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Chapitre 2. Cadre théorique

2.1 Le concept du curriculum : définitions et considérations épistémologiques

2.1.2 Le besoin en éducation

L‘idée de porter un regard particulier aux besoins correspond à ce souci de maintenir et de démontrer le lien d‘adéquation qui doit exister entre le curriculum et les besoins. Ce lien incarne aussi les valeurs que le curriculum doit développer et promouvoir dans la société. À ce sujet, Demeuse et Strauven (2006 : 45) écrivent que : « c‘est l‘émergence de besoins en matière d‘enseignement ou de formation qui motive

l‘élaboration d‘un nouveau curriculum ou le réaménagement d‘un curriculum en place. » Dans cette même optique, Depover et Noël (2006) rappellent que :

Il est habituel de situer l‘origine du curriculum dans les besoins et les demandes auxquels un système éducatif doit répondre à un moment donné de son existence, mais en réalité, si on pousse plus loin la réflexion, on est rapidement amené à constater que les besoins et les demandes sont eux-mêmes directement liés aux valeurs. En effet, les besoins et plus encore les demandes qui apparaîtront en matière d‘éducation sont conditionnés par l‘existence de certaines valeurs. (Depover et Noël, 2006 : 13)

Selon ces auteurs, l‘origine du curriculum se situe dans les besoins et les demandes auxquelles un système éducatif doit répondre à un moment donné de son existence. Depover et Noël (2006 : 15) poursuivent en montrant que « les besoins et demandes peuvent se traduire directement en objectifs de formation ou en compétences ». Pour qu‘une demande en matière d‘éducation soit exprimée, il faut que le développement de connaissances soit considéré comme une valeur. Le contenu du curriculum est tributaire des besoins particuliers identifiés de façon continue auxquels le curriculum s‘efforce de répondre efficacement. C‘est en fonction de la reconnaissance de certaines valeurs qu‘une situation sera jugée beaucoup plus désirable qu‘une autre, car les valeurs interviennent à différents niveaux au sein d‘un curriculum. Les valeurs influencent les finalités de l‘enseignement et permettent que certains besoins émergents soient pris en compte. Cette influence est d‘une importance capitale dans les politiques éducatives en ce sens que les valeurs contribuent à privilégier certaines options plutôt que d‘autres. Les valeurs sur lesquelles repose un système éducatif se traduisent au niveau de référentiels de compétences, sous forme d‘une liste d‘attitudes à promouvoir dans un certain nombre de situations particulières (Depover et Noël, 2005).

Pour définir le besoin, Depover et Noël (2005) s‘appuient sur les travaux de Kaufman (1972) en référence à la notion d‘écart. Ils avancent qu‘un besoin correspond à l‘écart mesurable qui existe entre « ce qui est », la situation actuelle, et « ce qui devrait être », la situation désirée. Ils vont encore plus loin en montrant que, « pour mettre en évidence l‘écart, donc l‘étendue du besoin, il faudra établir un constat par rapport à la situation actuelle, mais aussi être capable d‘imaginer ce que pourrait être la situation désirée » (Depover et Noël, 2005 : 38).

Pour leur part, Demeuse et Strauven (2006) soutiennent que, pour appréhender ce que recouvre la situation désirée, il sera souvent utile de faire référence à la notion de valeurs. Afin d‘éviter toute confusion lorsqu‘on parle de besoins en éducation et en formation, ces auteurs distinguent les besoins des acteurs et les besoins liés au fonctionnement de l‘institution.

Les besoins des acteurs sont des besoins liés à leurs stratégies, à leurs personnalités et à leur histoire, au fonctionnement quotidien, aux interactions de natures diverses, aux enjeux et projets tandis que les besoins de l‘institution concernent les écarts liés aux missions de l‘institution, à son organisation, aux dysfonctionnements et de

rentabilité, à l‘évolution des métiers. Ils reflètent les enjeux de l‘institution. Ils sont souvent exprimés en termes de « il faut répondre à ... » (Roegiers, 1993, cité par Demeuse et Strauven, 2006 : 45)

Il y aurait donc besoin lorsque les acteurs signalent ou, au moins perçoivent, un écart entre la situation attendue et la situation vécue (Demeuse et Strauven, 2006). Cette insatisfaction peut concerner les acteurs personnellement ou l‘institution d‘enseignement ou de formation. Par exemple, les enseignants du primaire peuvent se plaindre du manque de directives du curriculum concernant les stratégies pédagogiques à mettre en œuvre ou du volume des apprentissages à installer compte tenu du nombre de jours que compte l‘année scolaire. Dans un tel cas, ces auteurs conseillent de faire émerger des représentations mentales ou des référents sous-jacents des acteurs, de les confronter afin de dégager, à travers des formulations différentes, convergentes ou non. Ils suggèrent diverses procédures pour réaliser le recueil de besoins. Ils conseillent d‘organiser et de procéder par les techniques suivantes :

Groupe de travail, enquêtes, interrogations de personnes-ressources, travail de commissions, consultations de rapports ou d‘études, mais il est toujours utile de varier les moyens et les sources d‘informations, de donner à chacune des parties concernées l‘occasion de s‘exprimer en toute liberté, d‘obtenir une image la plus représentante possible de la situation ou des représentations que s‘en font les personnes interrogées et d‘effectuer des regroupements entre les points de vue récoltés. (Demeuse et Strauven, 2006 : 47)

Cette logique a inspiré la démarche de cette recherche dans le processus de recueillir les perceptions des acteurs, des bénéficiaires et des responsables du curriculum d‘enseignement. C‘est dans cette veine que Lenoir (2006) souligne qu‘une théorie du curriculum vise à rendre cohérente la structuration conceptuelle qui porte sur les questions concernant le quoi et le comment de l‘enseignement. Lenoir (2006) explicite sa pensée en montrant que :

Le « quoi » inclut la socialisation des élèves. Quant au « comment », il se réfère à l‘analyse de la mise en œuvre du curriculum à travers les pratiques d‘enseignement. Il établit une distinction entre « pratique enseignante » et « pratique d‘enseignement ». La première, la pratique enseignante, inclut l‘ensemble des gestes et des discours de l‘enseignant en classe, mais aussi toutes les autres situations en relation avec son action professionnelle. La seconde, la pratique d‘enseignement, se définit comme un ensemble d‘activités gestuelles et des discours opératoires singuliers et complexes. (Lenoir, 2006 :112)

Grosso modo, nous venons de voir à travers ces définitions que le curriculum est une réponse aux besoins de la société et, pour être plus exact, aux besoins d‘une société. Il offre sa vision d‘ensemble. Étant donnée la place de la vision au cœur même du curriculum, il est pertinent d‘examiner ce que recouvre la vision en éducation.