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Les difficultés opérationnelles à vouloir faire participer l’utilisateur au processus de conception d’une TIC ou d’un système interactif

« conception collective » et la théorie de la structuration

2.3.1 Les difficultés opérationnelles à vouloir faire participer l’utilisateur au processus de conception d’une TIC ou d’un système interactif

Dans ses travaux, Grudin (1991) s’attache à réaliser un état des « obstacles et des défis » que la participation des utilisateurs au processus de conception peut générer. Les questions soulevées par l’auteur, nous paraissent toujours d’actualité, puisqu’elles sont inhérentes aux difficultés de gestion de cette participation des utilisateurs.

La question de la capacité des concepteurs à communiquer.

Grudin s’interroge sur la capacité de certains membres de l’équipe de conception à communiquer efficacement avec les utilisateurs. En effet, l’auteur explique que « bien que la plupart des concepteurs approuvent le principe d’intégration des utilisateurs au processus de conception, ils peuvent ne pas suivre ce principe pour différentes raisons. Certains ingénieurs manquent d’empathie ou de sympathie à l’égard des utilisateurs d’ordinateurs inexpérimentés et peu techniques. Lors des rencontres entre concepteurs et utilisateurs, on se rend compte que parfois les différentes valeurs, style de travail et même langage de chaque communauté font [obstacle] à la communication […] (Grudin, 1991 : 157).

La question du maintien de la participation des utilisateurs dans le temps.

Du côté des utilisateurs, Grudin souligne que « les problèmes de maintien de la participation des utilisateurs a été reconnu comme essentiel » (Ibid, 1991 :160). Même si pour l’auteur, ces problèmes de maintien se posent différemment si on est dans le cas de la conception d’une technologie «maison»60 ou dans le cas d’utilisateurs potentiels externes. Grudin explique que dans le cas d’une conception « in house », les concepteurs et les utilisateurs partagent le même management. Ce qui peut faciliter le maintien de l’engagement des concepteurs, comme des utilisateurs, à condition que le management continue à soutenir la conception de la technologie en cours de création. Nous reviendrons en détail sur ce point dans l’exposé de notre cadre d’analyse.

L’auteur conclue que « les utilisateurs potentiels peuvent être moins motivés s’ils ne perçoivent pas en quoi le produit [sur lequel ils s’investissent] leur sera bénéfique. Ceci est particulièrement problématique pour [la conception] d’importants systèmes et l’application de « groupware », qui demandent un usage répandu, mais qui profitent sélectivement aux managers. La situation est même pire si les utilisateurs potentiels [de la technologie en cours de conception] ont le sentiment que leurs emplois pourraient être menacés par un produit qui promet une efficacité accrue » (Grudin, 1991 : 160).

La difficulté de sélectionner les utilisateurs à intégrer.

La question de la sélection du « bon groupe d’employés » devant participer au processus de conception est considérée comme très délicate. Reprenant le cas de grandes organisations (publiques), Grudin souligne la difficulté croissante de sélectionner les utilisateurs à inclure face à une population d’employés très hétérogènes : obstacles accentués en fonction de la division du travail, du type d’organisation.

La difficulté de prendre en compte les connaissances tacites de l’utilisateur.

En se basant sur les travaux de Wood (1997), Koopman et Batenburg mettent en évidence que

« la majeure partie des connaissances qu’un utilisateur a sur le processus ou sur le sens de l’application offerte par le logiciel, permettant de supporter la conception de ce dernier, repose sur des connaissances tacites. Par conséquent, cela peut être difficile d’obtenir une information de la part des utilisateurs sur leur façon de travailler » (Koopman, Batenburg 2009 : 60). Selon ces auteurs, les utilisateurs peuvent omettre de donner aux concepteurs, lors

60 Le terme utilisé par l’auteur est « in-house », que nous avons traduit par « maison ». On peut également employer le terme latin « in situ », signifiant « sur site ». Tous se réfèrent à la même réalité.

d’entretiens, des informations non formalisées sur leur façon de mener leurs activités. Ces éléments s’apparentent bien souvent à des arrangements locaux, qui permettent à l’individu de mieux travailler. La non prise en compte de ces arrangements locaux peut conduire : soit à la création de fonctionnalités inutiles ; soit à l’absence d’applications, là où elles seraient utiles.

C’est ce que démontrent Koopman et Batenburg dans leur étude concernant la conception d’e-services pour le Ministère Néerlandais.

Les difficultés d’accès aux utilisateurs.

Grudin explique que l’accès aux utilisateurs est un vrai défi car « des obstacles peuvent se dresser au sein même de l’organisation des utilisateurs, au sein de celle des concepteurs ou entre elles » (Grudin, 1991 : 159). Au niveau de l’organisation des utilisateurs, l’auteur précise, dans le cas de la conception externe d’un système, que les concepteurs passent plus de temps en contact avec les responsables des systèmes informatiques de l’organisation et des managers des utilisateurs cibles que les utilisateurs eux-mêmes.

Dans le cas de la conception d’un système d’information ou d’une TIC, le management peut également être un obstacle entre concepteurs et utilisateurs. En effet, se pose le problème du temps que l’utilisateur sélectionné va pouvoir allouer à cette participation. Cette allocation dépend du consentement du hiérarchique de l’utilisateur et de la négociation entre les acteurs en scène. Ce qui peut entraîner un certain nombre de problèmes organisationnels.

Dans le cas de la conception d’un système interactif géré par une organisation spécialisée externe, les personnes en charge des interfaces avec l’entreprise commanditaire ne sont pas directement les concepteurs. Ces personnes devront alors prendre en compte à l’interne de leur organisation les besoins des utilisateurs cibles. La multiplication des interfaces peut accroître le risque d’erreurs sur la nature des besoins identifiés.

A ces barrières organisationnelles multiples, s’ajoutent les barrières physiques (la distance dans le cas de déploiement dans des filiales à l’international), linguistiques, culturelles.

Les difficultés d’observation.

Certaines formes de participation, telles que l’observation des utilisateurs pendant qu’ils travaillent sont difficiles à mener. En effet, il arrive que les utilisateurs eux-mêmes s’avèrent réticents à ce type d’observation directe (Butler, 1996 ; Koopman Batenburg, 2009).

La question des usages réels.

Par ailleurs, même si on parvient à sélectionner le bon profil d’utilisateurs potentiels ou finaux, se pose la question des usages réels. En effet, pour certains chercheurs, « la participation de quelques usagers pilotes à l’innovation ne permet pas à elle seule une représentativité de l’ensemble des acteurs qui interagiront avec la solution future […], l’expérimentation n’a donc de sens que si elle est faite en situation d’usage réelle » (Pascal, Thomas, 2006 : 109).

De plus, certaines études ont également montré que l’utilisateur potentiel adossant un rôle de

«co-concepteur» n’adopte pas le même comportement d’usage qu’un utilisateur réel et que les tests de situations, malgré les précautions prises, restent différents des situations réelles d’usage (Bardini, Horvath, 1995 ; Woolgar, 1991).

Le rapport avec le facteur temps.

Certains auteurs soulignent le rapport paradoxal avec le facteur temps. Des études ont montré qu’allouer davantage de temps en amont du processus de conception en raison de la participation des utilisateurs conduit, au final, à un cycle de création plus rapide pour les concepteurs de logiciels (Blackburn et al, 2000). Cependant, Grudin note que ces derniers considèrent que le temps de développement qu’on leur alloue est insuffisant. Et par conséquent, « la peur que la participation des utilisateurs conduise à des délais inacceptables est alors un obstacle majeur dans cet environnement de développement sous pression » (Grudin, 1991 : 164).

En s’appuyant sur les travaux de Grudin (1991), nous avons constaté, au fil du texte, que les difficultés à intégrer concrètement l’utilisateur dans le processus de conception d’une TIC sont nombreuses et de nature différente. A ces limites opérationnelles, s’ajoutent les particularités théoriques inhérentes à l’articulation entre théorie de l’acteur-réseau et théorie de la structuration.

2.3.2

Les particularités de l’articulation usage/ conception à partir de

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