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Partie Empirique

4.1 Choix épistémologiques et méthodologiques

4.1.2 Famille de méthodologie retenue et posture de recherche

Notre travail de thèse s’est déroulé suivant les termes d’une Convention Industrielle de Formation par la Recherche en Entreprise (CIFRE). Ce dispositif de recherche suppose des spécificités méthodologiques et oblige le jeune chercheur à privilégier une posture de recherche permettant de résoudre les difficultés liées à la confrontation précoce avec l’objet de recherche. La section suivante présentera le lien fort unissant le design de notre recherche et le cadre particulier dans laquelle celle-ci s’est réalisée.

4.1.2.1 Le choix d’une étude de cas unique-monographie.

La convention CIFRE se fonde sur une relation tripartite contractualisée entre un étudiant, un laboratoire de recherche et une entreprise. Dans la plupart des cas, la convention est conclue avec une seule entreprise, ce qui pousse le doctorant à privilégier une étude monographique, plutôt qu’une analyse comparative. Au delà de la spécificité méthodologique, notre question est de s’interroger sur le validité scientifique accordée à cette méthodologie. En sciences de gestion, il existe deux grandes types de méthodologie permettant d’avoir une meilleure intelligibilité des phénomènes et l’opérationnalité de la démarche : l’enquête et l’étude de cas (Wacheux 1996 ; Igalens, Roussel, 1998 ; Thiétart 1999 ; Oiry 2001).

• L’enquête repose sur les principes scientifiques des méthodes quantitatives, basées sur un traitement statistique des informations collectées (Wacheux, 1996). Son principe de base réside dans la comparaison de situation à partir d’un nombre défini et limité de dimensions d’analyse. Ce type de méthode est en contradiction avec la nature même de notre problématique. La définition au préalable des dimensions d’analyse devant être testées, laisse aucune place aux dimensions organisationnelles intangibles et difficilement objectivables que seule l’analyse peut mettre à jour (Hartley, 1994).

• L’étude de cas est la seconde possibilité méthodologique, basée sur approche qualitative. A l’inverse de la précédente, le chercheur privilégie une analyse approfondie d’une seule et unique situation, en ne limitant pas a contrario un nombre de dimensions utilisées. Son utilisation est préconisée dans trois situations (Yin, 1990) : pour tester une théorie afin de la confirmer, la réfuter ou la compléter ; pour

révéler un cas au caractère extrême ou unique75 ; pour dévoiler un phénomène qui, sans être rare, n’est pas encore accessible à la communauté scientifique. Aux arguments de Yin (1990), Stake (1994) ajoute trois caractéristiques supplémentaires : le caractère heuristique76 ; la dimension instrumentale77; la visée théorique. Deux familles d’étude de cas existent78 : l’étude de cas multi-sites ou l’étude cas unique (Hlady-Rispal, 2002)

Dans notre cas, deux raisons, intrinsèquement liées, nous ont poussé à opter pour la méthode de l’étude de cas unique : la nature de notre question de recherche portant sur la compréhension de la dynamique d’appropriation d’une TIC en entreprise et l’opportunité de contrat CIFRE, circonscrivant la question au cas d’une seule entreprise.

De plus, nous rejoignons les positions défendues par March et ses collègues (1991) concernant l’étude cas unique. Ces derniers confirment le principe de l’unité de nature entre les différentes organisations, ce qui leur permet d’affirmer que tout phénomène observé dans une seule organisation a potentiellement une portée générale.

Cette idée, selon laquelle la description approfondie d’un cas unique est plus importante et plus instructive que la généralisation prématurée et simplifiée d’une multitude de cas a été reprise par une génération de chercheurs (Grawitz, 1996 ; Béaud, Weber , 1997).

Le choix de mener une étude de cas unique suppose des phases sur le terrain plus ou moins longues. Quand la recherche s’effectue suivant une convention CIFRE, les périodes d’immersion sont forcément longues, ce qui accentue les difficultés de positionnement pour le jeune chercheur. En effet, celui-ci doit être capable de tenir sa posture de recherche pendant des mois. La question suivante est, alors, de s’interroger sur la posture de recherche la plus adéquate en fonction du cas d’étude dans lequel le chercheur se trouve.

75 L’unicité résulte, alors, de la rareté du phénomène étudié.

76 Le chercheur choisit un cas d’étude en raison de sa particularité, de son caractère unique, susceptible de permettre de découvrir des choses nouvelles.

77 Reprenant la pensée de Stake, Hlady-Rispal souligne que « l’étude de cas instrumentale fournit une nouvelle compréhension d’un phénomène donné […] il fait l’objet d’une analyse contextualisée en profondeur mais toujours en vue d’un intérêt externe » (Hlady-Rispal, 2002 : 78).

78 Sans rentrer de façon plus approfondie dans les débats au sein de la communauté scientifique concernant ces deux familles, on peut résumer en disant que les tenants des études de cas multi-sites reprochent « la trop forte idiosyncrasie des études de cas uniques et l’absence de potentiel de généralisation ». A l’inverse, on reproche aux études de cas multi-sites la tendance d’une investigation en surface.

4.1.2.2 La posture de recherche : l’observation participante

Tout chercheur débutant rencontre la difficulté de se positionner sur son terrain, surtout quand le temps d’investigation est long. Cet exercice oblige le doctorant à non seulement trouver une place dans l’entreprise qu’il étudie mais également à préserver son statut de jeune chercheur.

Comme le souligne Benedetto relatant sa propre expérience de CIFRE, « la question du positionnement du chercheur se pose avec acuité» (Benedetto, 2002 : 184). Ayant été en CIFRE, nous reviendrons sur les difficultés à surmonter et les outils nécessaires pour y parvenir.

Junker (1960) propose une grille expliquant les différents statuts de l’observateur. Il en identifie quatre en utilisant le degré de participation et le dévoilement de l’identité du chercheur comme critères (Groleau, 2003 : 215). Ces quatre catégories sont synthétisées dans le tableau ci-dessous.

Statuts de l’observateur Degré de participation / dévoilement de l’identité du chercheur

Participant complet Participe pleinement aux activités du groupe étudié sans dévoiler son identité de chercheur

Participant qui observe Participe aux activités du groupe étudié au même titre que les autres membres, en ayant dévoilé son identité de chercheur

Observateur qui participe Rend public son rôle de chercheur et erre librement dans la communauté sans prendre formellement part aux activités du groupe

Observateur complet Observe sans avoir de contact direct avec les sujets de la recherche.

Tableau.7 Synthèse des différents statuts et rôles de l’observateur proposé par Junker (1960) présenté par Groleau (2003 : 216).

A la lecture de la typologie de Junker (1960), notre posture de recherche s’apparente au statut

« d’observateur qui participe » ou « observateur-participant ». Selon Gold (1969), chacun des statuts identifiés par Junker est associé à une tension qui découle de la combinaison des rôles d’observateur et de participant que le chercheur doit assumer. A cela, s’ajoute selon Groleau (2003) la difficulté que « rencontre le chercheur quand il partage le même cadre de référence que la communauté observée ». Le danger est, alors, de prendre « pour acquis l’expérience qu’il partage avec les personnes observées sans la questionner ou tenter d’identifier ce qui relève de la problématique ».

Groleau (2003) précise qu’« adopter l’observation comme méthodologie est plus que d’accepter de regarder les gens vivre au fil des jours. Cela implique une série de questionnements sur le rôle et le statut qu’on va occuper sur le regard que l’on va porter , sur la manière dont on va gérer notre présence sur le lieu d’observation, ainsi que sur la constitution et l’analyse des données provenant de cette méthode (Groleau, 2003 : 212).

En somme, l’observation demande un apprentissage long qui conduit, bien souvent, à deux types de situations : soit le chercheur débutant est submergé par la quantité d’information qui se présente à lui et a le sentiment de ne plus savoir où diriger son attention ; soit au contraire il ne parvient pas à focaliser son regard sur ce qui se passe sur le terrain. Comme « aveuglé, il ne parvient pas à saisir des événements qui pourraient constituer des données » (Groleau, 2003 : 219). Nos débuts s’apparentent à la première situation énoncée. Aussi, la question suivante est de savoir comment s’assurer du caractère scientifique et rigoureux de son étude,

« connaissant les difficultés et les ajustements nécessaires pour trouver une relation de confiance et une relative proximité avec son terrain » (Benedetto, 2002 : 185).

Pour remédier aux difficultés de positionnement et pour garantir la rigueur scientifique de notre travail de recherche, nous avons mobilisé un certain nombre d’instruments permettant de tenir l’objet de recherche et l’entreprise à distance.

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