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1.3   Dispositif d’intégration des étrangers : marques d’aménagement structurel et social 34

1.4.1   La situation sociolinguistique de Lausanne 39

Lausanne est la capitale romande caractérisée par un français « vaudois » (marqué phonétiquement et lexicalement) avec des traces insignifiantes d’un dialecte (ancien patois local). Le métissage avec les langues et pratiques exogènes est semblable à d’autres grandes villes, excepté les villes marquées par le bilinguisme officiel (Fribourg, Bienne, Sierre, Morat). D’autres villes de Suisse alémanique sont caractérisées par la diglossie et la problématique sociolinguistique qui suit ce phénomène (le statut des langues et des dialectes, apprentissage de la langue officielle, sa place à l’école, etc.). Pour dresser les premières marques sociolinguistiques, nous avons d’abord esquissé un tableau répertoriant les trois niveaux de compétence, en analogie au tableau précédant, citant des textes officiels qui régulent l’usage des langues nationales et définissent la place des langues étrangères. La Constitution fédérale fixe quatre principes :

• L’égalité des langues

• La liberté des citoyens en matière de langue • La territorialité des langues

• La protection des langues minoritaires

Les frontières linguistiques sont marquées par les cantons dont plusieurs sont bilingues. Une de ces frontières bien connue et symbolisée par l’appellation Röstigraben se situe entre l’allemand et le français30. Environ 9 % de la population parle une langue étrangère non nationale dû à la

présence des étrangers. Ce facteur contribue au brassage des langues à côté de deux autres facteurs liés à l’économie et aux échanges instaurés le long d’une frontière linguistique. L’anglais est présent dans les entreprises internationales. Le principe de la territorialité est parfois restreint au profit de celui de la liberté des langues comme par exemple à Bienne où ce n’est pas toujours la langue démographiquement dominante qui s’impose comme la langue formelle.

Les textes, comme la dernière Loi sur les langues et l’Ordonnance incluent la promotion des langues étrangères en proposant le financement pour la promotion de l’acquisition par les allophones de leur première langue31. Brohy (2006)32 rappelle que le rapport aux langues est très

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64 % de la population est germanophone et parle l’un des nombreux dialectes suisses allemands, Schweizerdütsch (ou Schwytzertütsch). Le reste des locuteurs est réparti entre environ 20 % de francophones et 6 % d’italophones. Les locuteurs du romanche comptent moins de 40000 personnes.

complexe et qu’il est difficile de traiter la ville de manière isolée, sans prendre en compte le contexte historique, régional et national plus large. Il est clair, que la place des langues nationales légiférées par les textes n’est pas la même que celle « des langues de migration ». Mais il ne faudrait pas négliger le fait que ces dernières prennent de plus en plus d’importance sur la place publique. Brohy souligne également qu’il peut y avoir une certaine opacité lorsqu’on cherche des informations sur des données linguistiques : une perception confuse règne entre le rattachement de la diversité linguistique à des institutions ou à des individus, ce qui peut constituer un élément de déséquilibre linguistique et une menace identitaire pour le français en tant que langue dominante. Nous observons également ce flou quand il s’agit d’identifier les langues parlées dans les familles migrantes, surtout les langues parlées par la deuxième génération (Bolzman & Fibbi & Vial 2003). Un plurilinguisme ambiant est de plus en plus présent dans la ville, ses rues, ses lieux publics, dans la multitude des journaux exposés au kiosque de la gare ou du centre-ville. Même si la ville tente de façonner le label « diversité et cosmopolitisme », il ne faut pas négliger les discours qui luttent pour sa limitation. Les habitants ou les partis politiques réagissent différemment face à l’immigration et au plurilinguisme sociétal qui marquent la ville et ses lieux. Alors que certains favorisent la transmission intergénérationnelle des langues étrangères33, d’autres s’y opposent et

affichent des discours de rejet en exigeant des parents ou des habitants de parler uniquement le français. L’école est un autre lieu de la ville qui façonne l’image collective du plurilinguisme. Cette dernière joue un rôle capital. Elle favorise l’élargissement des répertoires langagiers par l’enseignement des langues nationales34. En même temps, elle tente de sensibiliser tous les élèves

et les enseignants à une démarche interlinguistique en l’introduisant dans son Plan d’étude officiel (PER-Plan d’étude romand). Elle prône une didactique spécifique développée à ce sujet35 afin de

(Art. 16, let. c, LLC) : Des aides financières destinées à promouvoir l’acquisition par les allophones de leur langue première sont accordées aux cantons pour les mesures suivantes:

a. promotion de formules d’enseignement intégré en langue et culture d’origine; b. formation continue des enseignants;

c. élaboration de matériel didactique.

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Même si ses travaux concernent plutôt des villes officiellement bilingues (Fribourg et Bienne), ils nous rappellent toutefois que les contacts entre les langues ne vont pas de soi, même dans des situations où les langues, notamment minoritaires, sont officiellement protégées.

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Les associations comme Globlivre, une bibliothèque interculturelle à Renens, tente de contribuer à cette transmission depuis plus de vingt ans en proposant des ouvrages dans les langues présentes dans la ville.

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Les langues enseignées à l’école dans le canton VD : le français d’abord et ensuite l’allemand comme l’une des branches principales quand il s’agit de passer à une voie supérieure ou de passer le certificat. L’anglais vient juste après et y prend aussi une place importante.

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Éducation et ouverture aux langues à l’école (EOLE), - language awareness - Begegnung mit Sprachen, introduit en Suisse romande en 2003. Il ne s'agit pas d'une branche à part, mais d'une approche globale des phénomènes langagiers pouvant être appliquée à toutes les branches (langues, mathématiques, histoire, sciences, musique, etc.) et à tous les niveaux d’enseignement et destinée à tous les élèves. Cette démarche interlinguistique introduite par des moyens d’enseignement pour les deux premiers cycles (de 6 à 12 ans) a pour objectif de susciter la curiosité des élèves face aux caractéristiques

susciter la conscientisation de tous les élèves à la présence d’autres langues dans la classe. Le risque que l’introduction de cette démarche représente est de donner une image idéalisée du plurilinguisme en négligeant les tensions et les conflits qu’accompagne la cohabitation des langues.

Le tableau qui suivra présente la politique linguistique en Suisse gérée à trois niveaux. On constate que le canton de Vaud à l’instar des autres cantons n’édicte aucune Loi cantonale mais s’appuie sur la Loi fédérale et le principe de territorialité qui en découle, reprise dans la Constitution cantonale en 2003 rappelant le statut officiel de la langue française (Art. 3). C’est dans les autres domaines, éducatif notamment, que nous trouvons les textes et les références par rapport aux langues des migrants. Même si les cantons demeurent souverains dans de nombreux domaines de la vie publique, la politique linguistique est la plupart du temps définie sous forme de recommandations au niveau fédéral. Le canton de Vaud ne fait, en tout cas, ni apparaître, ni soulever la question et la gestion de la diversité linguistique dans sa politique linguistique si ce n’est de rappeler la place du français dans l’intégration, fixée par la Loi cantonale sur l’intégration des étrangers.

Cette nouvelle Loi36 a généré deux mouvements :

1. la mise en place des cours de langue locale ;

2. la distribution des informations aux étrangers sur les règles principales de la vie et des structures locales.

spécifiques des différentes langues, à leurs similitudes et leurs différences. Ce moyen d’enseignement montre une façon de gérer la pluralité linguistique, culturelle et sociale à l’école.

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Promotion de l’acquisition par les allophones de leur langue première (art. 16, let. c, LLC)

Des aides financières destinées à promouvoir l’acquisition par les allophones de leur langue première sont accordées aux cantons pour les mesures suivantes:

a. promotion de formules d’enseignement intégré en langue et culture d’origine; b. formation continue des enseignants;

c. élaboration de matériel didactique.

La Confédération peut accorder des aides financières aux cantons dans les buts suivants:

a. créer un contexte propice à l’enseignement d’une deuxième ou d’une troisième langue nationale; b. encourager l’acquisition par les allophones de la langue nationale locale;

c. favoriser la connaissance par les allophones de leur langue première.

Les langues officielles de la Confédération sont l’allemand, le français et l’italien. Le romanche est aussi langue officielle pour les rapports que la Confédération entretient avec les personnes de langue romanche. Les cantons déterminent leurs langues officielles. Afin de préserver l’harmonie entre les communautés linguistiques, ils veillent à la répartition territoriale traditionnelle des langues et prennent en considération les minorités linguistiques autochtones.

• La Confédération et les cantons encouragent la compréhension et les échanges entre les communautés linguistiques. • La Confédération soutient les cantons plurilingues dans l’exécution de leurs tâches particulières.

• La Confédération soutient les mesures prises par les cantons des Grisons et du Tessin pour sauvegarder et promouvoir le romanche et l’italien.

L’application du cadre légal a provoqué un autre phénomène : les traductions massives des documents dans les langues des migrants, ce qui donne un effet de langues juxtaposées et non de langues en interaction. De plus, la possibilité d’avoir un retour sur le degré de compréhension et d’accueil de ces informations sur la vie en ville (exemples des brochures)37n’a pas toujours été

visée. Des moyens financiers sont donc investis dans la conception et dans la diffusion des informations descendantes mais très peu dans la vérification de la réception de ces informations. Dans la mise en place du dispositif, l’information ascendante n’est pratiquement pas visée par l’autorité. On oublie que l’information diffusée sur le fonctionnement et les valeurs locales, n’est pas forcément décodée de la même façon, en raison de l’hétérogénéité de la population porteuse de valeurs culturelles différentes, donc avec des grilles de lecture et des interprétations complètement différentes. Wolton (2005 : 224) nous rappelle que ce travail de décodage est beaucoup plus lent et prend beaucoup plus de temps que la fabrication de l’information. Peu de travaux nous renseignent sur la réception des informations par les acteurs, leur manière de les décoder, les ajustements et les aménagements auxquels ils procèdent à partir de leur référentiel culturel.

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Figure : Aménagement linguistique à trois niveaux

1.4.2 Visibilité des pratiques langagières plurilingues : quand l’afflux d’informations change