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Chapitre III- La dérégulation de l’expression des protéines de la réplication comme

3. La réplication de l’ADN comme source de nouveaux marqueurs pronostiques des

3.2 Détermination d’un facteur pronostique

Un facteur pronostique est une variable clinique ou biologique qui influence de manière significative la survie des patients. Ce facteur permet de définir au sein d’une population de malades ceux qui ont une plus grande probabilité de récidive et/ ou de décès. Cette information est cruciale dans le choix ou non d’une chimiothérapie adjuvante ainsi que dans l’adaptation des traitements aux patients. Les facteurs pronostiques peuvent être cliniques (exemples : l’âge du patient, ménopause…), histopathologiques (exemples : taille de la tumeur, nombre de ganglions envahis…) ou moléculaires (exemples : le marqueur de prolifération Ki67, récepteurs aux œstrogènes (RE)…). Pour être définitivement validé, un facteur pronostique doit être facilement accessible en routine et sa détection doit être

reproductible. De plus, son rôle pronostique doit avoir été validé par une étude prospective et unanimement retrouvé dans plusieurs études indépendantes.

Les facteurs pronostiques purs renseignent sur la survie ou la récidive indépendamment de l’administration d’un traitement (Figure 25 A). Cependant, certains facteurs pronostiques peuvent également être des facteurs prédictifs. Les facteurs prédictifs permettent d’identifier des populations de patients susceptibles de répondre plus au moins bien à un traitement donné (Figure 25 B). Ils éclairent donc sur le type de traitement à utiliser en renseignant sur la probabilité de réponse des patients à ce traitement. L’expression du marqueur moléculaire Her2, par exemple, est un facteur de mauvais pronostic des cancers du sein, car les tumeurs Her2+ sont plus agressives que les tumeurs Her2-. Cependant, Her2 est également un facteur prédictif, car il permet d’identifier les patientes qui ont le plus de chance de répondre favorablement au Trastuzumab.

FIGURE 25. Marqueurs pronostiques et prédictifs. (A) Un facteur pronostique pur renseigne sur le risque évolutif (récidive et/ ou décès) indépendamment de l’administration ou non d’un traitement. Ici est représenté un facteur de bon pronostic (B) Un facteur prédictif pur renseigne sur l’importance du bénéfice à escompter d’un traitement, indépendamment du risque pré-thérapeutique. Ici est représenté un facteur prédictif positif. D’après V. Boige (Boige et al., 2004).

3.3

Les protéines de la réplication utilisées comme

biomarqueurs et facteurs pronostiques des cancers

colorectaux et mammaires

Actuellement, un des défis majeurs de la recherche translationnelle réside dans la découverte de nouveaux biomarqueurs permettant la détection précoce de cancer à des stades asymptomatiques ou résiduel après traitement ainsi que l’évaluation du pronostic vital. La connaissance de ces données permettrait alors d’adapter la stratégie thérapeutique à chaque patient. Les protéines impliquées dans le contrôle de la réplication (timing, fidélité et gestion des dommages de l’ADN en cours de synthèse) commencent depuis quelques années à être considérées comme une source nouvelle de biomarqueurs des cancers ayant le potentiel d’améliorer le diagnostic et le pronostic des tumeurs colorectales et mammaires.

L’expression de PCNA par les cellules en phase S du cycle cellulaire fait de cette protéine un bon marqueur de prolifération (Brooks and Garewal, 1992). Sa détection en immunohistochimie, tout comme celle de Ki67, a été largement utilisée en diagnostic et pronostic du cancer du sein (Aaltomaa et al., 1993; Chu et al., 1998; Tahan et al., 1993). Malgré tout, l’utilisation de PCNA comme facteur diagnostic et pronostic est controversé. En effet, des études ont montré que le marquage PCNA n’est pas toujours spécifique des cellules tumorales et que son expression ne corrèle pas toujours avec le grade de la tumeur (Hall et al., 1990; Leonardi et al., 1992). De plus, l’expression de PCNA, bien que maximale en phase S, est relativement faible en phases G1, G2 et M du cycle cellulaire. Ceci résulte en des variations qualitatives du marquage PCNA en immunohistochimie, surtout lorsque le marquage par l’anticorps est affecté par des facteurs techniques, tel que le temps de fixation (Rowlands et al., 1991). Enfin, PCNA jouant également un rôle dans les mécanismes de réparation, son expression est parfois retrouvée dans des cellules quiescentes. Cependant, une isoforme de PCNA, (sans doute une modification post- traductionnelle) exprimée spécifiquement dans les lignées cellulaires et les tumeurs du

d’exploitation de PCNA dans ces cancers. Son marquage immunohistochimique spécifique des cellules tumorales mammaires pourrait se révéler être un bon marqueur diagnostic des cancers du sein (Malkas et al., 2006).

Ces dernières années ont vu l’émergence des protéines MCM comme nouveaux marqueurs de prolifération et facteurs pronostiques de divers cancers, dont les cancers colorectaux et mammaires. Ces protéines MCM sont en effet exprimées tout au long du cycle cellulaire de manière relativement constante, et disparaissent rapidement après l’entrée en quiescence, sénescence ou en différentiation terminale. Elles semblent être de meilleurs marqueurs de prolifération que PCNA et Ki67 (Tachibana et al., 2005) et leur surexpression est caractéristique des cellules tumorales de divers types, dont les cellules de tumeur mammaires et colorectales (Davies et al., 2002; Gonzalez et al., 2003; Ha et al., 2004; Rhodes et al., 2004; Scott et al., 2003).

Outre leur rôle diagnostic, de nombreuses études ont démontré l’intérêt des protéines MCM en termes de pronostic en mettant en évidence une corrélation entre la surexpression de ces protéines et un mauvais pronostic des cancers du sein et du colon. L’augmentation du marquage MCM2 en immuno-histochimie, par exemple, est associée positivement au grade histologique, ainsi qu’à la survenue de rechute locale ou distante (métastases) dans les cancers du sein et se révèle être un marqueur fort de mauvais pronostic vital, meilleur que l’expression de Ki67 ou que le stade histologique et l’invasion des ganglions lymphatiques (Gonzalez et al., 2003). L’augmentation du marquage MCM2 en immuno-histochimie semble être également un facteur de mauvais pronostic du cancer du colon et elle est associée à plus de paramètres clinico-pathologiques que Ki67, tels que le stade, l’invasion des ganglions lymphatiques et la présence d’emboles vasculaires (présence de cellules cancéreuses dans le sang) (Giaginis et al., 2009). Une étude immunohistologique sur 202 biopsies de cancers colorectaux a également identifié l’expression de MCM7 comme un marqueur indépendant de mauvais pronostic dans ces cancers. De plus, des cellules tumorales qui ne présentent pas de marquage Ki67, mais qui sont positives au marquage MCM7 corrèlent avec des tumeurs métastatiques colorectales

(Nishihara et al., 2008). Une étude menée dans notre équipe a également mis en évidence la surexpression protéique de MCM7 comme facteur de mauvais pronostic dans les cancers colorectaux (Pillaire, et al., soumis à Oncogene). Enfin, plusieurs études à large échelle ont mis en évidence la surexpression de MCM6 dans des tumeurs du sein de mauvais pronostic (Sotiriou et al., 2003; van 't Veer et al., 2002).

Plus récemment, la Géminine, inhibiteur de Cdt1 et régulateur de l’initiation, s’est révélée être un nouveau facteur pronostique intéressant. En dépit de son rôle potentiel comme suppresseur de tumeur, il a été observé que la surexpression de la Géminine est un facteur pronostique défavorable dans les cancers du sein. En effet, la forte expression de la Géminine est associée à une faible survie et à l’apparition de métastases (Gonzalez et al., 2004). Une analyse immunohistochimique a révélé également que des patients présentant des tumeurs colorectales de stade II et III avec une forte expression de Géminine avaient un pronostic vital défavorable (Nishihara et al., 2009).

Une étude a également révélé l’expression de la protéine RPA comme un facteur pronostique des cancers du colon. L’analyse immunohistochimique de l’expression des sous-unités RPA1 et RPA2 a mis en évidence une augmentation de leur expression dans les biopsies tumorales. De plus, l’expression de ces sous-unités a été corrélée au grade et à l’envahissement des ganglions lymphatiques, mais aussi à un mauvais pronostic vital (Givalos et al., 2007).

Enfin, une étude très récente a mis en évidence sur 97 biopsies de cancer colorectal, que la forte expression de Polβ est corrélée à la présence de ganglions lymphatiques atteints et de métastases et représente un facteur de mauvais pronostic (Iwatsuki et al., 2009). Cette étude est la première à identifier sur un large échantillon de biopsies la dérégulation de l’expression d’une ADN polymérase comme un facteur pronostique de cancer. Elle renforce de plus l’idée que les ADN polymérases translésionnelles constituent une classe de protéines au potentiel pronostique encore inexploité.

CHAPITRE IV‐ Présentation des travaux de thèse