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Chapitre III- La dérégulation de l’expression des protéines de la réplication comme

2. Mutations et dérégulations de l’expression des ADN polymérases dans les cancers

2.2 Mutations et dérégulation de l’expression des ADN polymérases

Des mutations ou des modifications de l’expression d’ADN polymérases TLS ont été mises en évidence dans divers cancers (Table 4).

TABLE 4. Cancers dans lesquels des mutations ou des modifications de l’expression des ADN polymérases TLS ont été observées.

Références : (1) (Albertella et al., 2005a); (2) (Srivastava et al., 1999); (3) (Wang et al., 1992); (4) (Dobashi et al., 1994); (5) (Iwanaga et al., 1999); (6) (Bhattacharyya et al., 1999); (7) (Miyamoto et al., 1999); (8) (Lang et al., 2004); (9) (Yang et al., 2004); (10) (Pan et al., 2005); (11) (O-Wang et al., 2001); (12) (Betous et al., 2009) ; (13) (Masutani et al., 1999); (14) (Johnson et al., 1999a); (15) (Brondello et al., 2008); (16) (Kawamura et al., 2004); (17) (Kauffmann et al., 2008); (18) (Wang et al., 2008).

Impliquées dans la gestion des lésions de l’ADN, les mutations ou sous-expressions des ADN polymérases TLS pourraient entraîner un défaut dans leur fonction et une prise en charge des dommages de l’ADN moins efficace et/ou plus mutagène. Caractérisées par leur grande infidélité lorsqu’elles répliquent un ADN non endommagé in vitro, leur surexpression pourrait générer une augmentation de la mutagenèse ainsi qu’une perturbation de la réparation et de la réplication fidèle du génome (Canitrot et al., 2000).

C’est le cas, par exemple, de Polβ, dont la surexpression ectopique dans des cellules de rongeurs génère de l’instabilité génétique (augmentation du taux de mutations

spontanées, augmentation des anomalies chromosomiques) et favorise la tumorigenèse de ces cellules implantées en sous-cutané chez la souris nude (Bergoglio et al., 2002b). De plus, une analyse des paramètres de la réplication dans ces cellules a révélé qu’un excès de Polβ entraîne un ralentissement de la vitesse des fourches de réplication associé à une augmentation de l’initiation. Cependant, cette altération du programme normal de réplication n’est pas signalé par le point de contrôle de réplication (Pillaire et al., 2007). Une surexpression de Polβ a été observée dans des lignées de cancers du colon et du sein (Srivastava et al., 1999), dans des lignées tumorales gastriques tant au niveau des transcrits qu’au niveau protéique (Tan et al., 2005) ainsi que dans des lignées cellulaires de cancer de l’ovaire résistantes au cisplatine (Canitrot et al., 1998). Cet excès a également été mis en évidence dans des biopsies tumorales de divers tissus au niveau protéique (tumeurs du colon, de la prostate, du sein, du rectum) et au niveau des transcrits (tumeurs de l’ovaire, de l’utérus et de l’estomac) (Albertella et al., 2005a; Srivastava et al., 1999). De même, il a été observé une surexpression croissante de Polβ au cours des différents stades d’évolution d’un cancer gastrique (Tan et al., 2005). D’autre part, des mutations du gène et des variants d’épissage ont été identifiés dans les cancers du colon, du sein, de l’estomac, de la prostate et du poumon (Bhattacharyya et al., 1999; Iwanaga et al., 1999; Lang et al., 2004; Miyamoto et al., 1999; Wang et al., 1992). Certains de ces mutants sont effectivement plus mutagènes que la protéine sauvage (Lang et al., 2004). Cependant, les données sur les mutations de Polβ doivent parfois être interprétées avec précaution, car certaines peuvent se révéler être des polymorphismes ou des variants présents aussi dans les cellules normales (Bu et al., 2004).

Des dérégulations de l’expression de Polκ ont également été décrites dans divers cancers. Une première étude a mis en évidence la surexpression de Polκ dans 21 des 29 cas analysés de tumeur du poumon au niveau des transcrits et cette surexpression a été confirmée au niveau protéique dans 4 biopsies tumorales sur 6 analysées (O-Wang et al., 2001). L’expression ectopique de Polκ provoque une augmentation de l’instabilité

de la recombinaison homologue. Notre équipe montre également qu’elle favorise la tumorigenèse de ces cellules injectées en sous-cutanée chez la souris nude (Bavoux et al., 2005b) et qu’elle provoque une diminution de la vitesse des fourches de réplication ainsi qu’une activation d’origines de réplication supplémentaires (Pillaire et al., 2007). Cette perturbation du programme normal de réplication n’active pas le point de contrôle de la réplication. Cette surexpression de Polκ pourrait engendrer un stress réplicatif trop faible pour activer la voie dépendante d’ATR, mais suffisant pour générer de l’instabilité génétique et contribuer au développement tumoral (Pillaire et al., 2007).

En revanche, d’autres études ont mis en évidence, cette fois-ci, une sous-expression de Polκ dans de nombreux types de cancers, tels que des tumeurs de l’estomac, du sein, de l’ovaire (Albertella et al., 2005a), du colon mais également du poumon (Pan et al., 2005). Cette contradiction avec les résultats d’O-Wang et de ses collègues peut venir d’une étiologie différente des cancers du poumon étudiés et révèle la complexité de la régulation de l’expression de Polκ. L’extinction de Polκ dans des cellules humaines par ARN interférence a révélé une augmentation du taux de CDBs de l’ADN dans ces cellules ainsi qu’une perturbation des paramètres de la réplication. Cette instabilité génétique et ce stress réplicatif ont été associés à un défaut de phosphorylation de Chk1 en absence ou en présence de stress exogène, Polκ semblant jouer un rôle dans la mise en place du point de contrôle de phase S en interagissant avec la Claspine (Bétous et al., soumis à JCB).

Le cas de Polη se distingue, car à ce jour c’est le seul exemple d’expression anormale d’une ADN polymérase associée à un syndrome de prédisposition au cancer (le syndrome XPV). Tous les cas XPV diagnostiqués ont pour origine une mutation du gène Polη. Ces mutations peuvent être des substitutions de bases, des délétions ou des insertions, conduisant souvent à l’apparition d’un codon stop ou d’un décalage du cadre de lecture aboutissant à l’expression d’une protéine tronquée (Broughton et al., 2002; Johnson et al., 1999a). Certaines mutations n’affectent pas la capacité de Polη à réaliser de la STL, mais abolissent sa relocalisation en foyers nucléaires en provocant la perte du domaine de Polη nécessaire à sa localisation fonctionnelle (Broughton et al., 2002; Kannouche et al.,

2001). Les mutations détectées sont le plus souvent hétérozygotes, parfois homozygotes. Dans certains cas, un seul allèle est détecté parmi les ADNc ou les transcrits analysés. Il est alors difficile de déterminer si l’allèle est homozygote ou si le deuxième allèle n’est pas exprimé. Dans ce cas, ces patients seraient hémizygotes pour cette mutation. D’autre part, il est intéressant de remarquer que les mutations du gène Polη s’accompagnent souvent d’un défaut d’expression du transcrit. Par exemple, dans les lignées XP7TA et XP2SA le niveau d’expression de Polη est presque indétectable par Northern-blot et celui des lignées XP1RO et XP30RO est beaucoup plus faible que celui d’une lignée cellulaire contrôle (Masutani et al., 1999). De plus, dans certains cas hétérozygotes, l’allèle muté est également exprimé plus faiblement que l’allèle sauvage (Johnson et al., 1999a). Il est cependant probable que cette réduction d’expression des transcrits soit due en réalité à des mutations dans les régions régulatrices en 3’ et 5’ du gène qui n’ont pas été séquencées, mais l’hypothèse d’un défaut de transcription de ces allèles est également envisageable. Un tel défaut a d’ailleurs été observé dans des tumeurs de poumon, d’estomac ainsi que dans des tumeurs colorectales (Pan et al., 2005). Une étude très récente de l’équipe a mis en évidence qu’une diminution de l’expression de Polη par shRNA dans des cellules humaines conduit à une augmentation des CDBs de l’ADN, des anomalies chromosomiques ainsi que de l’expression des sites fragiles communs (Rey et al., 2009).

Des dérégulations de l’expression de Polθ ont également été observées dans certains cancers. Une étude a en effet mis en évidence une surexpression de Polθ au niveau transcriptionnel dans des biopsies tumorales de poumon, de l’estomac et du colon, comparé au tissu sain adjacent (Kawamura et al., 2004). Cependant, cette surexpression de Polθ estimée par Northern-blot est parfois difficile à observer dans certaines biopsies. Les auteurs ont vérifié cette surexpression au niveau protéique par Western-blot sur trois couples de biopsies normales et tumorales de poumon ayant présenté une surexpression des transcrits de Polθ. Cependant la taille du produit qu’ils détectent dans les biopsies tumorales de deux de ces trois couples ne correspond pas à la taille de Polθ et aucun

Southern-blot de neuf biopsies tumorales du poumon n’a pas révélé d’amplification génique de Polθ dans ces tumeurs. Dans chacun des types de tumeurs, l’analyse des caractéristiques clinico-pathologiques n’a pas fait ressortir de corrélation entre la surexpression de Polθ et le stade, le grade ou l’agressivité de la tumeur. Cependant, les auteurs ont mis en évidence une corrélation entre la surexpression de Polθ dans les tumeurs poumon et du colon et une faible survie des patients à cinq ans après traitement. Cette corrélation réalisée sur peu de cas doit être confirmée par une étude plus large. Une étude menée dans notre équipe a également mis en évidence une surexpression de Polθ dans les cancers colorectaux à partir d’une collection de 74 couples de biopsies (tissu tumoral et tissu sain adjacent) (Pillaire, et al., soumis à Oncogene). De plus, le croisement des données cliniques et des données d’expression a révélé que la surexpression de Polθ, lorsqu’elle est associée à la surexpression de trois gènes de l’initiation (tels que Cdt1, Cdc6, Cdc45, Sld5, MCM2 ou MCM7) est un facteur de mauvais pronostic des cancers colorectaux.

Une étude recherchant des marqueurs moléculaires permettant de discerner des mélanomes primaires qui donneront des métastases (M+) de ceux qui n’en donneront pas (M-), a mis en évidence la surexpression de Polθ dans les mélanomes M+ (Kauffmann et al., 2008). Cette étude met surtout en évidence la surexpression de nombreux gènes impliqués dans l’initiation de la réplication, le maintien de la stabilité des fourches de réplication bloquées et la recombinaison homologue dans les mélanomes M+.

Outre la surexpression de Polθ, une mutation de son gène a également été identifiée dans le sang d’une patiente atteinte de cancer du sein et issue d’une famille à haut risque de cancer du sein sans mutation de BRCA1 ni de BRCA2. Cette mutation qui décale le cadre de lecture génèrerait une protéine Polθ tronquée dans son domaine polymérase (Wang et al., 2008). Cependant aucune recherche de cette mutation du gène Polθ n’a pu être menée chez les autres membres de la famille, afin d’envisager ou non l’hypothèse de cette mutation comme facteur de risque pour les cancers du sein familiaux. Ce cas isolé de mutation de Polθ est donc à interpréter avec précautions.

Comme nous venons de le décrire, des dérégulations de l’expression de diverses ADN polymérases TLS ainsi que des mutations de leur gène ont été retrouvées dans de nombreux types de cancers. Pour certaines ADN polymérases, ces modifications d’expression recréées artificiellement dans des modèles cellulaires ont mis en évidence une augmentation de l’instabilité génétique dans ces cellules, favorisant parfois la tumorigenèse. Cependant, les causes de ces dérégulations dans les cancers ne sont pas connues et l’impact de ces dérégulations sur la survie des patients n’a quasiment jamais été étudié.

3. La  réplication  de  l’ADN  comme  source  de