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La Vision Organisante comme élément d’articulation entre analyses micro et macro-sociales

Conclusion et synthèse du chapitre 2

3.1 La Vision Organisante (V.O) de Swanson et Ramiller (1997)

3.1.3 La Vision Organisante comme élément d’articulation entre analyses micro et macro-sociales

Carton et alii donnent une dimension nouvelle au modèle de Swanson et Ramiller (1997), en considérant la Vision Organisante comme le concept théorique qui permet d’intégrer des niveaux d’analyse sur l’appropriation des outils informatisés, généralement séparés dans la littérature. Ils soulignent que les recherches sur la compréhension et la gestion des appropriations se retrouvent traditionnellement dans deux grandes familles de recherche :

« -celles qui se sont penchées sur l’analyse des appropriations et structurations des entreprises dans une perspective ouverte, en mettant en résonance les utilisations des outils avec des institutions sociétales ou inter-organisationnelles ;

-celles qui ont porté sur les dynamiques d’appropriation et de structuration dans une perspective plus locale et autonome, en s’intéressant à des processus liés au contexte le plus immédiat des dynamiques socio-techniques » (Carton, (de)Vaujany, Perez, Romeyer, 2006 : 161).

Le modèle de la VO est alors considéré comme un instrument théorique pertinent pour intégrer les niveaux institutionnels, inter-organisationnels et micro-sociaux. Dans cet esprit, Carton et Alii présentent une étude comparative sur les dynamiques d’appropriation d’outils informatiques aux Etats-Unis et en France sur la période 1999-2003 à partir de l’analyse de

«discours sociétaux ou inter-organisationnels sur un ensemble large de concepts technologiques à articuler après avec des dynamiques micro-sociales » (Carton et alii , 2006 : 171).

Ils réalisent l’analyse des « mouvements institutionnels des VO » grâce à l’étude de deux journaux dans chaque pays. Pour la France, ils utilisent : 01 informatique et Le Monde Informatique ; pour les Etats-Unis : Computer world et Information Week. L’analyse des

« pratiques organisationnelles » se fait à partir de deux études de cas longitudinales pour la France et d’une synthèse de cas américains fournie par la littérature.

Les auteurs mettent en évidence l’intérêt d’instrumenter71 le modèle de Swanson et Ramiller pour relier les discours extra-organisationnels et les pratiques organisationnelles. Ceci permet d’éclairer les choix et les modalités d’appropriation d’un objet informatisé.

71 Carton, (de)Vaujany, Perez, Romeyer, (2006) développent un dispositif méthodologique en quatre étapes : 1.

Repérage et suivi des mots à la mode pour chaque année au moyen d’une analyse lexicométrique ; 2. Suivi des idées fortes et VO associées à ces mots à la mode au moyen d’analyses pivots ; 3. Détermination des grandes

Carton et Alii montrent qu’il existe deux types d’articulation entre niveaux institutionnels et micro-sociaux (c’est-à-dire entre les VO et les dynamiques locales) :

3.1.3.1 Les dynamiques ouvertes

Les auteurs emploient le terme de « dynamique ouverte »72 pour qualifier une organisation où se constatent « une reproduction et un renforcement de la VO » et un usage interne des discours autorisés. Ils notent également que le profil organisationnel de l’organisation a une importance : dans le cas de l’organisation à « dynamique ouverte », ils constatent que l’organisation est « partie-prenante à l’aréne médiatique, et que la Stratégie SI est peu structurée, en raison d’un éclatement important de l’organisation, et que le schéma directeur informatique évolue davantage en fonction de l’offre commerciale que d’une stratégie SI à long terme » (Ibid :173).

3.1.3.2 Les dynamiques autonomes

Carton et Alii (2006) qualifient de « dynamique autonome » une organisation où il y a

« transformation ou évitement des idées de la VO » et l’absence d’usage interne des discours autorisés. Le profil organisationnel de cette organisation se caractérise par le fait qu’elle

« appartient à un secteur peu concerné par les vagues médiatiques » et que la composante SI est autonome par rapport aux autres composantes. Quant à l’expertise SI, elle apparaît comme une activité lointaine pour les autres acteurs.

Dans leur application comparative entre la France et les Etats –Unis sur la période 1999-2003, les auteurs notent une référence implicite à un vaste « méta -V.O » liée aux technologies de réseau, avec des spécificités nationales surtout en matière de sécurité (obsession sécuritaire aux USA). Les auteurs montrent que la façon dont la VO se produit est différente en France et aux Etats-Unis, car elle répond à un processus différent:

-en France, la production de la méta -VO se fait à un niveau national avec peu de relais en local. On note « de multiples acteurs institutionnels non liés aux communautés de

formes rhétoriques que peuvent prendre les VO au moyen d’analyse de contenu ; 4. Recherche de « carrières » de VO, de trajectoires rhétoriques au moyen d’une analyse factorielle sur les dossiers.

72 L’emploi de l’expression « dynamique ouverte » renvoie, selon nous, au cas d’une organisation ouverte aux idées autorisées de la VO.

pratiques locales, comme les chargés de mission, les experts-analyses, chercheurs universitaires, consultant en audit SI…qui nourrissent les discours sur la VO ».

(Carton et alii, 2006 : 174). Les grands acteurs commerciaux d’objet SI interviennent de façon modérée. Carton et Alii concluent à une dynamique d’interaction uniquement descendante entre le niveau institutionnel et local concernant les technologies Internet.

Il est précisé qu’en France, l’enrichissement de la V.O dans la pratique organisationnelle peut se faire au détriment d’une cohérence dans la stratégie SI.

-aux Etats-Unis, la dynamique de production de la V.O est par moment uniquement descendante, mais elle « ressemble davantage à un vaste marché décloisonné, intégrant de multiples acteurs locaux ou nationaux ». Cette dynamique se situe à court terme et se base sur des échanges de bonnes pratiques plutôt que sur des concepts technologiques. Une autre différence s’ajoute : l’obsession sécuritaire, qui «donne un point de repère systématique pour situer et évaluer les nouveaux concepts technologiques », ce qui garantie in fine plus de cohérence. Par ailleurs, les auteurs montrent que les grands acteurs commerciaux ont un rôle pivot dans la production de la V.O.

Le concept de V.O apparaît comme un élément important dans la compréhension des pratiques organisationnelles concernant l’appropriation d’une technologie. Suivant cette optique, Swanson et Ramiller soulignent que les idées autorisées de la V.O influencent le(s) décideur(s) d’une organisation. De plus, la schématisation de la V.O qu’ils proposent, montrent les dynamiques d’interactions inter-organisationnelles comme intra-organisationnelles entre les différentes communautés en scène. En outre, Dechamp et Romeyer (2006) enrichissent cette analyse en introduisant la notion de contournement de la V.O. Celui-ci se produit quand « les idées autorisées » rentrent en opposition avec les valeurs défendues par une communauté professionnelle (le cas des médecins).

Une limite dans l’usage du concept de la V.O est apparente : si on se place uniquement dans l’organisation, on a du mal à comprendre comment s’opèrent les interactions entre l’usage que les individus réservent à une technologie, la V.O qui y est associée et la vision que le (ou les) décideur(s) vont bâtir et diffuser.

L’une des caractéristiques d’un milieu organisé et finalisé est la présence d’acteurs décideurs qui, à travers leur choix d’investissement et de développement, vont influencer les conditions

de travail des autres acteurs de l’entreprise. Aussi, il convient de ne pas minimiser le poids de ces acteurs. En d’autres termes, la vision associée à une TIC, dès lors qu’elle a pénétré l’entreprise, peut cesser d’être organisante et devenir stratégique, quand elle alimente les discours politiques des décideurs de l’entreprise. A ce sujet, les travaux de Maurice et Alii (1987) proposent d’analyser les évolutions technologiques des entreprises à partir du concept de Vision de Mobilité Stratégique en investissement technologique, résumé par l’abréviation V.M.S.

3.2 La Vision Mobilisatrice Stratégique (V.M.S) en matière d’investissement technologique de Maurice, Eyraud, d’Iribarne, Rychener (1987)

A la fin des années 1980, Maurice et alii s’interrogent, suivant une approche pluridisciplinaire, sur « les transformations qui s’opèrent dans les entreprises en rapport plus ou moins direct avec le renouvellement des technologies de production» (Maurice, Eyraud, (d)’Iribarne, Rychener, 1987 : 2). Leur étude porte, plus précisément, sur l’arrivée des technologies flexibles. Dans leur cas d’étude, il s’agit d’équipements à commandes numériques programmables dans les industries manufacturières. Cette recherche met en exergue des outils théoriques, notamment le concept de « Vision de Mobilité Stratégique », qui dépassent le simple cadre des technologies de production et peuvent, selon nous, s’appliquer au cas des technologies de l’Internet.

En premier lieu (3.2.1), nous reviendrons sur la recherche menée autour des apprentissages des technologies flexibles, qui lie deux éléments clefs : le concept de « trajectoire technologique » d’une entreprise et la notion de « volonté industrielle ». Puis (3.2.2), sera présentée l’articulation de ces deux notions avec les formes nationales et professionnelles de rapport à la technologie (Eyraud, d’Iribarne, Maurice, 1988). En dernier lieu (3.2.3), nous proposerons une modélisation du concept de (V.M.S) en l’articulant aux notions précédentes.

3.2.1

Relation entre « trajectoire technologique » et « volonté

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