• Aucun résultat trouvé

253 Joël Molinier, Les agences de l’Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2011; Koen Verhoest, « Agencification in Europe » dans Edoardo Ongaro et Sandra Van Thiel, dir, The Palgrave Handbook

of Public Administration and Management in Europe, London, Palgrave Macmillan UK, 2018,

327‑346; Édouard Dubout, « Les enjeux constitutionnels du pouvoir de substitution de l’agence Frontex » n. 3 RTD Eur 457; Loic Grard, « Le controle des actes des agences de régulation : analyse comparée » dans La légistique dans le système de l’Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2012, 137‑159; Joanna Parkin, « EU Home Affairs Agencies and the Construction of EU Internal Security » [2012] CEPS paper; FRA, Opinion of the European Union Agency for Fundamental Rights The

revised European Border and Coast Guard - Regulation and its fundamental rights implications,

Opinion, 2018, en ligne : <https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/fra-2018-opinion-ebcg-05-2018_en.pdf> (consulté le 5 avril 2019); Merijn Chamon, EU agencies: legal and political

limits to the transformation of the EU administration, First edition.., coll Oxford studies in European

law, Oxford, University Press, 2016, en ligne :

99

Depuis la création, en 1948, de la première agence pour l’approvisionnement de l’énergie atomique, l’Agence d’approvisionnement d’Euratom (AAE)254, le nombre d’agences n’a jamais cessé d’augmenter. Selon les données recueillies par la Cour des comptes de l’Union européenne255, en 2017, l’UE comptait quarante-et-une agences actives dans son administration. Les agences sont distribuées sur le territoire de vingt-six pays membres, et environ 10 000 personnes, fonctionnaires et personnel administratif confondus, y travaillent. Le bilan complexif de toutes les agences en 2017256 était de 3,5 milliards d’euros, un montant qui représente environ 2,7% du budget global de l’UE257.

Les agences diffèrent les unes des autres par leur mandat, par les pouvoirs qui leur sont attribués et pour un ensemble de facteurs ultérieurs, mais opérer une classification claire est une opération particulièrement ardue. Nous allons donc brièvement illustrer la distinction faite en doctrine entre les catégories d’agences de régulation et agences d’exécution (1), pour ensuite montrer l’importante contribution de la CJUE à la définition des compétences des agences (2).

La distinction entre agence de régulation et agence exécutives

254 L’Agence d’approvisionnement d’Euratom, sise à Luxembourg, a été créée en 1958. La Décision

2008/114/CE, Euratom du Conseil a remplacé les statuts précédents de l’Agence. Celle-ci a pour

principale mission de garantir aux utilisateurs de l’Union européenne un approvisionnement régulier en matières nucléaires, en particulier en combustibles nucléaires, selon le principe de l’égal accès aux ressources et par la poursuite d’une politique commune d’approvisionnement. CONSEIL EUROPÉEN,

Décision du Conseil du 12 février 2008 établissant les statuts de l’Agence d’approvisionnement Euratom, 2008/114/CE, Euratom [2008] JO, L 41/15.

255 COUR DES COMPTES DE L’UE, Rapport annuel sur les agences de l’UE relatif à l’exercice 2017. 256 Sauf le Comité de Résolution Unique (CRU), qui a pour mission d’assurer une résolution sans heurt des défaillances des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement, avec le moins d’incidences possibles sur l’économie réelle et les finances publiques des États membres participant à l’union bancaire. Le CRU dispose d’un budget autonome qui ne relève pas du budget de l’UE et qui est financé par les contributions des établissements de crédit établis dans les États membres participant à l’union bancaire. En 2017 ce budget était de 6,6 milliards d’euros.

100

Le professeur Loïc Grard, en accord avec la quasi-totalité de la doctrine, définit les agences comme « des organismes de droit public distincts des Institutions communautaires, pourvus de la personnalité juridique. Elles sont créées par un acte de droit dérivé pour accomplir une tâche technique normalement dévolue à la Commission »258.

La catégorie indiquée par les traités n’est pas homogène. Il existe, en effet, plusieurs types d’agences. Dans la communication sur la création des agences de régulation publiée en 2002259, la Commission a introduit la dichotomie entre agences exécutives et agences de régulation. Les premières n'étaient que marginalement traitées et identifiées en tant qu’organismes chargés de tâches de pure gestion, à savoir assister la Commission dans la mise en œuvre des programmes communautaires de soutien financier, tout en étant soumises à un contrôle strict de sa part. Les agences de régulation, en revanche, ont été décrites comme des organismes « chargés de participer de manière active à l’exercice de la fonction exécutive, en posant des actes qui contribuent à la régulation d’un secteur déterminé »260.

Le rapport annuel sur les agences de l’UE, publié en 2017 par la Cour des comptes de l’UE, montre l’évolution de cette dichotomie et présente l’ensemble des agences

258 Loic GRARD, « Le controle des actes des agences de régulation : analyse comparée », dans La

légistique dans le système de l’Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 137‑159.

259 COMMISSION EUROPÉENNE, Communication de la Commission : L’encadrement des agences

européennes de régulation, (2002) COM(2002) 718 final, Bruxelles.

260 Ibid, p. 4. Dans la plupart des cas, il s’agit d’agences regroupant et mettant en réseau des activités relevant à l’origine de la juridiction nationale, afin de renforcer la cohérence et l’efficacité de la réglementation.

101

existantes divisé en deux catégories261 : trente-deux agences décentralisées262 et six agences exécutives de la Commission263. Cette classification constitue l’expression du déplacement progressif de l’administration de l’Union vers la périphérie des grandes institutions. Cependant, le transfert de compétences aux nouveaux sujets de droit international public que sont les agences a soulevé plusieurs critiques et, encore aujourd’hui, se prête à différentes interprétations.

L’action de la CJUE pour la définition des compétences des agences

La CJUE a développé, à partir de l’arrêt Meroni 264, rendu en 1958, une jurisprudence qui a permis de comprendre les mécanismes de partage de compétences au sein de l’Union et, surtout, le processus de transfert de compétences propres aux institutions vers les agences. Tel qu’évoqué par le professeur Édouard Dubout, dans le silence des traités, la jurisprudence Meroni forme un véritable cadre constitutionnel principal de l’agencification dans l’UE.

261 La doctrine, dans le but de décrire les spécificités de chaque organisme, a produit une multiplicité de catégories différentes sous lesquelles les agences peuvent être classées. Pour une contribution complète et très à jour en la matière, voir Jacopo ALBERTI, Le agenzie dell’Unione Europea, Università degli Studi di Milano, Milano, Giuffré, 2018. L’auteur présente cinq catégories d’agences : i) agences réglementaires; ii) agences consultatives; iii) agences opérationnelles; iv) agences de coordination et pour l’échange d’informations; v) agences avec pouvoir décisionnel à portée individuelle.

262 Cedefop, Eurofound, AEE, ETF, EMA, OEDT, CdT, OCVV, OUEPI, EU-OSHA, FRA, AESA, EFSA, AESM, Eurojust, ECDC, ENISA, AFE, Frontex, GSA, CEPOL, AECP, ECHA, EIGE, ACER, Office de l’ORECE, Europol, EASO, ABE, AEAPP, AEMF et eu-LISA.

263 INEA, REA, EACEA, ERCEA, Chafea et EASME. À cette liste se rajoutent trois autres organismes qui ont des mandats spécifiques et une gestion budgétaire autonome. Il s’agit de: l’EIT, l’AAE et le CRU.

264 CJCE, 13 juin 1958, Meroni & Co., Industrie Metallurgiche, SpA contre Haute Autorité de la

102

De ses interprétations nombreuses ressortent principalement quatre conditions à remplir pour qu’une agence soit valablement investie d’un pouvoir : 1) que l’autorité habilitante ne lui confère pas un pouvoir qu’elle ne détient pas elle-même; 2) que l’allocation de pouvoir soit explicite et circonscrite, 3) que le pouvoir alloué soit nécessaire à la mission assignée, et enfin 4) que le pouvoir alloué ne soit pas « discrétionnaire »265.

Chacune de ces conditions a été, au fil des années, développée et clarifiée par la CJUE dans une jurisprudence consacrée au transfert de compétences aux agences266, à la clarification de la notion de pouvoir « discrétionnaire »267, voire même aux limites imposées par les droits fondamentaux sur les mécanismes de délégation de pouvoirs à certaines agences spécifiques comme l’agence Frontex268.

Le domaine du contrôle des frontières extérieures de l’UE est l’exemple marquant du fait que le partage de responsabilités entre UE et États membres est régi par le principe d’administration indirecte, conformément aux articles 4, paragraphe 3, du TUE et 291 du TFUE, selon lesquels l’exécution normative et l’application de règles communes, notamment en matière de contrôle aux frontières, demeurent de la compétence exclusive des États membres. Dans un tel cadre de répartition de compétences, la création des agences de l’Union répond à deux exigences principales. D’une part, elle incarne la projection de la nécessité de faciliter la Commission dans la mise en œuvre des politiques communes – c’est d’ailleurs la mission la plus immédiate et facilement identifiable. D’autre part, l’attribution de compétences à ces organismes périphériques représente la tentative de favoriser une harmonisation normative sans pour autant remettre en cause le principe de responsabilité souveraine des États membres en matière de gestion des frontières extérieures.

265 Édouard DUBOUT, « Les enjeux constitutionnels du pouvoir de substitution de l’agence Frontex », n. 3 RTD Eur. 457, 463.

266 CJUE, 22 janvier 2014, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord contre Parlement

européen et Conseil de l’Union européenne, affaire C-270/12.Rec num.

267 CJCE, 14 mai 1981, Giuseppe Romano contre Institut national d’assurance maladie-invalidité, Affaire C-98/80, [1981] Rec CE.01241.

268 CJUE, 5 septembre 2012, Parlement c Conseil de l’Union européenne (Code frontières Schengen), affaire C-355/10.Rec num.

103