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1.3   Dispositif d’intégration des étrangers : marques d’aménagement structurel et social 34

1.4.2   Visibilité des pratiques langagières plurilingues : quand l’afflux d’informations change la donne linguistique 43

Un autre élément qui concerne l’aménagement urbain, abordé indirectement par l’article 11. LLC, Olang. est la transmission de la langue d’origine. L’organisme mandaté pour ce développement rassemble les ambassades des pays d’origine ou les associations en charge des cours de langue et culture d’origine (ELCO). La municipalité admet et reconnaît que l’apprentissage de la langue du pays d’accueil est facilité, pour les migrant-e-s, lorsque l’accès à la langue et à la culture du pays d’origine est valorisé. Le financement et l’organisation de ces cours sont du ressort des

Niveau  Confédérabon  

• La  Loi  fédérale  sur  les  étrangers  (LEtr  

2008)  et  L’ordonnance  sur  

l’intégra4on  des  étrangers  (OIE),  Art.   4  

• En  lien  avec  les  langues,  cehe  Loi  fixe   des  règles  jugées  nécessaire  en   majère  d’intégrajon  comme  par   exemple  la  connaissance  de  la  langue   parlée  localement  ou  un  

comportement  adéquat  à  la  société,   aux  valeurs  et  aux  normes  suisses.   • Suite  à  ces  exigences,  l’obtenjon  des  

permis  peut  être  condijonnée  au   suivi  des  cours  de  langues  ou   d’intégrajon  des  étrangers.     • Cons4tu4on  fédérale,  Art.  70     • Loi  fédérale  sur  les  langues  

na4onales  et  la  compréhension  entre   les  communautés  linguis4ques,  LLC,   2008  :  Art.3,  Art  16  

• L’ordonnance  (LLC,  Olang)  4.06.2010  

Art.11    

• CDIP-­‐  recommanda/ons  1991  pour  les  

élèves  migrants    

• Objec/fs  de  l’école  CIIP  (Conférence  

intercantonale  de  l’instruc/on   publique),  2003.  

• HarmoS,  Le  concorda  intecantonal,  

l'ar4cle  4  sur  les  cours  LCO  

Niveau  canton  VD  

• Loi  cantonale  sur  l’intégra4on  des  

étrangers  et  sur  la  préven4on  du   racisme  (janvier  2007)  

• Cons4tu4on  vaudoise  :  2003   • La  nouvelle  Loi  scolaire  (LEO),     • entrée  en  vigueur  prévue  pour  2013  

introduit  selon  HARMOS  l'ar/cle  sur   les  ELCO  

Niveau  commune  de  Lausanne   Niveau  individu  

• Pejt  guide  pour  favoriser  le   plurilinguisme  auprès  des  enfants  et   de  leurs  parents,  2010  

• Apprendre  à  Lausanne,  guide  

réactualisé  chaque  année  

• Individu:  

• devoir  de  suivre  des  cours  de  langue   locale  et,  si  échec,  sancjons  

ambassades, donc de la politique extérieure à la ville38. Les cours de langue et de culture d’origine

nous semblent être plutôt un objet alibi ou un objet prétexte qu’une réelle promotion du plurilinguisme. Ce qui nous intéresse ici est de montrer quels sont les moyens déployés par la ville pour échanger avec des populations d’origine étrangère. La collectivité, favorise-t-elle la langue d’autrui pour ses propres intérêts, à savoir dans le but d’être comprise et de passer sa propre information ou développe-t-elle des stratégies pour créer des liens avec autrui en utilisant le plurilinguisme comme moyen d’identification possible de certains groupes à son identité plurielle ? Les attitudes langagières à observer sont la distribution des messages aux étrangers avec une traduction systématique dans une dizaine de langues. Donc, la ville insiste sur la valorisation de la langue maternelle, tout en affichant sa volonté et celle de la Confédération d’amener les individus à apprendre la langue locale. Des moyens importants (financiers et structurels) sont mobilisés en conséquence pour informer les migrants à leur arrivée sur le fonctionnement de la vie locale, sur les cours de langues. La ville dresse donc un véritable programme d’accueil avec ses brochures d’information présentant les grands thèmes de la vie quotidienne (école, travail, santé, etc.). Cette brochure de quarante pages est traduite en neuf langues (allemand, italien, anglais, portugais, espagnol, serbo-croate, albanais, tamoul et somali).

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Sur le plan fédéral, une clause de l’harmonisation cantonale (art. 4 d’HarmoS), reprise par la Loi scolaire cantonale est en vigueur depuis 2013. Cet article introduit les ELCO comme l’un des éléments constitutifs du parcours des élèves à l’école. C’est aux cantons ensuite de suivre et de l’appliquer en posant les enjeux et les véritables passerelles entre les pratiques en langue « première» des élèves, sachant que de nombreux décalages et tensions persistent entre ces deux enseignements. Avec la crise actuelle trois pays sont menacés par la disparition de ces cours : l’Italie, l’Espagne et le Portugal.

Voici, à titre d’exemple, quelques brochures plurilingues

Figure : plaquettes et brochures plurilingues sur la ville

La première brochure annonce les cours de français en les présentant par un message plurilingue « J’apprends le français » à Vidy-Plage (un dispositif mis en place durant trois étés successifs). Une observation de l’édition 2010 est l’objet d’analyse dans notre partie empirique. La deuxième brochure est traduite en chinois à l’occasion des Jeux olympiques réalisés en Chine : elle présente la ville de Lausanne en qualité de capitale olympique39. Et la troisième est un exemplaire (ici en

tamoul) de la brochure « Vivre à Lausanne » traduite en neuf langues.

D’autres langues encore « vivent » dans la ville, même s’il s’agit de pratiques plus discrètes. Elles apparaissent sous forme écrite et orale. On trouve les écrits plurilingues sur les produits provenant de pays lointains destinés à une distribution globale dans les pays occidentaux et visant le public des migrants mais aussi des habitants locaux qui ont développé de nouvelles attitudes dans le secteur alimentaire. Ces importations des produits depuis les pays d’origine sur le sol suisse contribuent à la transformation du paysage linguistique et social. En important divers produits en Suisse et en Europe, les migrants œuvrent indirectement pour la promotion du tourisme et de l’économie de leurs propres pays. Selon Cattacin & La Barba (2007 :16), il existe une volonté des associations de migrants de donner à leur identité une légitimation par la qualité des produits

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Cette brochure de la ville en chinois a été contextualisée l’été 2008 durant les Jeux Olympiques de Pékin. Il est clair qu’il s’agit ici d’une dimension économico-touristique renvoyant au Siège de Lausanne de cette manifestation mondiale.

Plaquehe   plurilingue   des   cours   de  langue  à  Vidy,  2010  

Brochure   en   chinois   sur   la   ville   de  Lausanne,  2008  

Brochure:  Vivre  à  Lausanne  (une   de  neuf  tracjons:  ici  tamoul)  

importés. Ces derniers sont exposés dans les vitrines de la ville et rendent visible la circulation des biens matériels mais aussi la circulation des images présentes dans le paysage urbain sur l’étranger et sur l’utilisation de ces produits par des habitants locaux, dont certains approchent l’étranger par les goûts et les recettes, la musique et les habitudes vestimentaires40.

Les pratiques orales plurilingues sont repérables presque partout : dans les conversations avec les téléphones portables, lors des échanges dans les bus, dans la rue, dans les associations privées, à la maison ou même dans les institutions publiques. Nous illustrons par quelques photos ces pratiques plurilingues qu’il s’agisse de celles que l’on trouve sur les produits alimentaires venant de différents pays (produits turcs avec des inscriptions en allemand, anglais, vietnamien, thaï, serbe) ou de celles des publicités et journaux que l’on trouve dans les kiosques. Ce sont des illustrations des métissages avec des pratiques exogènes, semblables à celles que l’on découvre dans d’autres villes modernes.

Photos des traces plurilingues dans le paysage urbain lausannois

Il y a parfois des modes par vagues pour des exotismes différents. Actuellement, c’est la cuisine japonaise qui est en vogue et qui rejoint celle de Chine, déjà en place depuis plusieurs décennies.

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Selon les témoignages des vendeurs des magasins asiatiques, les Européens sont des clients aussi fidèles que des compatriotes et achètent des produits connus lors de leurs voyages. On observe chez certains jeunes qui sont également à la découverte de la culture non-occidentale des habitudes vestimentaires leur servant à se distancier de leurs congénères en se rendant régulièrement dans certains magasins indiens ou ceux de l’Amérique latine pour s’habiller dans un style qui diffère de celui des jeunes d’ici.

Magasin  vietnamien:  galehes  de  riz  marquées  par  quatre   langues,  rue  de  Renens  

Photos des traces plurilingues dans le paysage urbain lausannois

Des langues étrangères sont donc présentes sur la place publique, plus au moins visibles et audibles (métro, bistro, rue, supermarché, etc.), sans être concentrées dans une zone précise de la ville : on les repère tant au centre-ville que dans la périphérie. On les entend plutôt à certains moments de la journée ou de la semaine (aux heures de pointe, les jours de congé comme le mercredi après-midi ou le samedi). Pendant les jours fériés, les Lausannois ont tendance à se retirer de la ville alors que la population étrangère y reste, en particulier en été, en occupant l’espace de Vidy, la plage du lac, marquée par des pratiques sociales comme les pique-niques en famille, les sports et la musique qui les accompagnent.

En outre, nous avons pu constater que divers facteurs économiques et politiques favorisent ou dévalorisent l’usage de certaines langues dans les espaces publics. Dans le cadre de la compétition économique et scientifique, certaines langues comme l’anglais prennent une place importante. Il se mélange parfois à d’autres langues moins bien cotées. Les supports de ces affichages (métallique ou simple papier) peuvent aussi signaler le statut et la place de la langue dans les lieux publics et communs.

Signaléjque  d’une  épicerie  japonaise,  rue  de  la  Louve.    

Photos des traces plurilingues dans le paysage urbain lausannois

Tous ces éléments marquent le paysage linguistique et social de la ville et complexifient son identité. Dans l’exemple du restaurant mexicain l’inscription plurilingue renvoie à l’espagnol « manana », au français « restaurant » rappelant son prestige de langue officielle et à l’anglais « tex-mex food and music » rappelant les rapports entre le Mexique et les USA. Le petit dessin de cactus est symbole par excellence du Mexique jouant sur des symboles à la fois familiers et exotiques. On pourrait donner énormément d’exemples semblables à celui-ci. Le terrain urbain se prête bien à ces productions métissées en tension. Nous limiterons ce type d’exemple à notre contexte, se satisfaisant des nombreuses recherches consacrées à l’étude du paysage linguistique dont Millet (1993). Par ces quelques exemples, on aimerait plutôt montrer que la communication dans l’espace urbain se fait en passant par des langues autres que les langues officielles. On constate qu’un nouveau mode de communication s’instaure dans la ville, une « langue » urbaine qui se base non seulement sur les signes différents mais aussi sur les images qu’ils véhiculent provoquant dans l’imaginaire du lecteur des représentations qu’il a sur l’autre et sur son environnement (social ou langagier).

Le facteur éducatif41 et touristique joue également un rôle dans les brochures, enseignes

touristiques, modes d’emploi, etc. avec un soin donné à la forme : des plaques, des résolutions

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C’est pourquoi, le Département de la formation et de la jeunesse s’adresse à ce public avec un dépliant en anglais en expliquant le système scolaire vaudois en anglais le joignant à d’autres schémas comparatifs de systèmes scolaires traduits dans les langues des élèves et destinés aux parents migrants. Voici la base du texte pour ce dépliant mis en ligne :

Publicité  d’une  auto-­‐école  signalant  les  tests   en  9  langues,  Rue  de  Genève  

Publicité  pour  une  école  de  langue  sur  une   plaque  métalique,  Rue  Mauborget  

Enseigne  plurilingue  d’un  restaurant   mexicain  (espagnol/français/anglais),  Place   Pepinet    

graphiques faites par des professionnels du domaine, par exemple la brochure en chinois citée plus haut. C’est un geste plus symbolique que fonctionnel car les locuteurs chinois sont très peu nombreux dans la ville42.

La politique migratoire de la Ville au cours des dernières années a fortement orienté son intérêt vers une certaine élite des pays de l’EU. Les ressortissants de ces pays trouvent, en principe, rapidement un travail par les voies officielles. Les cours de langue locale peuvent même être assurés pendant le temps de travail dans les grandes multinationales43

. Un autre mouvement est à observer : les personnes venant de pays « tiers » ont des liens familiaux ou amicaux dans les réseaux qui les aident à trouver un travail dans un environnement déjà constitué et parfois fermé aux autres ressortissants, ce qui fait qu’ils continuent à parler leur langue et à développer des compétences passives dans la langue locale. Étant insérées par ces réseaux sociaux, certaines personnes étrangères sont intégrées socialement, travaillent dans un contexte qui n’exige pas forcément de compétences linguistiques élaborées (cuisines, hôtel, bâtiment) et peuvent passer plusieurs années sans parler la langue locale et en développant des stratégies de communication fonctionnelle recourant parfois à une langue-tierce ou à des pratiques mixtes. Donc, dans les deux milieux aussi bien l’élite que, dans le milieu dit « populaire », on observe des phénomènes semblables :

• survalorisation d’une langue au détriment des autres langues, • insertion sociale qui peut passer par une langue tierce,

• cheminements d’une insertion progressive : appui sur des réseaux sociaux.

http://www.vd.ch/schooling. D’autres traductions existent au sein de l’école concernant le système d’évaluation(donc la performance visée avant tout). Elles présentent des schémas comparatifs, accompagnés de textes plurilingues, de systèmes scolaires des pays d’origine en miroir avec celui d’ici : http://www.vd.ch/fr/autorites/departements/dfjc/dgeo/ressources- pedagogiques/

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DA SILVA, P. R., (2007), La population chinoise en Suisse dans l’ère de la globalisation, Mémoire de Maîtrise en Démographie économique et sociale, Université de Genève. Les informations données par cette étude nous renseignent sur la population chinoise principalement estudiantine. Les étudiants chinois sont attirés par le label de qualité de l’éducation helvétique, mais aussi par le rôle de tremplin que jouent les écoles hôtelières suisses dans l’optique d’une immigration vers le monde anglo-saxon. Mais depuis l’année 2005 et la fermeture des frontières suisses aux non européens, cette population a diminué. Les restaurants et autres épiceries chinoises se sont multipliées ces dernières années et servent cette minorité, mais aussi un nombre important de touristes et d’habitants de la ville attirés par la cuisine et les produits chinois. Cette recherche souligne également que les étudiants n’ont guère le temps et peu l’intérêt de s’investir dans une vie communautaire, car ils sont occupés par leurs études et de petits boulots. Par ailleurs, les dialectes sont multiples au sein des Chinois de Suisse, cantonais et mandarin notamment, mais aussi vietnamien.

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Les enseignants travaillant avec ce public nous ont fait part du fait, que l’investissement dans l’apprentissage du français des expatriés n’est pas plus important que celui des immigrés ouvriers. Les migrants hautement qualifiés restent peu francophones malgré leur privilège de suivre des cours payés dans le cadre de leur service où la plupart du temps l’anglais sert de langue de communication et de langue de travail (ou de langue de scolarisation pour leurs enfants).

L’Office fédéral des migrations ODM a publié un Curriculum cadre pour l’encouragement linguistique des migrants (2010 : 10)qui rappelle l’importance de l’environnement social dans lequel le migrant évolue par rapport à l’appropriation de la langue. Il se réfère également au troisième pilier d’intégration qui est l’insertion par le travail qui, selon les exemples cités plus haut, touche également l’aspect langagier.

Après avoir exposé le contexte de la ville de Lausanne nous passerons à la définition de la problématique en soulevant plusieurs paradoxes et tensions se déroulant sur l’échiquier urbain : tensions politiques, temporelles, linguistiques menant aux paradoxes d’intégration.