppresseurs de tumeurs) sous-tendent la progression tumorale.

Des modèles cellulaires de transformation tumorale ont pu être établis à partir de modifications ou mutations combinées de quelques gènes. Plusieurs lignées primaires épithéliales normales deviennent transformées après expression ectopique de la télomérase hTERT, de l’antigène T du virus SV40 (inactivant au moins les voies Rb et p53) et d’une forme oncogénique de Ras (Hahn et al., 1999). De plus, dans les cancers colorectaux, la progression d’un adénome en carcinome a été associée à la mutation séquentielle d’APC, K-Ras et p53 (Fearon and Vogelstein, 1990). Cependant, il a été mis en évidence que seules 6,6% des tumeurs colorectales présentaient des mutations dans ces trois gènes, suggérant que de multiples autres voies sont impliquées dans la tumorigenèse colorectale (Smith et al., 2002). Certaines mutations ou modifications précises de l’expression de gènes permettent donc aux cellules de s’affranchir des contraintes limitant leur prolifération.

Cependant, la plupart des cellules cancéreuses contiennent un nombre élevé de mutations, d’aberrations chromosomiques ou de fortes variations de leur transcriptome.

L’hypothèse du phénotype mutateur, proposée il y a plus de trente ans et défendue par Lawrence Loeb (Loeb et al., 1974), s’appuie, d’une part, sur de multiples observations suggérant une forte variabilité génétique des cellules tumorales et, d’autre part, sur l’identification de syndromes prédisposant au cancer dus à des défauts de gènes de surveillance du génome. Cette hypothèse soutient que des mutations dans des gènes assurant le maintien de la stabilité du génome, tels que des gènes de la réparation ou de la réplication, favorisent l’accumulation de mutations et augmentent la probabilité de toucher des oncogènes ou des gènes suppresseurs de tumeurs, perturbant ainsi le contrôle de la prolifération cellulaire. Ce phénotype mutateur se caractérise par une accumulation de modifications génétiques aléatoires, qui peuvent être de simples mutations ponctuelles, une instabilité des séquences microsatellites (MIN ou MSI), ainsi que des réarrangements, des pertes ou des gains de larges portions de chromosomes, regroupés sous le terme d’instabilité chromosomique (CIN) (Lengauer et al., 1998).

Le phénotype MIN a été clairement observé chez des individus atteints du syndrome HNPCC (hereditary non polyposis colon cancer). Des mutations ou une inactivation par méthylation de gènes du MMR, comme MSH2 ou MLH1, sont à l’origine de ce syndrome, associé à un risque important de cancer colorectal, mais ont été retrouvées également dans différents cancers sporadiques. La perte de fonction de ces gènes du MMR conduit à des modifications non seulement de séquences répétées non codantes, mais aussi de régions codant pour des gènes suppresseurs de tumeur. Il est également envisageable qu’un phénotype MIN puisse être généré par un glissement des ADN polymérases lors de la réplication de ces séquences répétées, qui semblent constituer des « points chauds » de mutagenèse. Cependant, jusqu’à ce jour, aucune mutation ou dérégulation d’ADN polymérase n’a pu être mise en évidence dans des tumeurs qui présentent un phénotype MIN.

Contrairement aux cellules cancéreuses présentant un phénotype MIN qui sont généralement diploïdes, les cellules présentant un phénotype CIN sont très souvent

aneuploïdes. L’instabilité chromosomique est généralement corrélée à l’agressivité de la tumeur ainsi qu’à des anomalies mitotiques telles que la présence de centrosomes multiples. Des mutations dans le gène BRCA1, impliqué dans la réparation des CDBs de l’ADN, génèrent une aneuploïdie sévère accompagnée d’une amplification des centrosomes (Xu et al., 1999). Ces mutations dans le gène BRCA1 sont associées à une prédisposition héréditaire aux cancers du sein et de l’ovaire. Le phénotype CIN, en plus d’être caractérisé par une modification du nombre de chromosomes, est caractérisé par des réarrangements chromosomiques. Ceux-ci peuvent être la conséquence de CDBs de l’ADN réparées par RH ou NHEJ. Malgré le large spectre de protéines et de points de cassures associés à ces réarrangements, leur point commun réside dans leur association à un stress réplicatif, défini comme événement précoce de la tumorigenèse.

Le laboratoire de L. Loeb a mis en évidence qu’en plus de MIN et de CIN, le génome des cellules cancéreuses présente une instabilité génétique sous forme d’une importante élévation du taux de mutations ponctuelles aléatoires (PIM). En effet, ces mutations ponctuelles sont estimées à moins de 10-8 mutations par paire de bases dans des tissus normaux. La moyenne de la fréquence de mutations observées dans les tumeurs (210x10-8 mutations par paire de bases) est au moins 200 fois plus élevée comparée au tissu normal adjacent (Bielas et al., 2006). Donc une tumeur détectée cliniquement (environ 109 cellules cancéreuses) pourrait contenir jusqu’à 1012 mutations ponctuelles différentes et ainsi inclure des cellules résistantes aux traitements anticancéreux. Pendant le traitement, ces cellules présenteraient un avantage sélectif de croissance et pourraient expliquer la capacité des tumeurs à résister aux chimiothérapies. L’élévation du taux de mutations ponctuelles dans les cellules cancéreuses pourrait être principalement associée à des erreurs de réplication, des altérations de la réparation par excision de base et MMR, ou de la STL infidèle.

Les gènes impliqués dans la réplication fidèle du génome peuvent donc représenter des cibles importantes de mutations ou de dérégulations générant une instabilité génétique. De plus, la dérégulation de tels gènes pourrait en parallèle conduire à un stress réplicatif,

2. Mutations  et  dérégulations  de  l’expression  des