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Chapitre 2. Cadre théorique

2.4 La vision systémique

2.4.4 Les principes de base de l‘approche systémique

Trois principes de base de l‘approche systémique orientent le cadre d‘analyse de notre recherche : le principe de la globalité, le principe de la pertinence et le principe de la finalité.

2.4.4.1 Le principe de la globalité

La conception systémique est essentiellement une manière d‘aborder les phénomènes dans leur globalité, en accordant une attention particulière aux interactions ainsi qu‘à leur interdépendance avec d‘autres phénomènes. Se référant à Lemoigne (1977), Tardif, Desilet et Paradis (1992) soutiennent le principe selon lequel le cadre systémique accorde la priorité aux interactions. Ce principe s‘oppose à celui de la réduction, caractéristique de l‘approche mécaniste. Le principe de la globalité signifie « qu‘il faut considérer l‘objet à connaître comme une partie immergée et active au sein d‘un grand tout. Le percevoir d‘abord globalement, dans sa relation fonctionnelle avec son environnement sans se soucier outre mesure d‘établir une image fidèle de sa structure interne » (Lemoigne 1977, cité par Tardif, Desilet et Paradis, 1992 :17).

En parlant de la globalité de l‘approche systémique, ces auteurs paraphrasent De Rosnay (1975) et insistent sur la très grande importance de considérer un système dans sa totalité, sa complexité et sa dynamique. Selon cette conception, « un système ne peut être réduit à la somme de ses éléments, et la notion d‘interaction est la pierre angulaire de la compréhension et, forcément, du contrôle de tout système. Une telle conception a des retombées sur la pédagogie » (Tardif, Desilet et Paradis, 1992 : 17). La conception systémique conduit à un enseignement pluridisciplinaire. La formation ne peut être réduite à la logique de la discipline, ni selon une séquence prédéterminée de présentation des divers contenus disciplinaires, mais plutôt selon une logique de profession. Ce sont les compétences qui guident la prestation de l‘enseignement, l‘évaluation des apprentissages de même que la certification. En s‘appuyant sur Morin (1988), pour qui, dans la logique de la globalité, la compétence devient « l‘opérateur » des objectifs de formation, ces auteurs (Tardif, Desilet et Paradis, 1992) soutiennent que dans le cadre systémique, la globalité recouvre le principe de la

contextualisation et de la construction guidée du cadre constructiviste. Ainsi, dans la formation professionnelle, la conception systémique conduit progressivement les étudiants à la maîtrise de la complexité et de l‘interdépendance.

Dans le contexte de cette étude, le principe de globalité permet de considérer le curriculum d‘enseignement secondaire technique et professionnel au Sud-Kivu comme une partie intégrante et une des composantes du Curriculum national de l‘enseignement en RDC. Dans cette logique, ce principe encadre la compréhension des relations fonctionnelles du système scolaire du Sud-Kivu avec d‘autres sous-systèmes sociaux : des organisations et des institutions qui composent la macrostructure éducative et sociale. Il est donc fondamental que le développement du curriculum de l‘enseignement technique et professionnel soit cohérent avec cette caractéristique des systèmes pour contribuer directement au développement d‘une vision systémique globale de l‘enseignement en contexte d‘après-guerre.

2.4.4.2 Le principe de la pertinence

Se référant travaux de Bouchard et Plante (2002), Demeuse et Strauven (2006) rappellent que :

La pertinence correspond au lien de conformité entre les objectifs visés par l‘organisme et les besoins auxquels il doit répondre. Cette dimension impose donc une définition précise et opérationnelle des objectifs de programmes de formation et des besoins des individus du système. C‘est la première qualité du curriculum et de sa concrétisation : les intentions pédagogiques doivent répondre à des besoins clairement identifiés. (Demeuse et Strauven, 2006 : 201)

Le principe de pertinence conduit à l‘élagage des contenus curriculaires. Au fur et à mesure de la réalisation de la tâche ou de la résolution du problème, l‘enseignement introduit les connaissances requises par l‘activité en question. Les exigences de la réalisation de la tâche ou de la résolution du problème correspondent à des compétences dans le développement desquelles l‘enseignant reconnait sa responsabilité d‘intervenir directement et explicitement. Toutes les interventions sur les connaissances théoriques, notamment sur les caractéristiques et les composantes, portent sur des compétences nécessaires à la bonne conduite de l‘activité, à sa réussite (Demeuse et Strauven, 2006).

Dans cette optique, nous considérons l‘enseignement comme un processus d‘apprentissage sélectif de compétences, parce que plusieurs formations ne sont pas nécessairement requises à la formation professionnelle. Dans ce cadre, le principe de pertinence permet de rendre compte de réponses que le curriculum d‘enseignement secondaire apporte aux besoins émergents et aux attentes de la société. Ceci exige des acteurs d‘enseignement-apprentissage compétents, des spécialistes dans leur fonction de travail. C‘est par ses connaissances des compétences requises à la profession que l‘enseignant peut déterminer adéquatement la nature et l‘ordre des connaissances disciplinaires à présenter aux élèves et qu‘il prend la décision de laisser certaines informations qu‘il juge moins nécessaires à la formation.

2.4.4.3 Le principe de la finalité

Se référant à Le Moigne (1977), Tardif, Desilet et Paradis (1992) soutiennent que le principe de finalité s‘oppose à celui de la causalité dans le cadre conceptuel mécaniste sous le qualificatif de « téléologique » et déclarent qu‘il faut « interpréter l‘objet non pas en lui-même, mais par son comportement, sans chercher à expliquer a priori ce comportement par quelque loi impliquée dans une éventuelle structure » (Tardif, Desilet et Paradis, 1992 : 18). Ainsi, les interventions de l‘enseignant devraient être d‘abord axées sur la question de la fonction ou de la finalité. Les actions de l‘enseignant visent à ce que les étudiants puissent répondre avec certitude aux questions : à quoi l‘enseignement sert-il et pourquoi est-il nécessaire? Pourquoi apprendre telle matière plutôt que telle autre? Et, pour l‘enseignant, pourquoi enseigner quoi, à qui?

Dans le cadre de notre étude, la prise en compte de ce principe permet de répondre à la question de savoir si les finalités de l‘enseignement secondaire technique et professionnel sont atteintes en contexte d‘après-guerre du Sud-Kivu. Dans ce contexte, la pluridisciplinarité prend toute sa signification. Le principe de finalité permet d‘inscrire l‘intégration de nouvelles compétences au curriculum d‘enseignement technique et professionnel à la suite de l‘émergence de nouveaux besoins de la société provoquant chez les bénéficiaires des nouveaux intérêts d‘apprentissage, suscitant chez les acteurs d‘enseignement de nouvelles pratiques d‘enseignement- apprentissage, et chez les responsables de l‘éducation de nouveaux modes de gestion et de planification de l‘éducation. Pour rendre opérationnels tous ces principes systémiques dans le cadre de notre étude, nous appliquons la démarche de la méthodologie des systèmes souples.

Conclusion du chapitre 2

Dans ce chapitre, nous avons défini le cadre théorique dans lequel notre étude trouve son intelligibilité. Pour ce faire, nous avons défini le concept du curriculum. Nous avons présenté les courants théoriques influençant son développement. Nous avons présenté les paradigmes de recherche-action systémique qui nous ont conduits à la définition de la vision systémique.

En fait, c‘est le caractère polysémique et l‘aspect multidimensionnel, voire dynamique du concept de curriculum, qui a couvert la première section de ce chapitre. Le curriculum s‘explique par les multiples sens et significations qu‘on lui attribue. Son aspect multidimensionnel réfère aux diverses formes qu‘il recouvre, ce qui a permis de comprendre l‘objet du débat épistémologique sur ce concept : le curriculum est à la fois sujet et objet de lui-même. Il est un ensemble du système d‘éducation dont il fait partie et possède un caractère identitaire. Il est dynamique en ce sens qu‘il constitue un produit évolutif soumis aux progrès des connaissances réalisées dans les disciplines ou dans les secteurs de formation. Toutes ses dimensions puisent leurs racines dans les finalités du système d‘éducation, dans son histoire et dans une société donnée. Ses finalités, ses buts et son contenu sont, sans contredit, tributaires des besoins particuliers d‘une société.

Les grands courants théoriques philosophiques, sociologiques et pédagogiques ont permis d‘expliciter le concept de curriculum et de saisir ses considérations épistémologiques. À travers les courants philosophiques, nous avons appréhendé la vision que les gens ont de leur système d‘enseignement et la manière dont la philosophie influence le développement du curriculum. En tant que réflexion et de recherche sur l‘Homme et sur les valeurs de la société au cours d‘une période historique déterminée, les courants philosophiques nous aident à construire l‘image du type de personne à développer. Ainsi, nous sommes capables de répondre à la question curriculaire : Quel type d‘élève à former au terme de ses études dans une société aux prises avec des conflits et de guerres interminables? Plus spécifiquement, à qui s‘adresse le curriculum d‘enseignement secondaire au Sud-Kivu?

Les courants pédagogiques nous ont aidés à nous approprier la manière dont se construit le curriculum et à comprendre comment le développer, à l‘aide des pratiques enseignantes. Les courants sociologiques ont permis de comprendre que le curriculum est enjeu social et en quoi il contribue aux changements sociaux. Compris comme une construction sociale, le curriculum s‘élabore à travers l‘expérience des acteurs. Dans ce processus de construction, il participe à la transformation des rapports sociaux des membres d‘une société. Étant porteur de la vision d‘une société, le curriculum participe aux changements de mentalités, de manières de faire, d‘être, d‘agir et d‘interagir. Dès lors, le curriculum définit les rapports sociaux entre enseignants et élèves. C‘est dans cette dernière mouvance des courants sociologiques que l‘interactionnisme symbolique nous a semblé pertinent à plus d‘un titre dans cette étude.

Étant donné que nos objectifs de recherche consistent à comprendre les visions et les rôles des acteurs dans le développement du curriculum, la lecture de l‘interactionnisme symbolique a permis une fois de plus de comprendre le sens que les acteurs accordent au curriculum d‘enseignement et, comment, à partir de leur expérience partagée en contexte d‘après-guerre, émerge des visions d‘une démarche de construction d‘un curriculum d‘enseignement. Les sens que les acteurs d‘enseignement accordent au curriculum émergent de leurs expériences professionnelles, comme élèves, enseignants, préfets des études, inspecteurs à travers lesquelles se construisent leurs visions globales de l‘éducation. Ce qui nous amène vers une vision systémique du développement du curriculum où nous faisons une intégration de deux courants qui font appel à la systémique et à l‘interactionnisme symbolique, intégration qui tient compte de méthodes de gestion de changements, de production des connaissances et de l‘utilisation des nouvelles connaissances. Les praticiens qui ont pour tâche l‘élaboration et l‘évaluation du curriculum doivent composer avec des visions et des théories multiples. Dans la méthodologie de cette recherche, nous reconnaissons cette situation complexe où il faut concilier le discours et l‘action. Le chapitre suivant présente le cadre méthodologique.