• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I – Les ADN polymérases et le maintien de la stabilité du génome

3. Régulation de l’expression des ADN polymérases

L’expression des ADN polymérases est régulée à la fois par des mécanismes génétiques et épigénétiques. A ce jour, la régulation transcriptionnelle des ADN polymérases humaines est peu connue. Je m’intéresserai dans cette partie à la régulation de l’expression des ADN polymérases réplicatives (Polα et δ) et des ADN polymérases TLS Polβ, Polκ et Polη pour lesquelles il existe quelques données à ce sujet. Les promoteurs de ces ADN polymérases semblent tous contenir des séquences riches en G/C, connues sous le nom d’îlots CpG, et sont dépourvus de boîte TATA, mais, comme de nombreux gènes dans ce cas, possèdent un site Inr (Initiator element).

3.1

Régulation de l’expression des ADN polymérases

réplicatives

La sous-unité catalytique de Polα étant située sur le bras court du chromosome X, elle est sujette à l’inactivation du X tôt au cours du développement (Wang et al., 1985). Le gène POLA1, comme les autres gènes dont l’expression est liée au chromosome X, est activé transcriptionnellement afin de compenser l’inactivation du X (Nguyen and Disteche, 2006). Une seconde forme de régulation épigénétique de Polα a été mise en

évidence sous la forme d’une régulation par microARNs (miARNs). En effet, l’expression du microARN miR-206 régule négativement l’expression de Polα, inhibant ainsi la synthèse d’ADN et facilitant ainsi la différenciation musculaire (Kim et al., 2006).

L’expression de Polα est relativement stable au cours de cycle cellulaire. Cependant, son expression est significativement augmentée lors de l’activation des cellules de l’état de quiescence (G0) à l’état de prolifération (G1/S) (Wahl et al., 1988). Dans des cellules privées de sérum, le taux d’ARNm et de protéines ainsi que l’activité enzymatique de Polα sont faibles, mais l’ajout de sérum induit une augmentation de l’expression de Polα parallèlement à l’initiation de la synthèse d’ADN (Pearson et al., 1991). Le facteur de transcription YB-1 (Y-box binding protein) a été identifié comme se fixant au site RE-1 (Response Element 1) du promoteur de Polα, juste en amont du site d’initiation de la transcription. Ce facteur pourrait être impliqué en partie dans l’activation de la transcription de Polα en réponse à l’ajout de sérum (En-Nia et al., 2005). Des études chez la souris ont mis en évidence la présence de sites de fixation au facteur E2F en amont du site d’initiation de la transcription qui seraient impliqués dans l’activation de la transcription de Polα à la transition G0/G1. Cependant, ces sites ne seraient pas nécessaires à l’expression constitutive de l’ADN polymérase (Izumi et al., 2000; Nishikawa et al., 2000).

L’expression de Polδ varie au cours du cycle cellulaire, augmentant à la transition G1/S (Zeng et al., 1994). Des séquences répétées de 11-pb ainsi qu’un site consensus de fixation au facteur E2F situés proches du site d’activation de la transcription, semblent être importants pour cette stimulation (Zhao and Chang, 1997). L’expression de Polδ est également induite par l’ajout de sérum dans des cellules dont l’état de quiescence a été induit par privation de sérum (Yang et al., 1992; Zhao and Chang, 1997). L’étude du promoteur de la sous-unité catalytique de Polδ a mis en évidence une région activatrice en amont du site d’initiation principal de transcription (Zhao and Chang, 1997). Il a été montré que les facteurs de transcription Sp1 et Sp3 pouvaient se fixer au niveau des

promoteur de Polδ (Zhao and Chang, 1997). P53 a été identifié comme un répresseur transcriptionnel de Polδ en réponse à des dommages de l’ADN (Li and Lee, 2001). Cette répression est due en grande partie à l’interaction de p53 avec un site de fixation à ce facteur sur le promoteur de Polδ. De plus, des expériences de transfection ont montré que p53 était capable de réprimer l’activité du promoteur de POLD1 induite par Sp1 et que cette répression était largement due à la perte d’interaction de Sp1 avec un de ses sites de fixation, chevauchant le site de fixation à p53. Ces données suggèrent que p53 et Sp1 entrent en compétition pour la fixation à leur site de liaison sur le promoteur de Polδ. Cette répression de Polδ par p53 pourrait être un moyen de ralentir la réplication de cellules exposées à des lésions de l’ADN.

3.2

Régulation de l’expression des ADN polymérases

translésionnelles.

L’expression de Polβ est faible, constitutive et indépendante des phases du cycle cellulaire dans les cellules de mammifères (Hirose et al., 1989; Zmudzka et al., 1988). Elle est exprimée de façon ubiquitaire, avec de fortes variations en fonction des organes (Menegazzi et al., 1991). Le promoteur du gène POLB de plusieurs mammifères a été cloné et caractérisé (Chen et al., 1995; Widen et al., 1988). Il est activé par divers agents génotoxiques : UV-C, rayon X, MMS, MNNG (Beard et al., 1996; Fornace et al., 1989), par des activateurs de la voie PKA et PKC (Englander and Wilson, 1992; Srivastava DK., 1995) et par certains proto-oncogènes ou protéines virales oncogéniques (Kedar et al., 1990; Yamaguchi et al., 1992) Chez l’homme, le promoteur du gène POLB contient une séquence CRE requise pour l’expression basale de Polβ et pour la stimulation de l’activité de ce promoteur par les agents alkylants. Cette stimulation semble dépendante de la voie PKA et de l’activation par phosphorylation du facteur de transcription CREB (Narayan et al., 1996). La signification biologique de ces modifications de l’expression de Polβ n’est pas totalement comprise ; seule l’activation de la réparation des lésions par la REB correspond aujourd’hui à une conséquence logique de l’induction de Polβ.

Chez l’homme, l’expression de Polκ est faible et ubiquitaire, elle est plus marquée dans les glandes surrénales, l’ovaire et dans le testicule. Sa régulation est très mal connue. Le gène est transcrit à partir de deux sites d’initiation de la transcription chez la souris, l’un étant majoritaire dans le testicule, l’autre plus ubiquitaire. Dans les cellules humaines, la transcription n’utilise qu’un site unique d’initiation.

Polκ est induite dans des souris traitées avec du 3MC (3 methyl-cholantrene), un hydrocarbone aromatique polycyclique, semblable au B[a]P, la plus forte induction ayant lieu au niveau du poumon (Ogi et al., 2001). Ce mécanisme d’induction, chez la souris, a été identifié au niveau transcriptionnel. En effet, le gène murin est sous le contrôle de deux XRE (xenobiotic responsive elements) consensus pour la fixation de complexes protéiques Ahr-Arnt (Arylhydrocarbon receptor ; Ahr nuclear translocator). Ahr est un récepteur cellulaire qui interagit avec des composées tels que le 3MC ou le B[a]P, permettant le recrutement du translocateur nucléaire Arnt et l’activation du cytochrome P450. Ces éléments XRE pourraient ainsi participer à une réponse adaptative à l’exposition aux hydrocarbones aromatiques polycycliques en activant l’expression de Polκ, capable in

vitro comme in vivo d’induire la STL au travers de tels adduits.

Quelques données suggèrent également que l’expression de Polκ pourrait être contrôlée par p53. Des souris exposées à des agents endommageant l’ADN (UV, doxorubicine et RI) voient l’expression de Polκ augmentée dans plusieurs de leurs organes (Burns and El- Deiry, 2003; Velasco-Miguel et al., 2003). Cette induction est dépendante de p53. Ce résultat est confirmé dans des MEF où le niveau d’expression semble être contrôlé constitutivement par p53. Cependant, des données contradictoires ont été publiées. En effet, une étude a montré que l’activité du promoteur de POLK humain cloné devant un gène rapporteur est plus élevée dans des MEF p53-/- comparées aux MEF p53+/- ou p53+/+ (Velasco-Miguel et al., 2003; Wang et al., 2004). Ces résultats contradictoires pourraient s’expliquer par le modèle d’étude. En effet, il est possible que la séquence promotrice utilisée ne soit pas complète, qu’il manque des éléments régulateurs plus en amont, et que

le promoteur humain étudié dans des cellules de souris ne soit pas reconnu correctement par les facteurs régulateurs murins.

Chez l’homme, aucun traitement ne semble capable d’induire l’expression de Polκ. Le traitement de diverses lignées cellulaires humaines aux RI, UV, doxorubicine, BPDE, H2O2 ou cisplatine ne semblent pas affecter le taux d’ARNm, quelque soit le statut de p53 (Bavoux et al., 2005a; Burns and El-Deiry, 2003; Velasco-Miguel et al., 2003). Cependant, même si aucun site consensus de fixation de la protéine p53 n’a été retrouvé sur le promoteur de POLK, d’autres données indiquent que p53 régulerait négativement l’expression du gène POLK par le biais de son domaine trans-activateur (Wang et al., 2004).

L’expression de Polη est ubiquitaire et des transcrits alternatifs ont été observés dans différents tissus, tels que le testicule (Thakur et al., 2001). Alors que la transcription de Polη est induite d’un facteur 3,5 par les UV chez S. cerevisiae (McDonald et al., 1997), elle ne l’est pas dans les cellules humaines. D’ailleurs, le traitement par les UV conduit même à une diminution transitoire du taux d’ARNm, indiquant sans doute une forte instabilité des messagers (Yamada et al., 2000). La transcription de POLH est induite par la reprise de croissance après privation de sérum et suit les variations de synthèse d’ADN (Yamada et al., 2000). Ceci montre que l’expression de POLH pourrait être régulée par l’état prolifératif des cellules.