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Partie Empirique

4.1 Choix épistémologiques et méthodologiques

4.1.1 Une approche interprétativiste et un mode de raisonnement abductif

Dans notre cas, l’objectif de notre recherche est exploratoire : décrire et comprendre l’appropriation d’une TIC en entreprise au regard des interactions entre Vision, Conception et Usage. Dans les lignes suivantes, nous expliciterons en quoi notre étude s’inscrit dans une approche interprétativiste (4.1.1.1) et pourquoi nous avons opté pour un mode de raisonnement abductif (4.1.1.2). A cela, s’ajoute le choix d’une analyse processuelle (4.1.1.3).

4.1.1.1 Approche interprétativiste

Trois grandes épistémologies sont traditionnellement présentées (Le Moigne 1995) : le positivisme, l’interprétativisme et le constructivisme.

L’approche positiviste considère que l’objet de connaissance (ce que l’on veut étudier) à une essence propre, indifférente aux intérêts que peuvent lui porter les chercheurs. En d’autres termes, il y a une indépendance du sujet et de l’objet. Le chercheur produit de la connaissance en tentant de comprendre « les causes » qui expliquent un phénomène. Dans notre cas de recherche, une telle objectivité et une telle extériorité ne sont pas possibles, puisque notre problématique et les données recueillies sur le terrain ont été redéfinies et affinées au fur et à mesure des interactions entre terrain et théorie.

L’approche interprétative se focalise sur les acteurs et leur interprétation d’un phénomène.

Dans cette perspective l’important « […] n’est pas la découverte de lois. C’est de se pourvoir

de moyens conceptuels qui permettent d’analyser ce que savent les acteurs à propos de ce pourquoi ils font ce qu’ils font ou quand les acteurs ne sont pas conscients qu’ils savent » (Giddens, 1987 : 27). Suivant cet esprit, la réalité se comprend à partir des interprétations qu’en font les acteurs. Walsham (1995) précise qu’en système d’information, « la recherche interprétative vise à produire une connaissance du contexte des systèmes d’information et des processus par lesquels le système d’information influence et est influencé par le contexte » (Walsham, 1993 : 4 -5).

Quant à l’approche constructiviste, celle-ci réside dans une co-construction de l’objet de recherche (Avenier, 2009) entre les acteurs et les chercheurs. Notre étude n’a pas donné lieu à une co-construction. Bien que notre recherche est suscitée d’intenses interactions entre acteurs, nous avons endossé le rôle d’observateur participant. Nous reviendrons sur ce point plus longuement dans les pages suivantes.

Pour répondre à notre objectif de recherche, nous nous sommes focalisés sur les acteurs et leur interprétation du phénomène étudié. Ce lien fort avec le contexte et ses acteurs nous a conduit à privilégier une posture interprétative. Reste à se questionner sur le mode de raisonnement à privilégier pour réaliser notre recherche.

4.1.1.2 Un mode de raisonnement abductif

Trois processus de production des connaissances existent :

- le premier est fondé sur l’exploration : le chercheur ambitionne de présenter des éléments théoriques nouveaux ; son mode de raisonnement privilégié est, alors, l’induction.

- le second processus est le test : procédant d’une logique inverse, l’objectif du chercheur est de soumettre un concept ou une théorie à l’épreuve de la réalité, suivant une logique déductive.

- le troisième processus apparaît comme un stade intermédiaire entre les deux précédents. C’est dans cette démarche que s’inscrit notre recherche. L’objectif de notre étude nous place dans une démarche exploratoire, celle-ci induisant un mode de raisonnement inductif. Comme le souligne Missonier (2008), en citant les travaux de Blaug (1982), « l’induction suppose une observation libre de la réalité et la formulation de lois universelles qui débouchent sur une théorie » (Missonnier, 2008 : 137). Ceci n’est pas vraiment notre cas. Nous avons plutôt privilégié une dialectique entre le terrain et la théorie. C’est pourquoi, notre recherche s’inscrit

dans une démarche dite abductive. Celle-ci privilégie d’une part l’interprétation des éléments observés et recueillis auprès des acteurs et d’autre part la coexistence de ces faits mis en forme avec des théories (David, 2004).

Ces différents éléments conduisent à caractériser la connaissance produite à travers notre travail comme étant discutable et non universelle : discutable, car cette production de connaissance est fortement liée à un contexte ; non universelle, car la réalité observée à un moment donné n’est pas permanente, mais elle dépend des acteurs et de leurs comportements.

Suivant cette démarche, notre recherche ambitionne de proposer des résultats plausibles, mais en aucune façon des conclusions certaines et absolues.

4.1.1.3 Analyse processuelle

La convention CIFRE implique une période d’investigation longue, au moins trois années74. Cette approche d’étude longitudinale dans une organisation donnée nous pousse de fait vers une analyse processuelle.

Il existe deux possibilités d’étudier un objet soit par son contenu, soit par son processus. Les recherches sur le contenu « cherchent à mettre en évidence la composition de l’objet étudié », quant aux recherches sur les processus, elles visent « à mettre en évidence le comportement de l’objet dans le temps » (Thiétart, 2007 : 107).

La recherche sur le processus décrit et analyse comment une variable évolue dans le temps (Van de Ven, 1992). Ceci conduit à placer la dimension temps aux centres des préoccupations.

Traditionnellement, on attribue à une recherche sur les processus deux objectifs : soit pour décrire ou pour expliquer. Dans le cas d’une analyse processuelle à visée descriptive, le chercheur se focalise sur la composition du processus et l’évolution de son enchaînement dans le temps. Dans une visée explicative, Thiétart montre qu’il s’agit d’expliquer comment une variable évolue dans le temps (objet étudié) en fonction de l’évolution d’autres variables (Thiétart, 2007 : 122). En somme, est-ce que l’évolution ou la modification de la variable (A) serait reliée, impliquerait une évolution, une modification sur la variable (B)?

Notre question de recherche s’inscrit dans la lignée des recherches processuelles. Il apparaît nécessaire et primordial de construire une méthodologie spécifique pour permettre de saisir

74 Dans notre cas, nous sommes restés quatre années et demi.

cette analyse processuelle (Gadille, Iribarne, 1990 ; Mendez, 1994 ; Miles, Huberman, 1994 ; Yin, 1994 ; Van de Ven, Poole 1990 ; Oiry, 2001 ; Thiétart, 2007).

La méthode d’analyse processuelle, présentée classiquement dans la littérature se compose de quatre étapes principales (Van de Ven, Angle, Poole, 1989, 1990 ; Thiétart, 2007).

1. Définir la variable dont on veut analyser le processus d’évolution.

2. Décomposer la variable processuelle à étudier en concepts-clès, ce qui rend les phénomènes à étudier moins complexes et permet au chercheur de suivre l’évolution de cette variable à travers les éléments qui la composent.

3. Décrire et analyser les « incidents critiques dans des matrices chronologiques permet de suivre l’évolution de chacune des dimensions identifiées (Miles, Huberman, 1994).

4. Offrir une vue d’ensemble sur l’évolution des différentes dimensions identifiées de façon à caractériser le processus général suivi par la variable étudiée.

Ces principales étapes présentées soulèvent un certain nombre de questions, auxquelles le chercheur est invité à répondre. Les problèmes communément identifiés dans la littérature relatifs à la méthode de recherche sur les processus peuvent être regroupés suivant trois grandes catégorie de difficulté : la première consiste à décomposer la variable processuelle à étudier ; la seconde concerne la délimitation de l’objet d’étude dans le temps et dans l’espace ; la troisième résulte dans la mise en évidence des intervalles de temps formant le processus.

Détermination des bornes temporelles et spatiales de l’objet

Il est difficile de définir des bornes temporelles concernant l’objet de recherche car dans notre cas, comme dans beaucoup d’autres (Oiry, 2001 ; Benedetto, 2002), la construction de l’intranet RH a démarré avant notre arrivée chez Aéro et s’est poursuivi après notre départ.

Nous avons centré nos investigations sur la période durant laquelle nous étions dans l’organisation c’est-à-dire de septembre 2001 à mai 2005, tout en prenant en compte des événements qui se sont déroulés avant relatés par les interviewés ou à travers l’étude de source.

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