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Chapitre 2. Cadre théorique

2.1 Le concept du curriculum : définitions et considérations épistémologiques

2.1.3 La vision en éducation

Il n‘est pas aisé de donner une définition exhaustive et unanime du concept de vision qui, d‘après nous, relève de pensées prophétiques. Cet exercice est un défi. Il vise à construire des scénarios du futur que l‘on ne

connaît ou ne maîtrise pas le présent et le passé généralement très complexes. Que ce soit des activités impliquant une planification annuelle dans laquelle le présent façonne le futur, les activités qui concourent à la construction de la vision sont toujours guidées par le futur pour bien façonner le présent, un présent transformé en idéal typique.

Le développement de la vision a été amorcé de différentes manières afin de comprendre la société qui porte, partage et utilise les connaissances comme facteurs de promotion des valeurs et de prospérité, d‘où les sociétés du savoir (Knowledge society), les sociétés de l‘information (Informational Society) et les sociétés d‘apprentissages (Learning Society) (Rajput, 2010). Ces expressions sont devenues courantes dans le langage contemporain de communication scientifique. La vision en éducation peut être comprise en ces termes :

Education of children will have to be examined in their specific context. The learning needs of the children in [...] rural areas and in urban areas would have to be met with strategies that would be appropriate to the situation and as such would differ vastly and widely.

Issues of equity, equality would become very prominent. In a learning society none will tolerate being ignored or deprived of their right to a fair chance and equality of opportunities. The competition shall have to be transparent and honest.

Favoritism, nepotism, corruption and other such practices, having reached their nadir, shall be resisted vehemently and violently. The content of education shall no longer be determined centrally. There would be greater pressures from various sectors to develop content, learning and materials that would meet their requirements and needs.

Issues which are emerging facts as areas of concern like energy, environment, pollution, land degradation, drinking water, health and sanitation, malnutrition, mental and physical stresses emerging out of life styles and other would be had to find appropriate response in the process of learning and skill development. (Rajput, 2010 : 11)

Delors (1996) voit beaucoup d‘espoir dans l‘enseignement secondaire, même si celui-ci peut susciter quelques critiques sur la généralisation des contenus de matières enseignées. Pour les familles et les élèves, « l‘enseignement secondaire est la voie d‘accès à la promotion sociale et économique. Il est un processus qui doit se poursuivre tout au long de la vie […]. Sous la pression des exigences du marché du travail, la durée de la scolarité tend à s‘allonger » (Delors, 1996 : 138). Dans cette optique, Delors actualise les quatre piliers de l‘éducation, soit apprendre à connaître, apprendre à faire, apprendre à vivre ensemble et apprendre à être (Delors, 1996 : 92). Cette vision de l‘éducation aide à orienter notre réflexion sur la vision du curriculum d‘enseignement au Sud-Kivu.

Dans le souci de développer un modèle du processus du développement du curriculum d‘enseignement secondaire adapté au contexte d‘après-guerre Sud-Kivu, référons-nous au modèle déjà développé par Lang, Day, Bünder, Hensen, Kysilka, Tilema et Smith (1999) pour construire le cadre conceptuel du développement du curriculum professionnel des enseignants. Ce modèle, décrit par Berhens (2007), présente deux contextes

permettant d‘orienter le choix du modèle conceptuel du processus de développement du curriculum à développer dans le cadre de cette étude :

[1] dans un contexte d‘imposition d‘une réforme, le développement professionnel est conçu comme se réalisant d‘abord à travers les formations organisées. La plupart du temps, les contenus et les méthodes de formation sont définis par rapport aux objectifs (souvent contradictoires) des réformes, sans tenir compte des besoins réels, des habitudes et de la culture enseignante.

[2] Dans un contexte valorisant les innovations locales allant dans le sens d‘une réforme curriculaire, les enseignants se développent professionnellement à travers des projets qu‘ils construisent individuellement et collectivement; les collaborations sur des innovations pédagogiques suscitent une pratique réflexive. (Lang et al. 1999, cités par Behrens, 2007 : 85-86)

Le modèle de Lang et al. a été appliqué dans des pays anglo-saxons en établissant un lien entre le type d‘imposition d‘une réforme et les modalités privilégiées de développement professionnel des enseignants. Il semble que dans les pays francophones, les pouvoirs publics privilégient massivement l‘organisation de formation à la carte alors qu‘une dynamique de développement professionnel repose sur un développement individuel de projets et d‘exploitations de ressources (Behrens, 2007). Dans ce contexte, les enseignants se développent professionnellement à travers des projets qu‘ils construisent individuellement et collectivement (Behrens, 2007).

Nous allons tenter d‘appliquer, dans le contexte du Sud-Kivu, les principes de ce modèle pour valoriser des acteurs d‘enseignement et des bénéficiaires dont leurs projets constituent « des innovations locales allant dans le sens d‘une réforme curriculaire », comme le précise (Behrens, 2007 : 85). Le schéma suivant s‘en inspire et illustre le processus du développement du curriculum de formation.

Figure 2. Design du cadre conceptuel du développement du curriculum d’enseignement

La figure 2 cartographie le cadre conceptuel du processus de développement du curriculum d‘enseignement. En haut se situent la vision, le lieu de conception et en bas, le champ des pratiques de la mise en œuvre de la vision. À gauche réside la zone des situations d‘application du curriculum prescrit dans la situation d‘enseignement-apprentissage. À droite, on retrouve la zone de transfert des compétences développées en situation d‘enseignement-apprentissage.

Les flèches à double sens indiquent la réciprocité qui doit exister entre les composantes du curriculum. Cette réciprocité implique une bijection entre les éléments qui relient les visions et les pratiques de mise en œuvre pour maintenir la cohérence curriculaire. Dans un contexte valorisant les compétences évaluées, celles-ci doivent être transférées en situation professionnelle, le lieu des innovations locales allant dans le sens des axes de développement curriculaire.

Les compétences évaluées en situation d‘enseignement-apprentissage sont donc des compétences mobilisables pour répondre aux besoins en situations professionnelles. Les élèves développent leur curriculum en situation professionnelle à travers des projets qu‘ils construisent individuellement et collectivement. Ici, ce sont les collaborations entre milieu de pratique professionnelle ou de stages et milieu d‘enseignement qui créent les conditions flexibles de transfert des compétences dans la vie pratique. On notera que les flèches

vont dans les deux sens. Ils indiquent la réciprocité entre le curriculum évalué et le curriculum transféré en situation professionnelle, le lieu de réalisation des projets de vie.

Bref, le processus du développement du curriculum s‘opère à travers des projets de développement des compétences réalisés en situation d‘enseignement-apprentissage. Les compétences, une fois évaluées en rapport avec le curriculum prescrit, rendent compte du fait que les projets réalisés par les élèves reflètent les finalités éducatives ou qu‘ils sont conformes à ce qui a été pensé par le concepteur du curriculum. La conformité permet de déduire que le curriculum répond au besoin pour lequel il a été conçu et élaboré. Si la vision a été réaliste, il importe qu‘un suivi ou un regard en arrière dans le processus du développement soit nécessaire pour identifier le problème, d‘où l‘importance des flèches à double sens indiquant la réciprocité. Ce regard en arrière permet de rendre compte des obstacles à balayer dans la démarche curriculaire.

Par rapport à la préoccupation de l‘étude, nous soutenons que le curriculum d‘enseignement se développe dans une cohérence interne qui devrait toujours exister entre ses différentes composantes à ses divers niveaux. Quant à ses composantes, Grahay, Audigier et Dolz, (2006) citent Glatthorn (1987) pour distinguer le curriculum prescrit ou Recommended Curriculum, le curriculum officiel ou Written or mandatory curriculum, le curriculum matérialisé (dans le manuel ou dans le matériel didactique) ou Supported Curriculum, le curriculum enseigné ou Taught Curriculum, le curriculum évalué ou Tested Curriculum, et le curriculum appris ou Learned Curriculum or Attained curriculum (Grahay, Audigier et Dolz, 2006 : 16).

À travers cette section, nous pouvons retenir que le concept du curriculum est porteur de la vision qu‘une société souhaite promouvoir. Les activités qui concourent à la construction de cette vision sont guidées par le futur pour bien façonner le présent, un présent transformé en idéal typique. Cela nous amène à saisir le curriculum comme une somme d‘expériences à développer dans un cheminement scolaire pour offrir une vision d‘ensemble au programme et à la société. Ces aspects du curriculum amènent à clarifier la différence entre programme et curriculum.