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La conception à partir des activités et des situations générées spécifiques

d’archétypes technologiques suivant une approche structurationniste

2.1 Appréhender le processus de conception : de la conception collective à celle d’une TIC

2.1.1 La conception à partir des activités et des situations générées spécifiques

Les questions relatives à la conception sont traditionnellement appréhendées en sciences de gestion à partir de la problématique de la performance des processus de création, à savoir comment concevoir plus vite, moins cher, et dans des bonnes conditions de qualité. Suivant cette perspective, le chercheur va s’interroger sur ce qui se passe dans la sphère des concepteurs et, plus précisément, sur les formes de coordination collective que nécessitent ces processus de conception.

A ce sujet, on peut citer les différents travaux menés au Centre de Recherche de Gestion de l’Ecole Polytechnique (Midler, 1993 ; Moisdon, 1997 ; Benghozi, 1990). A la question des particularités de l’activité et de la situation de conception, Midler propose des éléments de réflexion à travers ses définitions de l’activité (2.1.1.1) et de la situation de conception (2.1.1.2).

2.1.1.1 Trois constats concernant l’activité de conception

Midler a mené des recherches sur la définition de la conception. Il aboutit à trois constats : la spécificité des formes de coordination ; les différentes formes d’organisation selon le secteur d’activité et le type d’institution ; l’apparition de formes hybride de méthodes.

La spécificité des formes de coordination : l’activité de conception « présente des spécificités et requiert des formes de coordination adaptées, différentes de celles qui s’avèrent efficaces pour régler l’activité de production ou d’échange de produits existants » (Midler, 1996 : 63).

Les différences de formes d’organisation en fonction de la section et du type d’institution : l’analyse historique de l’organisation des activités de conception montre des évolutions différentes selon les secteurs d’activité et les institutions dans lesquels ils se déroulent (privé/public). En prenant appui sur des exemples concrets (Programme Apollo, Twingo…), Midler veut montrer que chaque processus de conception s’inscrit dans « des histoires professionnelles différentes où les tâches de conception, les instrumentations et le rôle des différents acteurs intervenant varient » (Midler, 1996 : 64).

Le caractère hybride des dynamiques de conception : Midler souligne que «les dynamiques [de conception] en cours s’appuient largement sur les échanges entre les différentes traditions d’organisation de la conception » (Midler, 1996 : 64). Aussi, arrive-t-on, selon l’auteur, à des formes d’hybridation comme le cas où le secteur automobile va reprendre des méthodes de conception propres au secteur du BTP.

Suivant une logique de « benchmarking », on reconnaît là la volonté d’appliquer les bonnes méthodes repérées dans d’autres secteurs.

2.1.1.2 Les situations de conception.

Afin de mieux comprendre les activités de conception, Midler (1996) s’interroge sur la définition à donner à une situation de conception et propose six éléments pour la caractériser.

Une situation de conception est « une heuristique tendue par une finalité globale » :

En se référant aux travaux fondateurs de Simon, qui définit les sciences de la conception en opposition aux sciences naturelles36, Midler met en avant que la démarche de conception est basée avant tout sur la construction et l’affirmation d’une finalité. Il oppose cette logique inhérente à la situation de conception à celle « du spécialiste, dont l’action est d’abord définie par un champ d’expertise et de méthodes » (Ibid, 1996 : 65).

La conception est « une affaire de communication et d’intégration de différentes logiques » : loin de l’image d’Épinal du génial inventeur solitaire, la conception, quelque soit l’objet créé, est un acte collectif. Par conséquent, « il faut que tous ces acteurs puissent dialoguer, débattre de leur différences, que les conflits entre les points de vue soient explicités pour qu’ils soient résolus » (Ibid, 1996 : 66). La situation de conception est, alors, définie par l’auteur comme un « contexte de communication élargie et de négociation entre des logiques hétérogènes », dont la réussite va dépendre, en partie, de la qualité de ces multiples échanges.

La prise en compte de l’incertitude : ce point caractérise également le paradoxe inhérent à une logique de projet. Le paradoxe vient du fait que « la conception est un processus de résolution de problèmes souvent inconnus au départ, ce qui conduit à de l’incertitude quant à l’objectif même du processus ; [ensuite] du fait de l’appartenance des acteurs de la conception à des mondes différents, la confiance n’est souvent pas instaurée et donc les intérêts ne sont pas nécessairement partagés » (Pascal, 2006 : 182).

« La temporalité des situations de conception : convergence et irréversibilité » : Midler explique que « la temporalité des situations de conception s’inscrit dans un temps historiquement situé et borné entre le début et la fin annoncée du projet ». Suivant cette logique, l’auteur note au début de la phase de conception un fort degré de liberté d’action des acteurs sur le projet de conception. Au fil du temps, le projet évolue : on sait avec plus de précision ce qu’on veut construire, pour qui, et dans quel but. Par conséquent, l’auteur souligne que, plus le niveau de connaissances sur le projet de conception est important, moins la marge de manœuvre des concepteurs est importante. Ceci pousse l’auteur à employer le terme « irréversible ». Comme le souligne Garel (2003), la conduite d’un projet consiste à

36 Midler explique que Simon (1991) a « défini les sciences de la conception par leur intérêt pour les objets

« artificiels », ceux qui devraient être pour répondre à des buts, par opposition aux sciences naturelles, qui cherchent à comprendre les lois des objets qui existent dans la nature ». (Midler, 1996 : 65).

faire des choix. Ces choix de conception, même s’ils demandent un temps de réflexion, une fois validés, orientent le processus de conception de façon quasi définitive.

Le caractère unique et singulier de chaque situation de conception : pour Midler, la singularité de la situation de la conception est à comprendre en comparaison avec les autres activités d’une organisation. Le caractère unique et singulier renvoie aux différentes structures-types de projet37 (Garel, 2003). Par exemple, dans le cas d’un modèle de projet dit « sorti », les équipes sont sorties de leurs directions fonctionnelles le temps du projet. Il y a alors création d’une situation particulière qui « permet de trouver un compromis là où l’affirmation des règles universelles fondatrices des identités professionnelles dégénérerait en conflits frontaux de logiques : c’est parce qu’on est dans un cas particulier que l’on peut trouver plus facilement un arrangement » (Midler, 1996 : 68).

L’espace de la conception est « ouvert et fluctuant » : comme nous l’avons dit précédemment, les activités de conception ne doivent pas être isolées, mais en lien avec un contexte, en interaction avec les autres départements d’une organisation pour le cas d’une conception in situ.

Cependant, Midler ne s’interroge pas sur l’évolution possible des activités et situations de conception dans le temps. De ce fait, il ne donne pas véritablement d’outils d’analyse permettant de comprendre les dynamiques internes qui s’opèrent au sein de la sphère des concepteurs et garantissent in fine l’acte de création. Les propositions théoriques faites par Hatchuel (1994, 1996) permettront de répondre à cela.

37 Il existe différentes structures –types de projets (modèle de projet « sorti », modèle de la facilitation ; modèle de la coordination ; le modèle matriciel). Nous ne rentrerons pas dans le détail, nous renvoyons le lecteur aux travaux de Garel (2003) et Asquin et Alii (2005).

2.1.2

La définition du processus de conception à partir du rapport de

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