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La mise en place de voies légales et sûres d’accès à la protection internationale dans les États membres de l’UE est impératif - rappelé dans plusieurs études182- pour réduire la distance entre barrières juridiques et frontières physiques.

La discipline du visa humanitaire en droit de l’UE est lacuneuse et trop exposée, à l’heure actuelle, à la discrétion des États membres et de leurs autorités consulaires (1). La réponse donnée par la CJUE183 a une question préjudicielle portant sur l’existence

181 CJUE, affaire C-646/16, supra note 26, point 102.

182 Ulla Iben JENSEN, Humanitarian visas: option or obligation? - Study for the LIBE Commitee, Commission LIBE - Parlement européen, 2014; Violeta MORENO-LAX, Fernandes MEENA et Geny BRITTNI, Humanitarian Visas: Legal Aspects - European Added Value Assessment (European

Parliament Research Service, 2018), Commission LIBE - Parlement européen, 2018; Henri LABAYLE et Philippe DE BRUYCKER, Impact de la jurisprudence de la CEJ et de la CEDH en matière d’asile

et d’immigration, Parlement Européen, commission LIBE, 2012.

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d’une obligation positive des États membres d’octroyer des visas humanitaires via ses représentations consulaires à l’étranger - fondée sur le « code des visas »184 et sur la CDFUE - a soulevé des réactions d’indignation parmi les experts. Nous montrerons ici la fécondité cachée de l’action apparemment « passive » de la CJUE en matière de visa humanitaire (2).

La discipline défaillante du visa humanitaire en droit de l’UE

Le visa – nous l’avons rappelé en début de ce paragraphe ‒ est un élément de « distanciation juridique » visant à régler l’accès au territoire d’un État et pouvant être délivré, entre autres, pour des raisons humanitaires. Pour mieux définir ce dernier aspect, et l’encadrer dans la dynamique de la distance entre barrières physiques et frontières géographiques, nous faisons ici appel à la différence sollicitée par Serge-Théophile Bambara entre l’externalisation et la déterritorialisation des procédures d’examen des demandes d’asile. Dans le cas de l’externalisation, l’État « sous-traite » ses fonctions de contrôle à des autorités d’États tiers ou à des acteurs privés, alors que la « la déterritorialisation ou le traitement extraterritorial renvoie au fait, pour un État, de recevoir et d'examiner hors de son territoire, et par l'entremise de ses missions diplomatiques et consulaires, une demande d'entrée sur le territoire dans le but de demander l'asile »185.

En effet, lorsque le but de l’accès au territoire est de présenter une demande d’asile, les États membres de l’UE peuvent octroyer trois typologies différentes de visas : 1. les visas de longs séjours (relevant entièrement du droit national); 2. les visas d’asile

184 Règlement (UE) 2019/1155 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 portant

modification du règlement (CE) n° 810/2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas), JO L 188 du 12.7.2019 25–54.

185 Serge-Théophile BAMBARA, « L’avènement du « visa humanitaire » dans le système d’asile européen », RTD Eur. | Dalloz 2019.4.817 et ss., 820.

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Schengen de court séjour186; 3. les visa d’asile Schengen à validité territoriale limitée187, lesquels « [peuvent] être valables pour le territoire d’un ou plusieurs autres États membres, pour autant que chacun de ces États membres ait marqué son accord »188.

Le « visa humanitaire »189 ou le « visa d'asile » est défini, en ce sens, comme « un document délivré par les autorités diplomatiques ou consulaires aux personnes sollicitant une protection internationale, afin de leur permettre d'entrer sur le territoire d'un État dans le seul but de pouvoir déposer une demande d'asile »190.

Le code « code des visas », tel qu’amendé par le Règlement 2019/1155 du 20 juin 2019, donne la possibilité à tout État de pouvoir accorder des visas pour « raisons humanitaires », en vertu de l'article 25, dont les termes se lisent comme suit :

« Un visa à validité territoriale limitée est délivré à titre exceptionnel dans les cas suivants :

a) lorsqu'un État membre estime nécessaire, pour des raisons humanitaires, pour des motifs d'intérêt national ou pour honorer des obligations internationales :

186 UE, Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant

un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), JO L 77 du 23.3.2016, 1–52 article 6, paragraphe 5, sous c]; et Règlement (UE) 2019/1155 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 portant modification du règlement (CE) n° 810/2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas) , JO L 188 du

12.7.2019 25–54 article 19, paragraphe 4.

187 Règlement (UE) 2019/1155 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 portant

modification du règlement (CE) n° 810/2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas), JO L 188 du 12.7.2019 25–54 article 25, paragraphe 1, lettre a].

188 Ibidem, article 25, paragraphe 2.

189 Pour une information complète concernant le « visa humanitaire » en droit de l’UE voir: Moreno-Lax, Violeta, « The EU Humanitarian Border and the Securitization of Human Rights: The ‘Rescue-Through-Interdiction/Rescue-Without-Protection’ Paradigm - Moreno-Lax - 2017 - JCMS: Journal of Common Market Studies - Wiley Online Library », en ligne : <http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jcms.12651/abstract> (consulté le 30 décembre 2017); Ulla Iben Jensen, Humanitarian visas: option or obligation? - Study for the LIBE Commitee, Commission LIBE - Parlement européen, 2014.

190 Serge-Théophile BAMBARA, « L’avènement du « visa humanitaire » dans le système d’asile européen », RTD Eur. | Dalloz 2019.4.817 et ss., 817.

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i) de déroger au principe du respect des conditions d'entrée prévues à l'article 5, paragraphe 1, points a), c), d) et e), du code frontières Schengen [...] iii) de délivrer un visa en raison de l'urgence, sans avoir procédé à la consultation préalable au titre de l'article 22. »191

Aucun acte spécifiquement dédié à définir les conditions d’octroi du « visa humanitaire » n'a, à ce jour, été adopté par le législateur de l'UE192, sur le fondement de l'article 79, paragraphe 2, sous a), du TFUE. Néanmoins, certains États membres, notamment la Belgique, l’Allemagne et la Suède, ont délivré des visas humanitaires selon des critères hétérogènes et sur une base arbitraire193.

191 Règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant

un code communautaire des visas (code des visas), JO L 243/1, 15.09.2009 article 25, paragraphe 1,

lettre a] sous i) et iii].

192 Ulla Iben JENSEN, Humanitarian visas: option or obligation? - Study for the LIBE Commitee, Commission LIBE - Parlement européen, 2014, p. 6. « There is no separate procedure established for the lodging and processing of an application for a humanitarian LTV [Limited Territory Visa] visa in the Visa Code.»

193 Dans ce sens voir Serge-Théophile BAMBARA, « L’avènement du « visa humanitaire » dans le système d’asile européen », RTD Eur. | Dalloz 2019.4.817 et ss.; Jean-Yves CARLIER et Luc LEBOEUF, « Le visa humanitaire et la jouissance effective de l’essentiel des droits : une voie moyenne ? À propos de l’affaire X. et X (PPU C-638/16) », Groupe de Recherche - Espace Liberté

Sécurité Justice, sect. Actualités du GDR (20 février 2017), en ligne :

<http://www.gdr-

elsj.eu/2017/02/20/informations-generales/le-visa-humanitaire-et-la-jouissance-effective-de-lessentiel-des-droits-une-voie-moyenne-a-propos-de-laffaire-x-et-x-ppu-c-63816/> (consulté le 26 mai 2018); « Le visa humanitaire et la jouissance effective de l’essentiel des droits : une voie moyenne ? À propos de l’affaire X. et X (PPU C-638/16) », Groupe de Recherche - Espace Liberté

Sécurité Justice, sect. Actualités du GDR (20 février 2017), en ligne :

<http://www.gdr-

elsj.eu/2017/02/20/informations-generales/le-visa-humanitaire-et-la-jouissance-effective-de-lessentiel-des-droits-une-voie-moyenne-a-propos-de-laffaire-x-et-x-ppu-c-63816/> (consulté le 3 juin 2020); Chloé PEYRONNET et Tania RACHO, « « Ceci n’est pas un visa humanitaire » : La Cour de justice neutralise l’article 25 § 1 a) du code des visas. Droit d’asile (CJUE) », La Revue des droits

de l’homme. Revue du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux 2017, en ligne :

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L’affaire X. et X. contre Belgique : une leçon à tirer

La CJUE dans l’affaire X. et X. Contre Belgique194 a été appelée à se prononcer sur l’interprétation du « vide juridique » qui existe entre les obligations positives imposées aux États membres par le respect des droits fondamentaux inscrits dans la CDFUE et dans la Convention de Genève195, d’un côté, et le respect de la discipline en matière de visas prévue par le droit de l’UE196 de l’autre.

Reprenant les considérations de J.-Y. Carlier et Luc Leboeuf « [l]es questions soumises à la Cour de justice portent sur l’un des grands paradoxes du droit européen, et international, de l’asile : seul celui ou celle qui parvient à quitter son pays, mais aussi à rejoindre le territoire d’un autre État a accès à la possibilité d’une protection internationale »197. Eugénie Delval se réfère à cette incongruence du système européen de protection du droit d’asile - le nomme-t-elle aussi de paradoxe -, met l’accent sur le fait qu’« autant le droit de fuir la persécution et de chercher l’asile est garanti, autant le droit d’atteindre le territoire

194 CJUE, 7 mars 2017, X. et X. contre État belge, affaire C-638/16 PPU.Rec num.

195 Nous faisons ici référence à la Convention relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, 189 RTNU 137 (entrée en vigueur: 2 avril 1954), ainsi qu’au protocole de 1967.

196 Règlement (UE) 2019/1155 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 portant

modification du règlement (CE) n° 810/2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas), JO L 188 du 12.7.2019 25–54; Règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas) , JO L 243/1,

15.09.2009; Règlement (CE) n° 81/2009 du Parlement européen et du Conseil du 14 janvier 2009

modifiant le règlement (CE) n o 562/2006 en ce qui concerne l’utilisation du système d’information sur les visas (VIS) dans le cadre du code frontières Schengen, [2009] JO, L 35/56.

197 Jean-Yves CARLIER et Luc LEBOEUF, « Le visa humanitaire et la jouissance effective de l’essentiel des droits : une voie moyenne ? À propos de l’affaire X. et X (PPU C-638/16) », Groupe de Recherche

- Espace Liberté Sécurité Justice, sect. Actualités du GDR (20 février 2017), en ligne :

<http://www.gdr-elsj.eu/2017/02/20/informations-generales/le-visa-humanitaire-et-la-jouissance-effective-de-lessentiel-des-droits-une-voie-moyenne-a-propos-de-laffaire-x-et-x-ppu-c-63816/> (consulté le 26 mai 2018).

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d’un pays tiers en vue de solliciter l’asile ne l’est pas » 198. Il s’agit selon cet auteur d’un « [p]paradigme implicite du droit des réfugiés »199, car « les États ne se considèrent obligés vis-à-vis des réfugiés qu’une fois qu’ils sont parvenus sur leur territoire ou se trouvent sous leur contrôle »200.

À la base de la saisine de la CJUE, il y avait un conflit tout interne aux autorités administratives belges. Plus précisément, le Conseil du Contentieux des étrangers - le juge administratif compétent en matière d’asile et immigration - a décidé de poser une question préjudicielle en interprétation à la CJUE suite à l’appel présenté par les requérants contre la décision de refus de « visa humanitaire » émise par l’Office des étrangers.

Les requérants, une famille syrienne avec trois jeunes enfants, avait en effet introduit, sur la base de l'article 25, paragraphe 1, point a), du « code des visas », des demandes de visas à validité territoriale limitée auprès du consulat de Belgique à Beyrouth. L'objectif de la demande était de permettre à la famille de quitter la ville d'Alep assiégée et d'introduire une demande d'asile en Belgique. Ils faisaient valoir notamment que la situation sécuritaire en Syrie - et à Alep en particulier -, ainsi que l'appartenance de la famille à la minorité chrétienne orthodoxe, les exposaient au risque d'actes spécifiques de persécution pour des motifs religieux.

Les questions posées par le Conseil du Contentieux des Étrangers concernaient d’abord les « obligations internationales », visées à l’article 25, paragraphe 1, sous a), du code des visas, en particulier, le respect des droits garantis par les articles 4 et 18 CDFUE, et de l’article 33 CEDH. Ensuite, il était question d’établir si un État membre de l’UE est tenu de délivrer, en application de l’article 25 du code des visas, le visa à validité

198 Eugénie DELVAL, « La CEDH appelée à trancher la question des “visas asile” laissée en suspens par la CJUE: Lueur d’espoir ou nouvelle déception? », en ligne : <https://eumigrationlawblog.eu/la- cedh-appelee-a-trancher-la-question-des-visas-asile-laissee-en-suspens-par-la-cjue-lueur-despoir-ou-nouvelle-deception/> (consulté le 4 juin 2020).

199 Ibidem. 200 Ibidem.

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territorial limité demandé, « lorsqu’un risque de violation de l’article 4 et/ou de l’article 18 de la Charte est avéré »201.

L’Avocat Général Paolo Mengozzi rendait, le 7 février 2017, des conclusions à la portée historique202, dans lesquelles affirmait que, sur la base de ladite disposition du « code des visas » :

l’État membre sollicité par un ressortissant d’un pays tiers afin de lui délivrer un visa à validité territoriale limitée au motif de l’existence de raisons humanitaires est tenu de délivrer un tel visa si, eu égard aux circonstances de l’espèce, il existe des motifs sérieux et avérés de croire que le refus de procéder à la délivrance de ce document conduira à la conséquence directe d’exposer ce ressortissant à subir des traitements prohibés par l’article 4 de la charte des droits fondamentaux, en le privant d’une voie légale pour exercer son droit de demander une protection internationale dans cet État membre203.

Pour aboutir à cette conclusion l’Avocat Générale Mengozzi, éclaircit un point fondamental et assez contesté, à savoir que « l’intention des requérants au principal de demander le statut de réfugiés une fois entrés sur le territoire belge ne saurait modifier la nature ni l’objet de leurs demandes »204.

Les grands espoirs des détracteurs de la protection des droits fondamentaux des migrants ainsi que de l’effectivité du droit d’asile, alimentés par ces conclusions, ont été balayés du revers de la main par la CJUE, exactement un mois plus tard. Ces espoirs étaient aussi fondés sur le fait que les juridictions internes belges avaient longtemps considéré qu'« en raison du caractère absolu, reconnu à l'article 3 de la CEDH, les États parties à la Convention, tel le Royaume de Belgique, ont le devoir non seulement de ne pas violer le droit

201 CJUE, 7 mars 2017, X. et X. contre État belge, affaire C-638/16 PPU.Rec num point 28.

202 CJUE, 7 février 2017, Conclusions de l’Avocat Général Paolo Mengozzi dans l’affaire X et X

contre État belge, affaire C-638/16 PPU, Rec num.

203 Article 25, paragraphe 1, sous a] Règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du

Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas), JO L 243/1,

15.09.2009.

204 CJUE, 7 février 2017, Conclusions de l’Avocat Général Paolo Mengozzi dans l’affaire X et X

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protégé par cette disposition, mais aussi de prévenir les violations de ce droit, y compris lorsqu'elles risquent d'être commises hors de leur territoire par des autorités étrangères »205.

Dans son arrêt du 7 mars 2017, les juges de Luxembourg ont en revanche affirmé « qu'une demande de protection internationale ne relève pas de l'application du code des visas, mais, en l'état actuel du droit de l'Union, du seul droit national »206. En d’autres termes, la situation en l’espèce ne relevait pas du code des visas ni du droit de l’UE, mais qu’il s’agissait plutôt d’une situation assujettie au droit interne. De surcroît, la CJUE exclut que les États membres puissent être tenus, sur le fondement du code des visas, de permettre, à des ressortissants de pays tiers d’introduire une demande de protection internationale auprès des représentations situées sur le territoire d’un pays tiers :

Or, alors que le code de visas n’a pas pour objet d’harmoniser les réglementations des États membres relatives à la protection internationale, il y a lieu de constater que les actes de l’Union adoptés sur le fondement de l’article 78 TFUE qui régissent les procédures applicables aux demandes de protection internationale ne prévoient pas une telle obligation et excluent, au contraire, de leur champ d’application les demandes présentées auprès des représentations des États membres207.

L’interprétation de la CJUE a fait l’objet d’âpres critiques, J.-Y. Carlier et Luc Leboeuf parlent de « hypocrisie coupable » se cachant derrière l’attitude silencieuse de la Cour.

Dès l’instant où l’Union a prétention à mettre en œuvre un contrôle commun de ses frontières extérieures et une politique commune d’asile, la marge de manœuvre des États offre encore une grande liberté de décision, mais ne peut les dispenser de motiver toute décision. Un refus de visa humanitaire, même à validité territoriale limitée, emporte nécessairement des conséquences, en droit comme en fait, sur cette politique commune.

205 Conseil d'État (Belgique), Section du contentieux administratif, État belge c/ X et Y, ordonnance n° 9681, 22 mai 2013, p. 5.

206 CJUE, 7 mars 2017, X. et X. contre État belge, affaire C-638/16 PPU.Rec num point 51. 207 CJUE, 7 mars 2017, X. et X. contre État belge, affaire C-638/16 PPU.Rec num point 49.

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L’obligation de le motiver peut constituer un point d’équilibre entre le respect des souverainetés et la protection des droits fondamentaux208.

En réalité, cette attitude que nous pouvons nommer de « passivisme judiciaire »209 met en exergue l’une des faiblesses majeures du régime européen commun d’asile. Le choix d’une interprétation restrictive du droit dérivé de l’UE, si d’un côté répond sûrement à des critères de pragmatisme et de « politique judiciaire »210, de l’autre a eu l’effet de mettre en avant les failles et les incongruences du système d’accueil des réfugiés au sein de l’UE, déchirée entre la dynamique des compétences partagées et la reconnaissance des « situations relevant du droit purement interne »211. Le silence a ainsi fait de caisse de résonance, attirant aussi l’intérêt du Parlement européen.

208 Jean-Yves CARLIER et Luc LEBOEUF, « Le visa humanitaire et la jouissance effective de l’essentiel des droits : une voie moyenne ? À propos de l’affaire X. et X (PPU C-638/16) », Groupe de Recherche

- Espace Liberté Sécurité Justice, sect. Actualités du GDR (20 février 2017), en ligne :

<http://www.gdr-elsj.eu/2017/02/20/informations-generales/le-visa-humanitaire-et-la-jouissance-effective-de-lessentiel-des-droits-une-voie-moyenne-a-propos-de-laffaire-x-et-x-ppu-c-63816/> (consulté le 26 mai 2018).

209 Iris GOLDNER LANG, « Towards ‘Judicial Passivism’ in EU Migration and Asylum Law? Preliminary Thoughts for the Final Plenary Session of the 2018 Odysseus Conference – EU Immigration and Asylum Law and Policy », EU Immigration law Blog (2018), en ligne : <https://eumigrationlawblog.eu/towards-judicial-passivism-in-eu-migration-and-asylum-law-preliminary-thoughts-for-the-final-plenary-session-of-the-2018-odysseus-conference/> (consulté le 24 mai 2019); Sur ce point voir aussi : Enzo CANNIZZATO, « Denialism as the Supreme Expression of Realism – A Quick Comment on NF v. European Council », (2017) 2-1 European Papers 251‑257; Keenan D. KMIEC, « The Origin and Current Meanings of “Judicial Activism” », (2004) 92-5

California Law Review 1441‑1477, DOI :10.2307/3481421; Zeev SEGAL, « Judicial Activism Vis-a-Vis Judicial Restraint: An Israeli Viewpoint », (2011) 47-2 Tulsa Law Review 319‑330; Dario ONANA, « L’activisme judiciaire de la Cour de justice face à l’essor des droits fondamentaux. Par Dario Onana, Juriste. », Village de la Justice, en ligne : <https://www.village-

justice.com/articles/activisme-judiciaire-cour-justice-face-essor-des-droits-fondamentaux,31727.html> (consulté le 7 avril 2020). 210 Voir infra, Partie II, Titre I, Chapitre I, Section 3.

211 CJUE, 8 mars 2011, Gerardo Ruiz Zambrano contre Office national de l’emploi (ONEm), affaire C-34/09.Rec num.

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Le coût humain de ces politiques défaillantes, estimé à au moins 30 000 décès aux frontières de l’Union depuis l’année 2000, a poussé la Commission LIBE du Parlement européen à formuler une proposition de résolution, dans laquelle est indiqué

qu’un cadre juridique européen est nécessaire de toute urgence pour mettre un terme au nombre intolérable de morts en Méditerranée et sur les routes migratoires qui mènent à l’Union, pour lutter véritablement contre le trafic des êtres humains, contre le risque de traite d’êtres humains et d’exploitation par le travail et contre la violence, pour gérer de façon ordonnée les arrivées, l’accueil digne et le traitement équitable des demandes d’asile, et pour optimiser le budget des États membres et de l’Union alloué à l’asile, aux procédures d’asile, au contrôle des frontières et aux activités de recherche et de sauvetage, ainsi que pour parvenir à des pratiques cohérentes dans l’acquis de l’Union en matière d’asile212.

De plus, ce texte pointe à la fois le fait qu’ « environ 90 % des personnes qui obtiennent par la suite le statut de réfugié et bénéficient d’une protection subsidiaire arrivent sur le territoire des États membres de manière irrégulière »213, et le fait que le risque de fragmentation, dû à l’hétérogénéité des procédures d’admission et des procédures humanitaires mises en œuvre par les États membres, va à l’encontre de l’objectif général visé à l’article 78, paragraphe 1, du traité FUE, qui est d’élaborer une politique commune en