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1.1   La ville de Lausanne : sa topo-­‐ démo-­‐ photo-­‐graphie 24

1.1.2   Démo-­‐graphie et l’évolution de la politique migratoire 25

Lausanne est la cinquième ville de Suisse, en termes de démographie. Elle est la capitale du canton de Vaud. Ce dernier a des frontières avec la France, les cantons de Neuchâtel, Valais, Genève, Fribourg et Berne. La ville de Lausanne est constituée de près de 40 % d’étrangers15 et

affiche son identité pluriculturelle comme l’une des quatre caractéristiques de son identité (les trois autres sont l’économie, le tourisme et les sciences). Lausanne compte 130000 habitants, 320000 avec l’agglomération, représentant 150 nationalités avec 80 idiomes différents16. Elle se

présente sur son site comme une ville cosmopolite et pluriculturelle. Les données sur les parcours,

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ZUPPINGER, U., (2012). Luttes-ô-Flon, Une reconversion urbaine lausannoise mouvementée de 1984-2012. Lausanne, Éditions d’en bas. Cet ouvrage retrace l’histoire du quartier du Flon, un espace branché en ce début de XXIe siècle marqué par de nombreuses transformations en passant par un caractère artisanal et industriel. Un espace vaste et très proche du centre problématique de la ville. Il a été objet des luttes urbaines pour sauvegarder un environnement urbain convivial.

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Pour situer ces chiffres dans le contexte historique, nous donnons les extraits des statistiques en 1910, plus de 100 ans avant nos jours : Lausanne compte à cette époque 66263 habitants dont 17155 étrangers. Dans : POLLA, L., Lausanne 1860-1910, (1974). Vie quotidienne, Payot Lausanne.

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Cette information se trouve sur le site de la ville de Lausanne, page intitulée : Lausanne une ville cosmopolite et

multiculturelle: www.lausanne.ch, Chiffres sur les quartiers de Lausanne, données par langue et par religion :

sur les mobilités linguistiques17 des migrants et sur les marques du particulier sont plus difficiles à

trouver dans les tableaux statistiques. Les chiffres nous renseignent plutôt sur les moyennes de l’évolution du flux migratoire. On ne sait pas non plus comment les personnes naturalisées annoncent leur appartenance nationale et surtout leurs langues. Il est probable que, dans les tableaux statistiques, une partie des locuteurs plurilingues se « perde » dans la colonne des francophones puisque certains annoncent le français comme langue principale.

Malgré des efforts et de nombreuses initiatives, l’intégration des étrangers reste un processus encore très complexe à mettre en œuvre. C’est un sujet qui alimente depuis plusieurs années les débats publics. Il est difficile d’évaluer si le cadre légal actuel, révisé en 2008, aide ou freine ces actions car il reproduit certains paradoxes déjà connus dans l’histoire de la migration. Les chercheurs Etienne Piguet (2004), Gérard et Silvia Arlettaz (2004) nous inspirent par leurs travaux montrant l’évolution des flux migratoires en parlant de différentes vagues d’arrivée des migrants. La question qui s’impose dans cette évolution de l’accueil est de voir quelle relation l’étranger entretient avec la ville et quelle est la perception de son statut de la part de la collectivité nationale, de la collectivité ville et de plus petits groupes sociaux ou institutions en charge de son intégration. L’analyse historique des flux et de la politique migratoire menée par les chercheurs cités plus haut permet de comprendre les mouvements politiques qui se succèdent ces derniers siècles en Suisse. Ce regard historique que nous empruntons à Arletta S&G (2004 : 168) aide à la lecture du développement économique, politique, social et physique de la ville. Son développement a suivi une tradition d’accueil, formulée dès le XVIe siècle. Cette tradition traversera le discours politique suisse et habitera l’imaginaire collectif jusqu’à nos jours. Les deux auteurs soulignent que cette tradition est intégrée à l’idéologie nationale dans le but de renforcer la cohésion du pays. Selon ces derniers, le regard s’est focalisé sur l’étranger en le considérant comme source des troubles sociaux, depuis l’augmentation du prolétariat au début du siècle passé. Certains revendiquent les différences religieuses comme antagonisme principal entre étranger et indigène. D’autres encore perçoivent les dissemblances sur le plan culturel, sur des idées morales et sur l’insécurité urbaine. Toutes ces représentations créeront un déséquilibre dans le sentiment identitaire par rapport aux qualités propres à la Suisse et à ses citoyens.

Les deux auteurs nous informent qu’à la fin du XIXe siècle, on observe deux mouvements migratoires : l’un qui va plutôt dans la perspective des grands départs des Suisses vers d’autres pays, provoqués par la baisse des prix agricoles et la modernisation industrielle, et l’autre mouvement marqué par l’arrivée des travailleurs immigrés d’Allemagne, de France et d’Italie, soit

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près de 15 % de la population suisse de l’époque. Les étrangers viennent travailler dans les métiers difficiles, dans la construction des chemins de fer. Les branches de l’industrie se diversifient (métallurgie, mécanique, aluminium, alimentation) et le tourisme connaît un essor à partir de 1850 grâce au développement du réseau des chemins de fer. Cette transformation induit des besoins accrus en main-d’œuvre étrangère. Les travailleurs immigrés participent à l’industrialisation et au développement du pays. La tradition d’asile et les valeurs d’entraide sont valorisées mais l’intérêt économique et le libéralisme prévalent. Les conditions de l’accueil se durciront progressivement. Selon Arletta S&G (2004), l’année 1914 sera l’année de rupture. La conception de la période précédente marquée par « l’assimilation » des étrangers et par l’encouragement de la libre circulation sera remplacée, petit à petit, par celle, de contrôle du flux migratoire.

Après la Première Guerre mondiale, le paysage politique de la migration changera. Alors que la gestion de l’immigration avant la guerre relevait des gouvernements cantonaux, elle s’oriente, après la guerre, vers le contrôle de la population étrangère par les autorités fédérales qui mettent en place une politique protectionniste et centralisatrice. Cette période est marquée par la mise sur pied d’un dispositif législatif reposant sur la crainte des étrangers. Une nouvelle Loi sur les étrangers est adoptée en 1931, caractérisée par la lutte contre la « surpopulation étrangère » (Überfremdung). Les étrangers sont considérés désormais comme des menaces qui pèsent sur l’ harmonie helvétique. L’Office central de la police des étrangers, installé déjà en 1917, considère dorénavant la politique migratoire comme un élément majeur de la défense nationale. L’affirmation en 1943 formulée en termes de « La barque est pleine » s’inscrit dans cette même logique de fermeture. 18 Des politiciens adopteront cette même logique par la suite, à partir de

1960, lorsque la Suisse connaîtra une nouvelle vague importante de travailleurs immigrés espagnols et italiens. Les politiciens qui se succèdent comme Schwarzenbach (initiative contre la surpopulation en 197219) et Blocher à partir des années 90, reprendront le discours d’avant-guerre

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À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Suisse se retrouve isolée à la suite de l'irritation des Alliés devant l’attitude de

ses autorités envers l'Allemagne et l'Italie pendant les années de guerre. Pour sortir de cet isolement, la politique étrangère du pays se focalise dans le domaine de l’aide humanitaire, en particulier par des actions caritatives envers les victimes de la guerre et par l'accueil de réfugiés ainsi que dans la promotion des organisations humanitaires. Le Conseil fédéral organise des conférences pour adopter des conventions sur la protection des victimes de guerre (en 1949 à Genève). Par ailleurs, la Suisse participe activement à l'élaboration de plusieurs organisations spécialisées de l'ONU, telles que la Cour internationale de justice, Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, l'organisation mondiale de la santé, OMS, Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture et UNESCO. Wikipédia, consulté le 27

février,

2013 :http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_Suisse_au_XXe_si%C3%A8cle#La_politique_ext.C3.A9rieure_de_la_Suis se

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Plusieurs initiatives se sont succédées entre les années 60-80 (les informations tirées de la même source-wikipédia): - contre la pénétration étrangère en 1965,

- contre l’emprise étrangère en 1969,

- contre le surpeuplement de la Suisse en 1972 (Schwarzenbach et son parti lancent la deuxième initiative demandant d'abaisser la population étrangère dans chaque canton à 10 % de la population suisse, à l'exception du canton de

pour défendre l’unité helvétique et protéger le pays des menaces qui accompagnent, selon ces derniers, l’afflux migratoire. Les associations/groupes organisés par la diaspora (jusqu’alors à caractère syndical et militant) connaîtront également une transformation importante dès la deuxième vague de migrants d’Italie et d’Espagne dans les années soixante.

La vie associative se concentre sur les conditions de travail. La migration provisoire se transforme en migration sédentaire. Le rêve du retour auquel croyait le migrant et que les autorités partageaient n’est devenu qu’illusion. Les associations luttent contre les statuts temporaires et pour la reconnaissance sociale marquée par la recherche d’un modèle de gestion de la pluralité. Une double dynamique se met en place : l’ouverture d’un type associatif anciennement syndical et la fermeture d’un autre type associatif de caractère identitaire (Cattacin & La Barba 2007). L’action de ces associations focalisée auparavant sur le retour et plutôt sur le territoire du pays d’origine (mise en place des cours de langue et de culture d’origine) se déplace sur d’autres objets (défense des droits des travailleurs) et prend une place plus importante dans l’espace de la ville. Aujourd’hui, la question des étrangers occupe toujours le devant de la scène urbaine et nationale. Les autorités tentent de donner des réponses suivant une certaine constance fondée sur les valeurs de sécurité intérieure, d’identité culturelle et de prospérité économique. Certaines institutions essayent d’introduire l’acteur étranger dans les espaces urbains formels en lui assignant un rôle et un lieu tout en tentant d’instaurer un certain partenariat. La recherche du juste équilibre entre la lutte contre la surpopulation étrangère et les besoins de l’économie continue de nos jours. L’élaboration des dispositifs qui formalisent l’accueil et l’intégration des étrangers perdure jusqu’à aujourd’hui cherchant la bonne méthode de l’appréhension des flux migratoires et de leur diversification, naviguant entre les réponses nationales et les réponses locales mises en œuvre par les instances des villes.

1.1.3 « Photo-graphie » de la ville et ses symboles

La ville est répartie en 17 quartiers, sur une superficie de 54, 8 km2. Ces derniers ont un pourcentage plutôt équilibré : 33 % d’étrangers par quartier à l’exception des quartiers qui se trouvent en périphérie et dont certains dépassent 50 % d’étrangers. La mixité des populations dans

Genève. Cela signifiait le renvoi de la moitié des étrangers, soit 300 000 personnes. Les villes la refusèrent alors que les campagnes y furent favorables)

- pour une limitation des naturalisation en 1974

- être solidaire en faveur d’une nouvelle politique à l’égard des étrangers en1977 - pour la limitation de l’immigration en 1985

l’espace urbain est-elle suffisante pour démontrer que la ségrégation et la polarisation sociales sont évitées ? L’absence de ségrégation spatiale ne signifie pas d’emblée la participation des habitants à la construction des espaces communs et n’implique pas nécessairement l’absence de ségrégation linguistique ou sociale. Les villes suivent les besoins en matière de logement, les besoins sociaux, sanitaires et éducatifs. Elles s’adaptent non seulement à cette évolution sociale mais aussi à l’évolution du discours qui est tenu sur sa population. Elles deviennent les scènes sur lesquelles s’affichent les discours pour et contre les arrivées des étrangers servant de décor pour ces interactions20

. Elles accueillent des personnes, des discours tenus sur l’étranger, sur son rôle pour la Suisse. Mais les villes adoptent en même temps de nouvelles pratiques dont les pratiques langagières des étrangers représentant un patrimoine linguistique pluriel s’ajoutant à celui de la Suisse, déjà plurilingue. Cette dimension linguistique est souvent absente ou placée au second plan lorsqu’on présente l’accueil des étrangers en se limitant aux chiffres, aux statistiques et en associant les langues parlées par les étrangers à leur identité nationale alors qu’elle jouera un rôle sur l’identité urbaine en renforçant son image.

Partant de la dimension morphologique de la ville, de son organisation, de ses structures, de son histoire et de ses langues, nous cherchons progressivement à saisir comment les acteurs (collectifs et individuels) se construisent les images (au sens propre et figuré) et quels moyens, actions, symboles ils choisissent pour exprimer leur regard sur leur environnement et sur leur place dans la ville. Voici une illustration de la ville présentée par ses symboles.

Figure : emblèmes de Lausanne

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A titre d’exemple, nous mentionnons ici un projet d’exposition qui rassemblent les affiches en lien avec ces initiatives, analysées par Christelle Maire et Francesco Garufo (2010) de l’Université de Neuchâtel, L’étranger à l’affiche : altérité et

identité dans l’affiche politique suisse (1918-2010). Ces deux auteurs relient les affiches au développement de la

communication politique dans une analyse historique et sociologique. Nous en tirerons un exemple dans le chapitre qui traite des tensions sociolinguistiques.

Sigle  de  Lausanne  affichant  ses  emblèmes:  cathédrale,  lac,  ponts,collines,  plage,..   (source  :  hhp://www.lausanne.ch/lausanne-­‐en-­‐bref/un-­‐portrait.html)