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Deux ambiguïtés théoriques autour de l’évolution de l’énactment et la prise en compte de la technologie en tant qu’artefact

1.1 Les apports de l’approche structurationniste dans l’analyse de l’usage contextualisé d’une TIC

1.1.3 La perspective structurationniste de la technologie portée par Orlikowski

1.1.3.3 Deux ambiguïtés théoriques autour de l’évolution de l’énactment et la prise en compte de la technologie en tant qu’artefact

Oiry et Guiderdoni (2009) montrent que Orlikowski reste ambiguë dès qu’il s’agit de comprendre comment l’usage se transforme et quel est le lien entre la transformation de la technologie en tant qu’artefact et la transformation des usages de cette même technologie.

Dans son article, Orlikowski (2000) affirme que son cadre théorique a pour objectif de fournir un cadre d’analyse des innovations dans les usages. De fait, on peut constater que ses propositions permettent de mieux analyser comment un usage imprévu peut émerger.

Orlikowski propose un éventail des choix possibles de l’utilisateur pour établir de nouvelles structures en pratique (cf tableau 2). Ces usages ne font pas qu’émerger, ils peuvent aussi se

14 Le mot original dans l’article d’Orlikowski est « preservation » p 421.

transformer. Le tableau ci-dessous résume les différents facteurs listés par l’auteur expliquant les changements possibles.

Choix délibéré de l’utilisateur à établir des technologies en pratiques différentes lié à une augmentation du savoir autour de la technologie, parce que les utilisateurs ont plus de connaissances sur la façon d’utiliser leur technologie -soit ils ont suivi une formation ou ils ont regardé leur collègue faire.

Choix délibéré de l’utilisateur à établir des technologies en pratiques différentes lié à l’évolution du travail pour répondre au mieux à une évolution du travail ou aux exigences d’une nouvelle communauté de travail.

Choix délibéré de l’utilisateur à établir des technologies en pratiques différentes pour répondre à de nouvelles régulations de sécurité pour pallier la non fiabilité de telle chose.

Choix improvisé de l’utilisateur à établir des technologies en pratiques différentes en réponse à une opportunité ou un défi inattendu quand l’utilisateur découvre une pratique nouvelle d’utiliser une technologie plus efficace que celle qu’il utilisait jusqu’alors.

Choix non délibéré (involontaire) de l’utilisateur à établir des technologies en pratiques différentes, quand l’utilisateur commet une erreur d’inattention ou autre.

Tableau.2 Recueil de choix possibles de l’utilisateur proposé par Orlikowski pour l’enactment de la technologie en pratique (Orlikowski, 2000 : 412).

Ces changements peuvent être délibérés, mais aussi produits par inadvertance comme lorsque de nouveaux usages sont découverts à la suite d’une erreur de manipulation.

Comme la « technologie en pratique » est une structure, Orlikowski ajoute qu’un changement dans celle-ci produit aussi « un changement dans les moyens matériels, les normes et schèmes utilisés dans le cadre de l’utilisation de la technologie » (Orlikowski, 2000 : 412).

La première limite, que nous remarquons dans l’article d’Orlikowski (2000), est que ses études de cas se limitent à montrer comment des usages émergent.

En effet, l’auteur présente trois types de mise en pratique de la technologie, mais ne nous renseignent pas sur les mécanismes de passage d’un état à l’autre. Cette dynamique-là n’est pas évoquée par l’auteur.

Or, dans le cas d’étude longitudinale, il nous semble intéressant de prolonger la réflexion d’Orlikowski en proposant de s’interroger non seulement sur la façon dont un usage émerge, mais également comment il se transforme.

Positionner le curseur de l’analyse sur l’utilisateur et son action conduit Orlikowski (2000) vers une seconde ambiguïté. En voulant se démarquer de ses anciens travaux et de la littérature préexistante, l’auteur démontre que les utilisateurs « énactent » des usages qui n’avaient pas été inscrits dans la technologie par ses concepteurs. En se focalisant sur l’utilisateur et sa technologie en pratique, le rôle des concepteurs dans la structuration d’une technologie est sous-estimé.

En effet, dans en premier temps, Orlikowski affirme que les concepteurs n’inscrivent pas de structure dans la technologie qu’ils produisent (p.406). Puis plus loin dans son propos, elle

leur donne une certaine place en rappelant que « quand les individus utilisent une technologie, ils extraient les propriétés contenant l'artefact technologique - ceux fournis par sa composition, ceux inscrits par les concepteurs et ceux ajoutés par les utilisateurs à travers leurs interactions antérieures » (Ibid, 2000 : 410).

Elle conceptualise même cette dimension formelle de la technologie puisqu’en faisant écho à la notion de dualisme technologique, la perspective structurationniste qu’elle propose, inclut la technologie comme artefact et la technologie en pratique (Ibid, 2000 : 408).

Il semble toutefois qu’elle utilise cette distinction pour montrer que les usages d’une technologie ne peuvent pas être circonscrits par l’analyse de ses seules caractéristiques techniques et qu’ils doivent nécessairement être reliés au type de « technologie en pratique»

qu’un acteur énacte.

Cette distinction permet une véritable avancée analytique, mais nous pensons qu’une question cruciale reste non résolue. Les usages ne peuvent pas se déduire de « la technologie en pratique» mais il reste à décider si la technologie en tant qu’artefact joue un rôle dans les mises en pratique d’une technologie.

Se focalisant sur « la technologie en pratique », Orlikowski (2000) fait le choix de laisser la question de la « technologie comme artefact » dans le développement des énactments un peu de côté.

Dans ses études de cas, elle ne fait effectivement jamais de lien direct entre les usages qui sont développés et la « technologie comme artefact ». Elle les relie en revanche systématiquement aux formes différentes de « technologie en pratique ». Nous avons toutefois souligné qu’elle ne méconnaissait pas complètement le rôle que peuvent jouer les propriétés techniques de la technologie proposées par les concepteurs. Même si elle ne les mobilise pas directement dans sa réflexion, ses études de cas débutent par une présentation des fonctionnalités techniques de Lotus note (tableau 1, Ibid, 2000 : 414). Dans cet article, la technologie, en tant qu’artefact, apparaît nécessaire pour analyser les usages mais cette dimension technique n’est pas directement mobilisée dans l’analyse.

Il nous semble que s’interroger sur le statut donné à la technologie comme artefact dans la transformation des usages de la technologie est une façon détournée de re-légitimer le lien entre usage et conception, manquant dans la perspective proposée par Orlikowski (2000).

A ce stade de notre analyse, l’appropriation d’une TIC s’explique essentiellement à travers les usages qu’elle génère. Bien que les structurationnistes soulignent, à juste titre, que les usages d’une TIC sont avant tout contextualisés, nous nous demandons s’il est possible d’effectuer

des typologies d’utilisateurs des TIC et de styliser les usages. Ceci conduirait à la création d’archétypes permettant une meilleure compréhension de l’usage pris dans son contexte.

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