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Lier usage et conception : articulation entre la théorie de l’acteur- l’acteur-réseau et de la théorie de la structuration

d’archétypes technologiques suivant une approche structurationniste

2.2 L’intégration des utilisateurs dans le processus de conception d’une TIC

2.2.3 Lier usage et conception : articulation entre la théorie de l’acteur- l’acteur-réseau et de la théorie de la structuration

L’articulation de la théorie de l’acteur-réseau avec la théorie de la structuration a déjà été réalisée dans quelques travaux (Sahay et Walsham, 1997 ; Walsham 1997 ; Munir et Jones 2004 ; Pascal, 2006 ; Pascal et Thomas, 2008 ; Hussenot, 2008). Ici, la question est de s’interroger sur les raisons de cette articulation.

Les travaux issus de la sociologie de la traduction, comme ceux issus de la sociologie du social à travers la perspective développée par Orlikowski sont supposés mettre en évidence les deux facettes inhérentes aux dynamiques d’appropriation. La théorie de l’acteur-réseau permet de suivre et de décrire l’interaction et les traductions des acteurs et des objets ; les travaux d’Orlikowski (2000) permettent leur interprétation à partir de l’étude de la construction récursive des acteurs dans l’interaction. Comme le note Hussenot (2008), l’appropriation se construit autant par association au sens de Latour (2006) que par structuration au sens de Giddens (1987).

Les tenants de cette articulation adhérent à l’idée que cette association théorique explique le caractère processuel de l’appropriation d’une TIC et permet de répondre aux questions suivantes :

« Comment se réalisent les interactions ? Quelles sont les transformations nécessaires autant chez les acteurs que dans la technologie pour que les acteurs s’approprient la solution TIC ? Comment retracer ce processus d’appropriation dans le temps ? » (Hussenot, 2008 : 20).

L’approche basée sur « la co-conception centrée usage », vue précédemment, repose sur cette articulation théorique. Pascal (2006, 2008) et Pascal et Thomas (2006, 2008) prennent en compte les usages, dès la phase de conception d’une TIC, en mobilisant la théorie de la traduction et la théorie de la structuration. A cela, s’ajoute la mobilisation de la théorie de cognition distribuée.

D’une façon succincte, les apports combinés de ces trois théories sont présentés ainsi :

Les apports de l’école de la traduction (1). La démarche de co-conception (Pascal, Thomas 2006 ) est conçue « comme un modèle tourbillonnaire en boucles itératives, dans la lignée de l'école de la traduction » (Pascal, Thomas 2006 : 105), impliquant « un véritable travail de coordination et de coopération entre les usagers et les concepteurs, au travers d'interactions fréquentes et répétitives ». La perspective usage que les auteurs proposent permet « d’introduire les usagers dans les boucles de

co-conception et de prendre en compte la co-évolution de la co-conception et des usages ».

Les auteurs transcrivent à la logique de co-conception de TIC un des principes de base de la théorie de l’acteur-réseau, qui consiste à penser que «l’appropriation d’une innovation nécessite la mise en place de processus d’intéressement de plus en plus larges ». Ceci pousse les auteurs à dissocier le monde des concepteurs de celui des usagers.

Le recours aux travaux de la cognition distribuée (2). Pour introduire les usages dans les boucles de co-conception, les tenants de ce courant ont recours à l’élaboration de scénarios d’usage. Ces derniers ont pour objet de décrire la situation dans laquelle l’usage de l’outil, en cours de conception, va se construire et prendre sens (Young et Barnard, 1987).

Le recours à la théorie de la structuration (3). Ceci permet de comprendre comment les usages émergent en interaction avec les pratiques des utilisateurs, les structures et la technologie en cours de conception . Ces pratiques seront alors confrontées aux scénarios d’usages établis par les concepteurs et sources de l’évolution de ces derniers.

Dans le cas de leur expérimentation concernant le projet KMP58 (Knowledge Management Plateform), Pascal et Thomas (2006, 2007) proposent de visualiser leur démarche de co-conception orientée usage suivant le schéma ci-dessous (cf. figure 10). Les auteurs soulignent que le « processus d’adoption adaptation n’est possible qu’à travers la convergence des boucles de co-conception et trajectoires d’usage » (Pascal, Thomas 2006 :110). Cette convergence réside dans la recherche d’objets frontières59 permettant des points de rencontre entre trajectoires d’usage et trajectoires de conception.

58 Le but du projet KmP est de construire une solution partagée de "Knowledge Management", accessible via un portail web, permettant de faciliter les échanges entre acteurs des différents réseaux du domaine des télécommunications de Telecom Valley (une communauté d'entreprises, d'institutionnels et d'organismes de recherche…). Pour plus de détails sur ce projet KmP et la démarche de co-conception se référer aux articles de Pascal et Thomas (2006, 2007).

59 S’appuyant sur les travaux de Grenier (2003), Pascal et Thomas utilisent le concept de l’objet frontière et le considèrent comme un support, un facilitateur de la coordination entre acteurs impliqués dans le processus de conception. Ces objets représentent les points de convergence, négociés entre tous les acteurs en scène permettant d’élaborer progressivement la solution technique tout en s’assurant de l’engagement de chacun.

figure 10. La co-évolution de la conception et des usages (Pascal, Thomas, 2006 : 110).

Dans une communication plus récente, Pascal, Thomas et Romme (2009) proposent de dépasser la question des interactions entre utilisateurs et concepteurs d’une solution TIC pour aborder, à un niveau plus global, les interactions entre chercheurs et praticiens. Cette montée en généralité conduit les auteurs à abandonner l’expression « co-conception centrée usage » pour le terme « design collaboratif ». Celui-ci se définit par « une méthodologie de conception intégrative et collective : collective, parce qu’elle se centre sur l’articulation des savoirs théoriques et pratiques ; intégrative, parce que elle tente de combiner les aspects clefs de deux démarches de design identifiées, celle fondée sur la science des organisation et celle privilégiant la participation et l’engagement des usages » (Pascal, Thomas, Romme, 2009 :1).

Dans ses travaux, Hussenot (2008) a également recours à l’association théorie de l’acteur-réseau et théorie de la structuration pour analyse le processus d’appropriation d’une solution TIC NotePlus.

Des difficultés opérationnelles et des particularités théoriques peuvent, néanmoins, être évoquées autour de l’emploi de ce cadre théorique comme autour des applications concrètes d’intégration de l’utilisateur au processus de conception.

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