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Chapitre 2. Cadre théorique

2.4 La vision systémique

2.4.1 Définition

L‘approche systémique est holiste par sa nature. Elle oriente l‘expertise des macro-phénomènes vers les relations à la fois causales et significatives. Dans cette logique, Ouellet (1993) affirme que l‘approche systémique consiste à réunir des ensembles d‘informations dans un cadre de référence à la fois concret et abstrait et à préciser le but du système (Paquette, 1998 : 6).

Par ailleurs, Thierry Karsenti et Lorraine Savoie-Zajc (2004) s‘inspirent de Legendre (1993) et définissent l‘approche systémique comme « une méthode d‘analyse et de synthèse prenant en considération l‘appartenance à un ensemble et l‘interdépendance d‘un système avec les autres systèmes de cet ensemble. Elle englobe la totalité des éléments du système ainsi que leurs interactions et leur interdépendance. L‘approche systémique se veut une approche souple, qui peut faire appel à des procédés intellectuels variés,

et qui s‘applique à des niveaux diversifiés. Elle permet parfois de découvrir le fonctionnement réel d‘un système, la nature de ses objectifs, sous le fonctionnement apparent et derrière les déclarations d‘intention (Karsenti et Savoie-Zajc, 2004 : 264).

À la limite et malgré son apparence purement opérationnelle, l‘approche systémique peut s‘avérer un instrument efficace d‘analyse idéologique d‘un système éducatif donné. Elle permet de décomposer et d‘identifier, parfois très finement, les différents éléments d‘une situation complexe, de les situer dans un processus d‘ensemble et, par conséquent, de préparer l‘intervention modificatrice et de calculer avec une précision suffisante les conséquences envisageables (UNESCO, 1976).

Dans son article « The Relationship of Systems Thinking to Action Research », Flood (2010) montre le développement de la pensée systémique à travers la recherche-action. Il souligne deux courants d‘idées qui ont conduit aux différentes conceptions globales de ce type de recherche. Le premier courant met l‘accent sur le système social réel qui existe dans le monde. Le second suppose que la construction sociale du monde est systémique. Sa recherche montre qu‘au 20e siècle, la pensée systémique émerge avec une pensée critique du

réductionnisme. Le réductionnisme de la connaissance comprend les phénomènes en les décomposant en leurs parties constituantes pour étudier le plus simple élément en termes de cause et d‘effet. La pensée systémique conçoit le monde comme organisé en système : les phénomènes sont compris comme des propriétés émergentes d‘un Tout interrelié, le Tout étant plus grand que la somme de ses parties.

La pensée systémique accorde de l‘importance aux relations entre les composantes d‘un système, au lieu de les considérer isolément. Cette pensée réfléchit à l‘ensemble plutôt qu‘aux parties en prenant en compte le contexte, les conditions ou l‘environnement étudié pour appréhender le système global. Ainsi, Flood (2010) distingue trois générations de développement de la pensée systémique.

La première génération date du Siècle des Lumières. Elle considère que tous les systèmes sont matériels. La recherche se focalise sur les mécanismes du fonctionnement de la nature. La nature assemble ses éléments dans les systèmes complexes sans âme ni volonté propre (machines). Les lois qui régissent leur fonctionnement sont immuables. Les rouages s‘imbriquent sans faille, peu importe l‘architecte du système. Cette génération est centrée sur les idées de structure, d‘information et d‘organisation. Le concept essentiel est « la régulation » (Flood, 2010).

La deuxième génération apparaît dans les années 1920 avec Bertalanfy et la « Théorie des systèmes vivants ». Cette dernière s‘intéresse aux systèmes biologiques qui, pour vivre, doivent échanger (nourriture, eau, gaz, information, etc.). Elle lance l‘idée de la théorie générale des systèmes (la cybernétique). Ces

systèmes sont autonomes et monopolaires avec une organisation hiérarchique pour relayer les ordres du centre du commandement. La principale caractéristique en est l‘homéostasie dont la finalité première est la survie. Les systèmes ont besoin d‘un feed-back et donnent naissance à des propriétés émergentes ou réductibles à leurs composantes (chimiques ou physiques). Jusqu‘aux années 70, ces deux premières générations de la systémique présupposent l‘existence objective des systèmes (Flood, 2010).

La troisième génération se développe dans les années 70. Les systèmes sont ouverts et s‘auto-organisent à travers les échanges. Cette génération remet en cause le postulat selon lequel le système serait en dehors de soi. Elle place le système dans la conscience (représentations) de celui qui l‘observe; constituant une « carte mentale systémique » dont se sert l‘observateur pour comprendre la réalité. Ce changement de perspective conduit à s‘intéresser désormais aux constructions mentales dans la « boite noire » (Flood, 2010).

La systémique de la troisième génération développée par Checkland (1981) est spécifiquement adaptée aux systèmes sociaux. Elle est à l‘origine d‘une nouvelle approche basée sur la multipolarité et sur de nouveaux outils conçus pour faciliter le pilotage des organisations en vue de faire émerger des visions stratégiques. Elle intègre deux concepts essentiels : la communication et le contrôle. L‘élaboration des visions à travers ces deux concepts fait comprendre que le système, du moins de cette génération, a besoin d‘être critiqué pour s‘améliorer.

Genelot (2011 :126) résume la vision systémique dans les 5 questions à se poser pour guider la modélisation systémique (ICARÉ) qu‘il traduit par :

Intention : Quelles sont les finalités, les raisons d‘être, de ce qu‘on entreprend?

Contexte : Qui est concerné par ces finalités? Quelles sont les parties prenantes? Quels sont les enjeux? Quel est le lien avec l‘environnement? Quelle est la « clôture opérationnelle » du système?

Action : Quelles sont les activités à conduire et les fonctions à remplir pour aller dans le sens des finalités?

Régulation : Quelles régulations, quelles interactions, doit-on assurer pour que les fonctions concourent ensemble

aux finalités?

Évolution : Que doit-on faire pour maintenir au fil du temps ces régulations présentes avec l‘évolution de

l‘environnement?